AMBITION. Le Forum Construction Bois, organisé du 15 au 17 juillet dans la capitale, est l'occasion pour les grands acteurs de la filière bois d'échanger sur les problématiques majeures qui l'entourent, comme la RE2020 et les pénuries. À ce titre, Julien Denormandie et Emmanuelle Wargon, respectivement ministres de l'Agriculture et du Logement, ont tenu à s'exprimer sur les défis de ce matériau.

"Le bois construction, c'est l'avenir", a martelé Julien Denormandie, ministre de l'Agriculture (et ex-ministre du Logement), également en charge des forêts, présent au Forum Bois Construction France, ce vendredi 16 juillet au Grand Palais Éphémère, à Paris. Le matériau a été grandement utilisé dans la structure qui accueille l'événement et qui servira ensuite comme bâtiment pour les Jeux Olympiques de Paris 2024. "C'est une vitrine à travers le monde", a-t-il insisté, en évoquant les Jeux. "À l'époque, lorsque nous réfléchissions aux JO, certains nous disaient que ça allait être compliqué d'utiliser du bois car il ne fallait pas que les immeubles dépassent une certaine hauteur. Or, ni la hauteur ni la complexité ne représentent des défis aujourd'hui", a assuré Julien Denormandie, qui estime que la notion de ville et de forêt durables doit devenir "une vision collective partagée au niveau local et national, dans les plans d'urbanisme".

 

Une forêt, "ça se cultive"

 

Pour cet ancien ingénieur des forêts, la forêt "ça se protège et se cultive". La difficulté réside selon lui entre l'amont et l'aval de la filière. "Il faut lever certains verrous dans la construction bois, notamment certaines réglementations", a appelé le ministre de l'Agriculture. Le renouvellement forestier représente, selon lui, un énorme défi. "Le gouvernement a débloqué 150 millions d'euros pour planter 50 millions d'arbres."

 

Pour assurer la résilience de la forêt, il faut penser à l'utilisation du bois sur les soixante prochaines années, en élaborant, sur le terrain, les bonnes espèces à planter au bon endroit. Celui qui voit la filière bois comme un secteur "économique indispensable" considère qu'il faut continuer de la moderniser. Conscient de la crise des pénuries de matériaux qui touchent les acteurs de la filière, il a de nouveau parlé de "concilier l'amont et l'aval de la filière". "La demande de bois à l'international, couplée aux traders venus d'Europe de l'Est, est un frein à la relance française mais aussi un risque pour nos scieries."

 

"La crise a révélé des faiblesses"

 

Pour la ministre déléguée au Logement, Emmanuelle Wargon, qui a tenu un discours lors du forum, en distanciel, la crise des matériaux a mis en lumière "certaines faiblesses de la construction bois en France". "La crédibilité de la filière bois, aux yeux du monde de la construction dans l'hexagone, se joue maintenant, face à cette situation de tensions. Nous avons besoin d'une solidarité maximale de toute la filière", a-t-elle continué. Elle a rappelé la médiation de crise qui s'applique à la pénurie de tous les matériaux, créée sous l'égide du ministre de l'Économie, Bruno Le Maire. "Nous avons besoin de capacités industrielles françaises aux différentes étapes de la transformation, sinon, nous importerons de plus en plus de bois étranger, en dégradant au passage un bilan carbone dont notre objectif est de l'améliorer", a-t-elle déclaré.

 

Si la construction bois représente "moins de nuisance et des logements plus attractifs", elle a voulu rappeler que la réglementation environnementale 2020 (RE2020, qui entrera en vigueur le 1er janvier 2022) "va accélérer la montée en charge de la construction bois". Les textes et décrets sur cette réglementation seront publiés à la fin du mois de juillet, "sans être modifiés", a ajouté la représentante de l'Etat. "Nous avons besoin pour que cette réglementation se passe bien, que la filière bois soit au rendez-vous", a demandé la ministre du Logement aux professionnels, réunis lors du Forum.

 

Plusieurs appels à manifestation d'intérêt lancés par le gouvernement

 

Emmanuelle Wargon a précisé que le matériau bois ne bénéficie d'aucune exclusivité, rappelant que les autres matériaux dits plus classiques, tels que le béton et le ciment, ont vocation à se décarboner. Elle a aussi annoncé travailler sur la levée progressive des freins réglementaires, acoustique et incendie, pour la construction bois. Un quatrième "Plan bois" va permettre de "développer l'économie circulaire, accentuer l'usage du bois dans la construction et éco-concevoir les produits bois".

 

Avant cela, le gouvernement avait lancé en février dernier un appel à manifestation d'intérêt sur la mixité des matériaux, à hauteur de 20 millions d'euros, ainsi qu'un appel à manifestation d'intérêt sur le développement des produits et des systèmes constructifs bois, qui vient de se clôturer.

 

"Innover demain"

 

 

À ces annonces de financements de la part de l'Etat, Luc Charmasson, président du Comité stratégique de filière bois (CSF Bois), a demandé à ce que le plan de relance gouvernemental accompagne "mieux la filière et ses 400.000 salariés". "Nous devons trouver des solutions pérennes pour son financement et faire un effort de communication auprès du grand public."

 

Face au sujet des pénuries, le porte-parole du CSF Bois considère que "toute période de crise est l'occasion de se remettre en question et d'innover demain". À la crise des matériaux s'ajoute l'angoisse de voir se profiler une potentielle quatrième vague épidémique, due au variant Delta. "On est usés de cette situation", a lâché Frédéric Carteret, président de France Bois Industries Entreprises (FBIE). Avant d'ajouter que l'enchaînement des événements "renforce la détermination des acteurs de la filière". Celle-ci cherche à accompagner la transition écologique et planifie d'investir dans des usines biomasses et d'optimiser l'utilisation du bois en fin de vie.

 

60% des entreprises ont besoin d'embaucher

 

Au total, 2.080 entreprises sont engagées dans la filière bois, selon l'enquête nationale construction bois 2020*. Le secteur compte 13.170 salariés. Son chiffre d'affaires est estimé à 1,93 milliards d'euros hors taxe, soit +2% par rapport à 2018. La région Grand Est compte le plus grand nombre d'entreprises, avec un chiffre d'affaires de 370 millions d'euros.

 

En général, le personnel d'une société de construction bois est dédié à la mise en œuvre (51%), à la fabrication (31%) et la conception technique (18%). 70% des entreprises ont des bureaux d'études intégrés. L'approvisionnement d'achats de bois se fait souvent par les scieries françaises (43%), par le réseau de distribution (42%, dont 31% par le réseau de négoce) ou directement dans les scieries étrangères (15%).

 

En 2020, 22.500 logements ont été construits en bois, soit une légère baisse par rapport à 2018. 38% des sociétés déclarent prévoir d'investir à court-terme, et 60% affirment avoir besoin d'embaucher.

 

* 1.033 entreprises ont répondu à cette enquête publiée en juin 2021. L'enquête a été financée par le Codifab et France Bois Forêt, en partenariat avec Fibois France, l'UMB-FFB et l'UICB.

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