La réalisation architecturale la plus attendue de cette rentrée sera inaugurée jeudi à Los Angeles, nouvelle étape dans le parcours déjà glorieux de Frank Gehry, qui signe une œuvre très personnelle.

Los Angeles, longtemps complexée par son statut d’abonné absent sur l’échelle des poids lourds culturels aux USA, s’est offert une des salles de concert les plus exceptionnelles du moment.

Signé Frank Gehry, ce projet a du patienter 16 ans avant de devenir réalité. L'attente valait certainement la peine, comme en témoigne le ton ému et exalté du chroniqueur du LA Times, qui souligne qu' "aucun bâtiment dans l’histoire de la ville n’avait été l’objet de tant d’attente, et aucun n’avait aussi bien récompensé le public pour sa patience".

Souvent accusé d’être un ‘Bilbao bis’, en référence au Guggheneim de Bilbao réalisé en 1997 par Gehry, le projet du Disney Concert Hall a pourtant été conçu en 1988, au même moment que le musée espagnol. La construction du bâtiment, pour lequel la veuve de Walt Disney, Lillian Disney, avait offert 50 millions de dollars, a été maintes fois retardée. Après des difficultés de conception, un manque d'engagement politique, un tremblement de terre en 1994 a provoqué une révision des plans, sans parler d'énormes dépassements budgétaires qui ont aboutit à une facture finale de 274 millions de dollars.

En dépit de la signature prestigieuse, cette réalisation se veut une œuvre architecturale tournée vers l’intérieur, au sens ou la salle de concert elle-même représente ‘le cœur du rêve’ et l’origine du projet. Pour Gehry, le Disney Hall est ‘un temple du son’, destiné à inspirer les auditeurs en les rapprochant des musiciens, bien davantage qu’un nouvel espace musical emballé dans du Gehry.

De fait, la salle de concert est comme un bâtiment à l'intérieur d'un immeuble. Elle est lambrissée avec de vertigineuses élévations anguleuses en bois, et son acoustique a été étudiée très précisément par les spécialistes japonais Minoru Nagata et Yasuhisa Toyota. Gehry cite par ailleurs l’influence de la Philarmonie de Berlin conçue en 1963 par Hans Scharoun pour l’organisation en forme de champ de vigne, avec les sièges disposés tout autour des quatre côtés de la scène. En serrant les sièges autour de la scène, l’architecte veut engager l’audience dans une expérience communautaire qui implique une conscience simultanée de la présence des musiciens et des autres spectateurs tout autour, la musique devenant une force de socialisation, le lieu privilégié du partage des émotions, dans ce qu’elles ont d’universel et d’irréductiblement intime.

Gehry, Angelenos d’adoption a laissé entendre que ce projet était peut-être le plus important de sa carrière jusqu’à présent. Il semble qu’il ait essayé de traduire un sentiment profondément personnel, lui qui est arrivé à Los Angeles à l’adolescence, au bord du dénuement, et dont la sœur musicienne jouait de la harpe le soir pour réunir la famille et puiser une force de survie spirituelle face à désolation frappante qui règne dans la mégalopole californienne. Rien d’étonnant donc à ce qu’on ne trouve pas de loges privatives dans la salle, qui apparaît presque comme un modèle d’égalitarisme avec ses sièges qui offrent chacun une vue unique sur la scène.

Le Disney Concert Hall, qui a pris place en plein downtown, tutoie le quartier d’affaire. A terme, le bâtiment aura un parc, devant dynamiser un centre-ville plus connu pour ses enchevêtrements de béton que pour son animation et sa vie culturelle.

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