EFFICACITE ENERGETIQUE. La place du béton dans le label énergie carbone (E+C-) a été l'un des grands thèmes abordés lors de l'assemblée générale de la Fédération de l'industrie du béton (Fib), qui s'est tenue le 16 juin à Paris. Les professionnels de la filière s'inquiètent notamment de la faisabilité technique et économique de la future réglementation environnementale. Explications.

La filière béton n'a aucun doute sur le fait que le label énergie carbone (E+C-), qui préfigure la prochaine réglementation environnementale, va faire progresser l'innovation en son sein. Pour autant, pour les professionnels, de nombreuses questions restent pour le moment sans réponse. C'était l'objet d'une table ronde qui a eu lieu, le 16 juin au Conseil économique, social et environnemental, à Paris, lors de l'assemblée générale de la Fédération de l'industrie du béton (Fib).

 

Parmi les sujets qui préoccupent le secteur, vis-à-vis du label E+C-, on retrouve celui de la "faisabilité économique" de cette future réglementation, c'est-à-dire du coût. "Nous ne voulons pas nous faire reprendre au piège de la RT 2012", a ainsi prévenu Jean-Jacques Barreau, consultant technique des constructeurs et aménageurs de la FFB (LCA-FFB). "La RT 2012 avait représenté en surcoût allant de 10 à 14%, il n'est pas question d'en rajouter une couche avec la future réglementation. Il faut savoir que les acquéreurs de maison individuelle sont aujourd'hui à 1000 euros près pour décrocher leur crédit. Et les entreprises ont déjà optimisé leurs coûts au maximum, ou presque. Les augmenter conduirait à exclure un grand nombre de Français du marché du neuf."

 

"En termes de réglementation thermique, trop d'exigence tue l'exigence"

 

Conjuguée à cette question du coût, celle de la faisabilité technique. Pour rappel, le label E+C- est constitué de quatre niveaux de performance énergétique (E1, E2, E3, E4) et de deux niveaux en terme d'émissions carbone (C1 et C2).

 

Pour la partie énergie, Jean-Jacques Barreau (LCA-FFB) pointe l'exigence des seuils. "Nous pouvons facilement atteindre le niveau E1 avec les bâtiments que l'on construit couramment aujourd'hui", a-t-il expliqué. "Car nous pouvons bénéficier d'une certaine marge de manœuvre." En effet, les professionnels du béton rappellent qu'il est possible pour les constructeurs de s'engager, en phase projet, à un résultat respectant la réglementation, à la condition de bénéficier d'une marge de manœuvre. Car il faut composer avec les aléas, ceux du terrain et ceux du déroulé du chantier. "Or, aujourd'hui, cette marge de manœuvre dont nous disposons est mangée d'emblée par les premiers niveaux 'énergie' du label E+C-", avertit le responsable de LCA-FFB. "Il va donc falloir rester attentif au niveau d'efficacité énergétique que l'on retiendra demain dans les textes."

 

D'autant plus qu'il pourrait devenir difficile de justifier auprès des particuliers un investissement supplémentaire, compte tenu du retour sur investissement promis. "En termes d'exigence énergétique, nous sommes au bout du bout !", assure Jean-Jacques Barreau. "La première réglementation thermique date des années 70. Aujourd'hui, nous sommes au point où pour économiser 10 euros sur sa facture, il faudra en dépenser 1000, avec donc un retour sur investissement qui arrivera des dizaines d'années plus tard. C'est ce que nous expliquons à la Direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP) : trop d'exigence tue l'exigence !"

 

Quel niveau de détail pour l'évaluation carbone ?

 

Enfin, restent des points de méthode à clarifier en ce qui concerne la partie carbone. "Lorsque l'on réalise l'évaluation carbone, doit-on prendre en compte les principaux lots ou l'ensemble des constituants du bâtiment, sachant que d'après nos tests il peut y avoir une différence de 30% ?... Quel doit être le niveau de détail de l'évaluation ?", demande ainsi Lionel Monfront, du Centre d'études et de recherches de l'industrie du béton (Cerib).

 

Un observatoire a été mis en place par les pouvoirs publics afin de résoudre ces difficultés. Mais il ne contient pour l'instant qu'une vingtaine de projets béton respectant le label E+C-. "Pour que cet observatoire soit représentatif des solutions constructives et énergétiques, il faut que des milliers de cas construits et labellisés soient déposés en maison individuelle, et des centaines en logements collectifs", assure Jean-Jacques Barreau (LCA-FFB). Pourquoi autant ? Parce que les solutions choisies pour respecter la partie 'carbone' peuvent avoir des conséquences sur la partie 'énergie' (et vice-versa). Il faut donc envisager toutes les combinaisons possibles. "Prenons un exemple : une maison labellisée E3/C2, avec une chaufferie bois. Si vous la chauffez au gaz ou à l'électricité, cette même maison peut passer en C1, et même en E2", explique Jean-Jacques Barreau. "Autre cas : atteindre un niveau C2, sur une maison, c'est simple ; mais si l'on veut rajouter un sous-sol ou une piscine, cela rajoute du béton et/ou de la ferraille, et cela devient plus compliqué."

 

Pour toutes ces raisons, Philippe Gruat, président de la Fib, en appelle auprès des pouvoirs publics à "une concertation réelle et objective", et à une entrée en vigueur de la future réglementation après 2018. Preuve que la filière traverse une forme de remise en question, Raoul de Parisot, président du Syndicat français de l'industrie cimentière (Sfic), a appelé les acteurs à mieux se faire connaître de la part des maîtres d'ouvrage et des clients. Un message que l'on avait davantage l'habitude d'entendre lors des assemblées générale d'organisations représentant d'autres modes constructifs que le béton.

 

Label E+C- : les solutions béton désavantagées ?
"Nous avons eu quelques surprises à la lecture des décrets qui ont suivi le vote de la loi de transition énergétique", a expliqué Raoul de Parisot, président du Syndicat français de l'industrie cimentière (Sfic), lors de l'assemblée générale de la Fédération des industries du béton (Fib), le 16 juin, à Paris. "L'étiquette environnementale, qui devait contenir six critères, n'en comportait finalement qu'un seul : le carbone." Pour les professionnels du secteur, c'est le résultat d'un gros travail de lobbying mené durant la concertation - probablement par la filière bois. "Nous trouvons cela un peu réducteur de ne retenir qu'un seul critère. Mais notre filière a, quoi qu'il en soit, les outils en main pour répondre à trois enjeux de société que sont la densification, le rapprochement entre la ville et la campagne et l'innovation dans la construction." A été aussi évoquée, durant les débats, la question de la durée de cinquante ans choisie pour évaluer l'empreinte carbone globale d'un bâtiment, alors que le chiffre de 100 ans était au départ envisagé. Un signe que la filière béton a pu interpréter comme allant à l'encontre de ses intérêts.

actionclactionfp