ANALYSE. Un premier rapport officiel a récemment été rendu public concernant l'incendie de la tour Grenfell, qui s'est produit en juin 2017, à Londres. Il étudie notamment le rôle joué par certains matériaux dans le déploiement rapide du sinistre, et assure que le système de façade n'était pas réglementaire.

Deux rapports d'enquête étaient prévus au sujet de l'incendie de la tour Grenfell, à Londres, a l'origine de 72 décès en juin 2017, dans le cadre de l'enquête publique lancée par le Gouvernement britannique. Le premier vient d'être publié, et revient notamment sur les matériaux de construction utilisés lors de la rénovation du bâtiment. Sur ce point, l'auteur du rapport Martin Moore-Bick établit d'une part quels sont les matériaux les plus impliqués dans l'étendue du sinistre, et d'autre part quels sont ceux qui ont joué un rôle plus mineur voire inexistant.

 

Aucun élément coupe-feu autour des fenêtres

 

Les conclusions du rapport correspondent dans les grandes lignes aux travaux menés par les experts, dont Batiactu a déjà rendu compte ces derniers mois. Mais le fait qu'elles soient à présent officiellement assumées par l'enquête publique indépendante leur donne plus de poids. Ainsi, le sinistre est probablement parti d'un frigidaire situé dans un appartement du quatrième étage, près d'une fenêtre. Celle-ci, entourée de produits combustibles, notamment de PVC, n'a pas résisté à la chaleur dégagée par le feu et s'est déformée, produisant une voie d'accès vers le bardage avec lame d'air qui venait d'être installé sur l'immeuble - un second rapport d'enquête, prévu pour 2020, étudiera de près les travaux de rénovation. Aucun élément coupe-feu ou résistant au feu n'était présent au niveau des fenêtres.

 

Les flammes ayant atteint le complexe d'isolation thermique par l'extérieur (ITE), comment expliquer qu'en deux heures et demie seulement l'ensemble du bâtiment de 24 étages ait été dévoré presque intégralement par les flammes ? Pour Martin Moore-Bick, aucun doute : le principal facteur de propagation sont les panneaux en aluminium composite avec une âme en polyéthylène (ACM-PE) - comme l'avait déjà suggéré des expérimentations menées par le laboratoire Efectis. L'isolant en polyisocyanurate (Pir) placé sous ces panneaux, le long de la façade, ainsi que la membrane d'EPDM, ont probablement participé, précise Martin Moore-Bick, mais si oui dans une proportion inconnue pour l'instant. Le second rapport de 2020 devrait en dire plus sur la manière avec laquelle ces matériaux interagissent lorsqu'ils sont exposés aux flammes.

 

Le rôle de la couronne située au sommet de la tour

 

Et qu'en est-il des systèmes d'obturation de lame d'air, destinés à éviter l'effet-cheminée ? Pour le rapporteur, ils n'ont pas joué un rôle significatif dans le sinistre, dans la mesure où leur raison d'être (constituer une barrière aux flammes au sein de la lame d'air) n'était plus de mise alors que la paroi côté ACM-PE était la proie des flammes.

 

Le sinistre a ainsi dévoré tout un pan de façade dans un premier temps. Mais comment expliquer qu'il ait fait le tour du bâtiment si rapidement ? Suivant les conclusions de l'expert José Torero, le rapport revient sur le rôle joué par la 'couronne' située au sommet de la tour Grenfell, qui avait été apposée durant la rénovation. "Le mécanisme principal pour le déploiement horizontal et descendant des flammes a été le polyéthylène fondant et gouttant depuis la couronne, les coins et les colonnes". La couronne a ainsi permis au feu de faire non seulement le tour du bâtiment, mais de se déployer ensuite vers le bas via les gouttes de polyéthylène brûlantes tombant de la couronne en fusion et allumant plusieurs foyers dans les étages inférieurs.

 

La façade ne respectait pas la réglementation

 

Enfin, Martin Moore-Bick estime disposer d'assez de preuves pour assurer que le système de façade posé sur Grenfell ne respectait pas la réglementation britannique alors en vigueur. Celle-ci imposait en effet de "résister de manière adéquate à la propagation de flammes en façade [...] en tenant compte de la hauteur, de l'utilisation et de la position du bâtiment". Pour le rapporteur, c'est simplement une question de bon sens que de constater que tel n'a pas été le cas à Grenfell. "Une autre question est celle de savoir sur quelles bases ceux qui étaient responsables de la conception et de la construction du système de façade et des travaux associés, comme le remplacement des fenêtres et des matériaux les encadrant, se sont satisfaits à l'issue des travaux du fait que le bâtiment respectait la réglementation", ajoute le rapporteur. Ce point sera abordé dans le second rapport de 2020.

 

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