TRANSITION ÉNERGÉTIQUE. Dans un rapport dédié à la massification des opérations de rénovation énergétique, l'organisme France Stratégie formule des propositions écartant "les principaux obstacles identifiés". Au programme notamment, des opérateurs assumant eux-mêmes le financement, la mise en place d'une garantie publique et un renforcement des dispositifs de tiers financement et de Contrats de performance énergétique.

Alors que le Plan de relance - probablement mis à mal par le second confinement sanitaire - débloque des financements publics supplémentaires pour massifier les opérations de rénovation énergétique, que ce soit pour les logements du parc privé ou pour les bâtiments des collectivités territoriales, France Stratégie présente dans un rapport dédié des propositions permettant d'atteindre les objectifs fixés par la puissance publique tout en écartant "les principaux obstacles identifiés". L'organisme rattaché à Matignon suggère ainsi différentes pistes qui cibleraient en priorité "les rénovations thermiques les plus rentables", sachant que les secteurs résidentiel et tertiaire émettent 20% des gaz à effet de serre (GES) enregistrés au niveau national, dont 12% pour les seuls logements. "Le total se monte à 25% lorsque sont pris en compte les émissions indirectes liées à la production d'énergie et de chaleur. Les émissions de GES du bâtiment proviennent essentiellement des usages chauffage (plus de 80%), cuisson et eau chaude sanitaire, pour lesquels gaz et fioul représentent des sources importantes d'énergie (respectivement 60% et 33%)", complète le rapport.

 

 

Choisir des opérateurs-financeurs et renforcer les Contrats de performance énergétique

 

Les auteurs de ce dernier estiment donc "crucial" l'instauration d'un dispositif qui résout les principales problématiques de la généralisation des travaux de rénovation énergétique, c'est-à-dire le manque d'informations, notamment sur la rentabilité des chantiers, mais aussi le manque de confiance envers les acteurs spécialisés et les difficultés de financement. Concrètement, le dispositif préconisé combinerait en réalité plusieurs "leviers d'action" : la labellisation des entreprises, l'accompagnement et le conseil, le tiers financement, les Contrats de performance énergétique - présentés dans une récente enquête comme un outil bien dimensionné pour accélérer la rénovation énergétique des bâtiments telle qu'elle est prévue dans le Plan de relance - et un mécanisme public de garantie. L'idée serait de sélectionner des opérateurs spécialisés dans la rénovation énergétique qui assumeraient la charge du financement intégral des chantiers, "principalement via les économies d'énergie" précise le rapport, qui ajoute qu'"un éventuel défaut de rentabilité d'une opération serait couvert en partie par la garantie publique".

 

Ces opérateurs, choisis par les pouvoirs publics à l'issue d'un appel d'offres, pourraient ainsi bénéficier d'une meilleure visibilité et d'une confiance accrue auprès du grand public. Sur le plan financier, ils se rembourseraient donc des opérations financées en se partageant les économies réalisées sur la facture énergétique avec les marges bénéficiaires, "avec un partage 75% - 25%" selon le rapport. Ce qui signifierait donc que les ménages n'auraient pas un seul centime à verser et ne seraient soumis à aucun risque lié aux malfaçons et à d'autres problèmes rencontrés avec la maîtrise d'ouvrage. "En renforçant les dispositifs actuels de tiers financement et de Contrats de performance énergétique, le dispositif permettrait de cibler les rénovations offrant le meilleur taux d'auto-financement pour un niveau de rénovation ambitieux", ajoute la note. "Il conduirait également à l'optimisation des aides publiques en les limitant au strict nécessaire, notamment grâce à une clause de retour à meilleure fortune."

 

Un dispositif qui assurerait en moyenne 250.000 rénovations thermiques supplémentaires chaque année pour un coût moyen estimé à 30.000 € et une économie d'énergie moyenne de 50%

 

Le dispositif ainsi élaboré pourrait de surcroît être adapté aux bâtiments publics ou sites tertiaires, et être déployé à l'échelle de quartiers ou de territoires sous la forme de "zones de rénovation concertées", en coordination avec les collectivités concernées. Afin de garantir la simplicité et le faible coût de la gestion administrative de ce dispositif et de compenser la baisse de rentabilité provoquée par les faibles prix de l'énergie, sont également suggérées "de bonnes incitations" ainsi que des clauses prévoyant un amortissement plus long et une rétrocession plus faible des économies d'énergie aux particuliers. À ce sujet, la note explique que "le fioul devrait être exclu des sources d'énergie post-rénovation, de manière cohérente avec l'objectif de neutralité carbone en 2050".

 

Et quels seraient les résultats de la mise en place d'un tel dispositif ? Selon France Stratégie, celui-ci permettrait de réaliser en moyenne 250.000 rénovations thermiques supplémentaires chaque année et ce, sur 20 ans, ce qui représente un total de 5 millions d'opérations. Le coût moyen d'un chantier est estimé à 30.000 € pour une économie d'énergie moyenne de 50%. Une telle politique requerrait un investissement supplémentaire de 7,5 milliards d'euros par an et créerait environ 100.000 emplois. Mais au bout du compte, le bilan serait positif pour les finances publiques, avec un gain de l'ordre de 1,2 milliard d'euros chaque année. Toujours dans les chiffres, les auteurs affirment que, sur la base d'une baisse moyenne des émissions de dioxyde de carbone de 2 tonnes par an et par logement rénové, ce sont quelque 95 millions de tonnes de CO2 qui seraient évitées sur la période de 20 ans. "Cette réduction à terme d'environ 10 millions de tonnes carbone par an est supérieure à la somme des émissions des transports intérieurs aériens, maritimes, fluviaux, ferroviaires et d'autres types de transport, à l'exception du transport routier", assure le rapport.

 

 

Limiter les opérations éligibles aux rénovations globales ?

 

En conclusion de leur note d'analyse, les auteurs considèrent que la structuration du marché de la rénovation énergétique induite par ce nouveau dispositif favoriserait l'émergence de technologies encore plus efficaces ainsi que le renforcement de l'expertise des artisans et petites entreprises du bâtiment. Les opérateurs devront pour leur part assurer "un véritable accompagnement" des particuliers dans la maîtrise de leur consommation énergétique après que les travaux de rénovation aient été effectués, "condition indispensable" pour atteindre la neutralité carbone. En écho aux nombreuses propositions qui ont déjà été formulées sur ce point, France Stratégie juge en outre que "la puissance publique pourrait choisir de limiter les opérations éligibles au dispositif aux seules rénovations globales", tandis que "les opérateurs seraient également encouragés à développer les logements à énergie positive".

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