ENTRETIEN. Alors que la Réglementation environnementale 2020 doit entrer en vigueur au 1er janvier 2022, les acteurs publics et privés du logement planchent d'ores-et-déjà sur la mouture d'après, baptisée "Réflexions bâtiments responsables et territoires", ou RBRT. Derrière ce sigle certes un peu technocratique se cachent pourtant des considérations pertinentes sur les synergies à développer entre bâtiment et mobilité. Explications avec deux membres du groupe de travail dédié à ce sujet.


Quel avenir pour le logement ? On pourrait balayer cette question en renvoyant à la fameuse Réglementation environnementale 2020, qui a fait couler beaucoup d'encre mais qui est désormais quasiment actée : consacrant l'électricité et les matériaux biosourcés dans le neuf, elle doit entrer en vigueur à compter du 1er janvier 2022. Le chemin semble donc balisé pour un bon moment. Sauf que le monde continue à évoluer, entre impératifs énergétiques et enjeux économiques, et que nos modes de vie sont loin de rester figés. Prise en compte de l'habitat, trajets domicile-travail, contact avec une nature proche, proximité de tous les besoins du quotidien… sont autant de considérations auxquelles la population accorde de plus en plus d'importance, a fortiori depuis la crise sanitaire du Covid, qui a fait émerger de nombreuses réflexions, autour du télétravail notamment.

 

 

50 millions de Français vivent en ville

 

Les chiffres parlent aussi d'eux-mêmes : logement et transport constituent les postes de dépenses les plus importants pour les ménages, représentent 80% de la consommation d'énergie mondiale et génèrent 49% des émissions de gaz à effet de serre et 70% de celles de dioxyde de carbone. Les prix croissants du foncier entraînent de plus des difficultés à se loger à proximité de son lieu de travail, ce qui engendre à son tour un allongement des temps de trajets, avec les impacts que l'on sait sur la pollution et, bien sûr, la santé. Et, pour rappel, 50 millions de Français sont des urbains, dont 25 millions vivant dans des communes densément peuplées, soit 38% de la population de l'Hexagone.

 

C'est pour tenter de faire réfléchir les acteurs publics comme privés du logement sur ce sujet que le Plan bâtiment durable a mis en place un groupe de travail baptisé "Réflexions bâtiments responsables et territoires", ou RBRT. Sa mission : mener un travail prospectif, notamment sur les synergies à développer entre le bâtiment et la mobilité, qui vient de faire l'objet d'une note. Intitulée "L'immobilier, partie prenante de la mobilité renouvelée", celle-ci est actuellement diffusée auprès de tous les acteurs intéressés pour recueillir leurs contributions. Sans volonté aucune d'imposer telle ou telle réflexion, son objectif est au contraire de lancer le débat sur des sujets à la fois d'actualité mais aussi d'avenir. Deux membres de ce groupe de travail, Jean-Christophe Visier - par ailleurs directeur de la prospective au Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) - et Julien Eymeri, ont détaillé à Batiactu les grandes lignes de cette réflexion qui veut concilier logement, infrastructures et énergie.

 

Batiactu : Avec cette note consacrée à l'immobilier, vous voulez interpeller les acteurs publics et privés sur la nécessité de jeter des ponts entre bâtiment et mobilité. Vous dites aussi que la question de la densité urbaine est abordée de manière paradoxale, avec d'un côté ceux qui la jugent indispensable pour la ville de demain, et de l'autre ceux qui ne veulent surtout pas en entendre parler à l'heure où la loi Climat et résilience veut lutter contre l'artificialisation des sols…

 

Julien Emery : La question de la densité est très paradoxale dans la période que nous traversons. Cette note a émergé pendant la crise sanitaire qui pose énormément de questions du côté des usagers. La densité était jusqu'à présent perçue comme une réponse aux attentes des citoyens qui pouvaient trouver près de chez eux un certain nombre d'usages qui font la vie dans la société. Mais cette densité peut aussi créer des environnements de vie qui ne sont plus, aujourd'hui, des environnements désirables. Tout l'enjeu de ce groupe de travail est de réfléchir sur le long terme à des territoires durables mais aussi désirables. La densité va donc être fortement questionnée.

 

C'est aussi toute l'industrie immobilière qui l'a mise au cœur de son modèle de développement : avec la métropolisation, moins on s'étale, mieux c'est d'un point de vue environnemental, car on grapillera moins sur des terres naturelles ou agricoles qui risqueraient d'être artificialisées. Les maires eux-mêmes sont dans une situation paradoxale : ils peuvent être tentés de ne pas créer de densité d'un côté, mais est-ce que cette façon de penser ces territoires est encore désirable ? La densité pose en fait des questions en matière de bâti et de mobilité, car on pourrait penser que la mobilité est plus réduite dans un environnement dense ; or on constate qu'elle est au contraire très riche. Mais dans la représentation des gens, la ville dense équivaut à une ville pas désirable et donc pas désirée.

 

Jean-Christophe Visier : Ce groupe de travail RBRT vise à donner de la visibilité à ces sujets, avec un nouveau point de vue pour ensuite faciliter leur appropriation par la filière. On a vu de plus en plus que bâtiments et territoires sont intimement liés, et la crise du Covid a mis en évidence plusieurs choses : qu'est-ce qui se passe quand la ville ferme, par exemple ? On sait aussi qu'on peut sortir de cette ville pour aller s'installer ailleurs, temporairement, ou pour aller se ressourcer dans la nature. Est également apparu un nouveau moyen de transport, le numérique : concernant des choses où il fallait jusqu'à présent forcément se déplacer, on s'est rendu compte qu'on pouvait finalement les faire à distance de chez nous. On a en outre observé un rejet des transports en commun, qui sont pourtant l'alpha et l'oméga de l'environnement urbain. Bref, l'idée est donc de faire émerger des repères.
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