CONJONCTURE. Relance économique, impôts, règles sanitaires, chômage partiel... Le ministre de l'Economie Bruno Le Maire est revenu ce 15 juin 2020 sur les annonces d'Emmanuel Macron relatives à la dernière phase du déconfinement. Dans le même temps et de manière paradoxale, les défaillances d'entreprises ont été publiées et semblent avoir nettement diminué au mois de mars.

Au lendemain de l'allocution d'Emmanuel Macron sur la dernière phase du déconfinement sanitaire de la France, le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, est revenu plus en détails, au micro de France Info, sur les grandes lignes esquissées par le président de la République à destination des entreprises et du monde du travail. En premier lieu, le locataire de Bercy a réaffirmé qu'une hausse des impôts serait "une très mauvaise idée", qui "briserait la croissance", et a donc en toute logique balayé l'éventualité d'une augmentation mais aussi d'une création de taxes. La "pression fiscale" de l'Hexagone étant déjà "l'une des plus fortes de tous les pays développés", une telle décision pourrait s'avérer contre-productive au moment où les Français sont justement appelés à consommer de nouveau normalement.

 

Des salariés qui peuvent d'ailleurs encore miser sur le télétravail, même si Bruno Le Maire émet quelques réserves sur son utilité : "Le télétravail reste souhaitable, dans la mesure où cela permet une reprise progressive et de limiter la circulation du virus, mais j'ai toujours considéré que ce n'était pas la panacée." Parce qu'il peut dégrader les liens sociaux internes à l'entreprise et qu'il vaut mieux distinguer le domicile du lieu professionnel, le travail à la maison doit donc rester une solution temporaire.

 

"Je crois que l'essentiel est d'inciter les entreprises à reprendre l'activité. C'est au niveau des entreprises, comme nous l'avons fait depuis le début du mois de juin, qu'il faut faire évoluer le chômage partiel."

 

Concernant les précautions sanitaires imposées aux entreprises dans le cadre de la reprise d'activité post-Covid, le ministre de l'Economie a indiqué que les règles "ne changent pas" pour le moment, des guides de bonnes pratiques continuant à être mis en place dans différents secteurs d'activité et branches professionnelles. Bruno Le Maire a cependant concédé que des points particuliers de ces guides pourront être discutés en vue d'une éventuelle adaptation et, par extension, d'un allègement des contraintes. Sur le dossier du chômage partiel, le locataire de Bercy a emboîté le pas du chef de l'Etat en jugeant que la réponse gouvernementale avait été à la hauteur des enjeux : "plus de 12 millions de salariés" auraient ainsi été concernés par "un chômage partiel massif qui a permis d'éviter des licenciements et qui a concerné des millions de Français" - les chiffres officiels définitifs ne sont pas encore disponibles. Et de continuer : "La décision que nous avons prise a été la bonne, elle a sauvé des centaines de milliers d'emplois." Mais d'ajouter que "ce dispositif, il faut l'adapter au fur et à mesure ; on ne va pas intégralement prendre en charge les salaires à la place des entreprises..."

 

Les interrogations commencent en effet à se multiplier sur l'évolution du dispositif de chômage partiel, qui a déjà été modifié début juin avec une prise en charge réduite de l'Etat et, au contraire, augmentée des employeurs. "Je crois que l'essentiel est d'inciter les entreprises à reprendre l'activité. C'est au niveau des entreprises, comme nous l'avons fait depuis le début du mois de juin, qu'il faut faire évoluer le chômage partiel", s'est contenté de répondre Bruno Le Maire. En revanche, il a souligné ne pas être favorable à la possibilité de faire porter cette prise en charge de l'activité partielle sur les salariés.

 

"Nous ferons tout pour ouvrir les portes du marché du travail aux apprentis."

 

Enfin, sur la délicate question des apprentis qui vont prochainement arriver sur le marché du travail alors que la tempête économique commence à souffler, le locataire de Bercy s'est voulu ferme : "Nous ferons tout pour leur ouvrir les portes du marché du travail", a-t-il assuré, renvoyant au projet de loi de Finances rectificative - qui doit être adopté en juillet pour une application en septembre - et aux aides déjà annoncées par la ministre du Travail, Muriel Pénicaud. "Je suis prêt à regarder toutes les options", a-t-il poursuivi, faisant référence à d'éventuelles baisses de charges ou à une prime à l'embauche, mais écartant par contre un retour des contrats aidés.

 


Un nouveau dispositif de soutien pour les entreprises s'étant vues refuser un Prêt garanti par l'Etat (PGE)

 

Le Gouvernement muscle sa réponse aux difficultés économiques des entreprises : dans le Journal officiel du 13 juin 2020, un décret "relatif à la création d'un dispositif d'aides ad hoc au soutien de la trésorerie des entreprises fragilisées par la crise de Covid-19" a été publié pour une entrée en vigueur immédiate. Il s'adresse concrètement aux PME qui se sont vues refuser un PGE et pour lesquelles la Médiation du crédit a échoué à trouver une solution. Le décret met ainsi en place "un dispositif d'avances remboursables et de prêts à taux bonifiés aux PME fragilisées par la crise et n'ayant pas trouvé de solutions de financements auprès de leur partenaire bancaire ou de financeurs privés". La Banque publique d'investissement, BPI France, assure la gestion de ces aides.

 


Des défaillances en baisse mais à relativiser vu le contexte

 

Des déclarations de Bruno Le Maire qui interviennent le jour de la publication, par la Banque de France, des défaillances d'entreprises pour le mois de mars 2020. Si les chiffres montrent une forte diminution du phénomène, l'institution tient à préciser sa méthodologie : "Dans le contexte de la crise sanitaire de l'épidémie de Covid-19, au moment où l'activité économique se trouve brutalement ralentie, mettant en difficulté un grand nombre d'entreprises, le nombre de défaillances d'entreprises est paradoxalement en forte baisse", peut-on lire dans un communiqué. "Ceci s'explique à la fois par la période de confinement qui a affecté le fonctionnement des juridictions commerciales, et par l'adaptation de la réglementation qui accorde temporairement des délais supplémentaires tant pour apprécier l'état de cessation de paiements que pour le déclarer."

 

Dans tous les cas, les défaillances d'entreprises ont reculé de 13,5% entre mars 2019 et mars 2020, passant de 54.146 procédures à 46.827. Dans le secteur de la construction, la baisse est également de 13,1% sur 12 mois, avec 11.755 défaillances cumulées en mars 2019 et 10.210 en mars 2020 (484 pour le seul mois de mars 2020). Déjà disponibles mais encore provisoires, les données pour le mois d'avril 2020 indiquent 9.418 procédures cumulées sur un an (donc depuis avril 2019) dans le BTP, soit une dégringolade de 20,1%. Par taille d'entreprise, on s'aperçoit que ce sont les micro-entrepreneurs qui constituent l'écrasante majorité des défaillances, mais avec des tendances là aussi à la baisse : 44.147 procédures cumulées sur 12 mois en mars 2020 (-13,7%), et des premières estimations tablant sur 41.051 dossiers cumulés sur un an en avril 2020 (-20%). Plus la taille de la structure est importante, moins les défaillances sont nombreuses ; on retiendra ainsi que, tous secteurs d'activité confondus, les très petites entreprises ont été 1.559 à mettre la clé sous la porte entre mars 2019 et mars 2020 (-11,6%), et qu'elles pourraient être 1.476 entre avril 2019 et avril 2020 (-16,8%).

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