INTERVIEWS. Deux jours après l'incendie qui a ravagé une tour de Londres, les causes de la propagation rapide des flammes ne sont pas encore connues. Mais les travaux d'isolation, menés en 2016, interrogent. Comment réagissent les professionnels français de l'ITE ? Batiactu les a interrogés.

L'incendie survenu à la Grenfell Tower de Londres est une tragédie. A l'heure où nous écrivons cet article, le bilan est déjà très lourd. Plus de 30 personnes sont mortes et 65 sont toujours portées disparues. Un drame qui émeut tout un chacun, dont les organisations professionnelles spécialistes de l'isolation thermique par l'extérieur (ITE). Interrogés par Batiactu, Thomas Delépine, porte-parole de la commission technique du Syndicat national des bardages et vêtures isolés (SNBVI) commence par nous dire qu'il est "attristé par ce drame". "Nos pensées vont d'abord aux victimes et à leurs familles", complète Philippe Boussemart, président du Groupement des Murs Manteaux.

 

 

Deux jours après cet incendie qui ravagé la tour de 24 étages, les suppositions sur les raisons de la rapide propagation des flammes vont bon train. La question de l'ITE, réalisée en 2016, interroge. Les images impressionnent. Et pour cause. On y voit une façade totalement carbonisée. Que s'est-il passé ? Cette ITE est-elle en cause ? Ou est-ce la pose ? Quel matériau a-t-il été utilisé ? Les questions restent encore en suspens. Pour l'heure, Construction enquirer, média britannique spécialiste de la construction, croit savoir que le bardage était constitué de panneaux composites aluminium et isolant polymère (comme par exemple du polyéthylène).

 

Une propagation du feu anormalement rapide

 

Les professionnels de l'ITE que nous avons pu joindre se montrent très prudents. "Il est urgent d'attendre" estime Philippe Boussemart. Même son de cloche pour le SNBVI : "ne tirons pas de conclusion hâtive", répète Thomas Delépine. "Une enquête a été diligentée et elle permettra d'obtenir des informations factuelles - ce dont nous ne disposons pas actuellement - et non de faire des suppositions sur le déclenchement, les matériaux, la propagation des flammes ou les dispositifs d'alarme ou de lutte", commente le président du Groupement des Murs manteaux. Le porte-parole du SNBVI espère "avoir des éléments sur cette enquête pour alimenter l'expérience des professionnels de l'ingénierie du feu". "Ce drame doit nous amener à réfléchir" et à avancer dans l'expertise et la réglementation.

 

Mais un élément interpelle Thomas Delépine : la vitesse de propagation du feu. "Ma première impression, c'est que la propagation du feu a été très rapide, anormalement rapide par rapport à ce que l'on connaît sur sa propagation en façade par les tests que nous avons réalisés", s'étonne-t-il. Il nous rappelle que c'est justement sur ce point que les recherches portent pour établir la réglementation en France. Toutefois, il reste prudent. Il nous explique qu'en Angleterre, la réglementation est plus exigeante lorsqu'il s'agit d'immeubles dépassant les 18 mètres de haut et qu'elle impose que la propagation ne dépasse pas les 8 mètres de haut en 30 minutes. Dans le cas de Londres, on en est loin.

 

Comme nous l'avons déjà écrit, la réglementation française en termes de sécurité incendie est plus avancée que celle appliquée en Angleterre. Même si le niveau d'exigence anglais en matière de réglementation incendie parait "satisfaisant" à Thomas Delépine, il confirme qu'en France elle est "très exigeante" et qu'elle "le restera". "Nous voulons rassurer nos interlocuteurs, nous faisons tout pour éviter ce genre de drame. Aujourd'hui, on n'imagine pas que cela arrive en France", nous confie le représentant du SNBVI.

 

Chaque filière de l'ITE a son guide de préconisation contre les incendies

 

Sur quoi se base la réglementation française ? Philippe Boussemart tient à rappeler que "la réglementation incendie française pour les IGH est édictée par la Direction Générale de la Sécurité Civile et de la Gestion de Crise sous l'autorité du Ministère de l'Intérieur", et que cette dernière "veille à son application stricte avec les acteurs de la construction". Le Président du Groupement des Murs Manteaux rappelle également que "les trois syndicats professionnels, SIPEV, SNMI et AFIPEB ont contribué à son renforcement et à l'édition d'un guide de Protection contre l'incendie des façades béton ou maçonnerie revêtues de systèmes d'isolation thermique extérieure par enduit sur polystyrène expansé (ETICS-PSE)", édité par le Ministère en avril 2016. Ce guide est le résultat d'une campagne d'essais officiels sur le bon comportement au feu des façades, en grandeur réelle et dont toutes les dispositions constructives testées y sont décrites.

 

 

"Aujourd'hui, la réglementation existe et elle évolue", insiste Philippe Boussemart. Pour preuve, avant que cet incendie ne se produise, des réunions étaient déjà programmées en France, avec notamment la FFB, pour aborder la mise en place de ce guide depuis 18 mois, et de son application sur le terrain avec les différents acteurs. Ce sera l'occasion de "voir s'il y a besoin de le faire évoluer", nous explique le président du Groupement des Murs Manteaux.

 

De son côté, la filière sèche des bardages travaille à l'élaboration de son guide. Selon Thomas Delépine, il sera publié d'ici à la fin de l'année. "Le risque incendie est au cœur de nos préoccupations, nous sommes en permanence en veille", conclut-il.

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