INTERVIEW. C'est en "pilote" et "aiguilleur" de la délégation interministérielle à la mixité sociale dans l'habitat, que Thierry Repentin, nous dresse, ce 2 février, le bilan de son action.

Depuis sa nomination en avril 2015, l'action principale de Thierry Repentin, délégué interministérielle à la mixité sociale dans l'habitat et président de la commission nationale de l'aménagement, de l'urbanisme et du foncier (CNAUF) s'est portée sur la nécessité de mettre en oeuvre des sanctions contre les maires ne respectant pas leurs obligations de construction de logements sociaux. Dix-huit mois après, il dresse le bilan de son action et nous a accordé une interview.

 

Batiactu : Quel bilan dressez-vous de l'action de la Délégation interministérielle à la mixité sociale dans l'habitat que vous pilotez depuis avril 2015 en faveur du logement et de la mixité sociale ?
Thierry Repentin :
Il y a 18 mois, le Premier Ministre Manuel Valls, me confiait la mission de faire appliquer avec pédagogie mais aussi fermeté les obligations des communes concernées à construire 20 à 25% de logements sociaux. Il l'a annoncé alors qu'il portait une politique claire visant à "lutter contre l'apartheid social et territorial". Quinze ans après le vote de la loi Solidarité et renouvellement urbains (SRU), et alors que 1,7 millions de nos concitoyens étaient en attente d'un logement social, il était inacceptable que des maires refusent d'appliquer la loi et excluent de leurs territoires des personnes en raison de leurs revenus.

 

"La majorité des maires appliquent très scrupuleusement cette loi SRU"

 

18 mois plus tard, je dresse un bilan très positif de cette mission. Il faut rappeler que la majorité des maires appliquent très scrupuleusement cette loi et sont soucieux de bâtir des villes inclusives, où la mixité sociale est une réalité. Mais il restait tout de même 1.200 communes en retard, dites "déficitaires" et 221 communes très en retard dites "carencées". Il était indispensable que l'Etat fasse respecter les valeurs de la République dans ces villes.

 

Nous avons donc mis en place des moyens pour faire en sorte que là où les maires ne voulaient objectivement pas faire, l'Etat - les Préfets - puissent faire à leur place. C'est ce que nous avons fait en délivrant 42 permis de construire et en préemptant 150 terrains. Mais de nombreux maires se sont montrés bénévolants. Sur ces 221 communes, 200 se sont engagées dans un contrat de mixité social avec l'Etat dans lesquels elles ont pris des engagements fermes de rattraper leur retard en y mettant les moyens nécessaires.

 

Batiactu : En quoi l'application stricte de l'article 55 de la loi SRU et de la loi de mobilisation du foncier public ont-t-elles porté leurs fruits ? Quels sont les chiffres à retenir ?
Thierry Repentin :
Cette double action de pédagogie et de fermeté a porté ses fruits : aujourd'hui et surtout depuis la mise en place de la délégation, nous avons multiplié par trois le nombre de logements sociaux programmés sur ces communes sur la période 2014-2016 par rapport aux années 2011-2013. Par ailleurs, l'Etat a également contribué à cet effort, puisque nous avons cédé 15 terrains publics à un prix moindre pour construire du logement social sur ces communes. La décote consentie par l'Etat sur ces terrains représente une "aide à la pierre" de plus de 12 millions d'euros.

 

"Je regrette que le logement tienne une place secondaire dans les débats"

 

Batiactu : Enfin, quel regard portez-vous des propositions actuelles des candidats à l'élection présidentielle au sujet de la thématique du logement ?
Thierry Repentin :
Comme lors des campagnes précédentes, je regrette que le logement tienne une place secondaire dans les débats alors qu'avec l'emploi il constitue la première préoccupation des Français. En 2012, les Etats généraux du logement avaient permis ce débat dans la perspective des élections présidentielles. Par ailleurs, plusieurs des candidats font des propositions alors que les dispositions existent déjà - comme pour une meilleure application de la loi SRU. Ce que je prends comme un signe positif au regard de ce que nous avons fait : c'est probablement un appel à poursuivre notre action au-delà de ce quinquennat. Je suggère, pour ma part, une vigilance sur le devenir des Aides personnelles aux Logements (APL), qui je le rappelle concernent davantage d'habitants dans le parc privé que le parc public. Les fragiliser serait une catastrophe pour nombre de nos concitoyens qui ont déjà de grandes difficultés à se loger dignement. Il n'y a pas assez de logements abordables dans notre pays et on voudrait en plus supprimer des aides à ceux qui ont déjà peu de capacité à payer un loyer… J'avoue que je ne comprends pas. Par ailleurs, ceux qui voudraient les supprimer ou les amoindrir parlent d'un budget de 40 milliards d'euros alors que nous en sommes à moins de la moitié.

 

La campagne ne fait que commencer, même si elle s'annonce très courte. J'espère donc que les candidats vont s'emparer du sujet de façon plus volontariste. Beaucoup de réformes innovantes et solidaires pourraient être menées. Au regard de ce que nous avons fait à la délégation, il serait très utile de mettre en place une mission sur l'application du "SRU de l'hébergement". Les communes ont en effet également des obligations en matière de places d'hébergement mais là non plus, elles ne sont pas toujours respectées. De même, le logement social recouvre une réalité multiple et il serait nécessaire de s'assurer du fait que les logements dits très sociaux (PLAI) occupent une bonne part des logements construits et soient bien destinés aux plus modestes de nos concitoyens. Je pense qu'un accroissement des aides à la pierre, seule contribution financière directe au logement social est nécessaire, et ce, sous toutes ses formes (subventions, TVA à taux réduit pour le logement social et l'accession sociale, décote sur le foncier,…). Il faudrait également trouver de nouveaux investisseurs dans le logement et, par exemple, faire revenir les investisseurs institutionnels sur ce secteur. Restent ouvertes les questions sur la lutte contre la vacance dans le parc privé et la réhabilitation thermique dont les enjeux sont là encore considérables pour nos concitoyens.

 

 

Enfin, vous l'aurez compris c'est un chantier qui nécessiterait un vrai travail collectif avec tous les acteurs du logement (privés, associatifs, publics, professionnels du bâtiment..) pour apporter des réponses à la hauteur d'un des grands défis du 21ème siècle : un logement digne, écologique et abordable pour l'ensemble de nos concitoyens.

 

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