DÉGÂTS. L'exportation de grumes hors de l'Union européenne tue la filière du bois, alerte la Fédération nationale du bois. Elle a d'ailleurs lancé une pétition, qui s'est étendue à l'échelle des pays voisins.

"Les scieries européennes sont en danger de mort." La Fédération nationale du bois tire la sonnette d'alarme face à une crise d'approvisionnement qui s'accélère. Elle a récemment lancé une pétition en ligne, à destination des professionnels, afin de demander la fin des exportations massives de grumes [la dénomination pour les troncs coupés et ébranchés toujours pourvus de leur écorce, ndlr].

 

Elle s'inquiète de la situation d'approvisionnement des scieries, qui manquent de bois. "Une situation qui se répercute forcément chez les clients", explique Nicolas Douzain-Didier, délégué général de la Fédération nationale du bois, contacté par Batiactu. La crise aura des conséquences directes sur l'industrie, l'artisanat, la construction et la logistique si le manque d'approvisionnements perdurerait, obligeant la filière à dépendre des importations hors d'Europe.

 

Un tiers des grumes de chênes français est exporté vers la Chine. Bien que les carnets de commandes soient remplis, les scieries n'ont pas assez de bois. Il est estimé que 18 millions de grumes de résineux ont été captés par des pays hors du vieux continent en 2020, soit le double par rapport à l'année précédente. En cinq mois, le problème a été multiplié par cinq, alerte la pétition. Au total, cette fuite de matière première pourrait représenter 30 millions de mètres cubes d'ici fin 2021. Aussi, "la décision de la Russie d'interdire l'export de grumes va avoir des répercussions dans tous les pays car la Russie représente 20% du commerce mondial de grumes."

 

Le bois, "une matière essentielle"

 

Selon lui, la filière va devoir gérer "l'après-crise sanitaire qui a fait des dégâts importants dans les forêts d'épicéa, alors que 400 millions de mètres cube ont été touchés par les scolytes dans sept pays."

 

"C'est important que l'Europe ait conscience que le bois est une matière stratégique et essentielle. C'est un buvard à carbone et on ne peut pas s'en passer. Même le béton a besoin du bois pour travailler. La crise a simplement révélé qu'on faisait partie des invisibles", déplore l'homme à la tête de la FNB.

 

La situation la plus critique, toujours selon lui, est dans le secteur du chêne. "Il y a clairement un problème d'approvisionnement à court-terme. Les scieries enregistreraient un manque de 400.000 m3, soit 25% de la production, selon les projections de 2021. En clair, leur stock de matière première fond comme neige au soleil." Pour faire face à la compétition qui règne entre l'export et l'industrie nationale, la seule solution qu'envisage la fédération serait de faire baisser l'exportation des grumes. Il appelle également les États membres de l'UE et les instances européennes à agir "fort et vite pour sauver les scieries en manque de matières premières" alors que l'Europe ne cesse de répéter qu'elle est favorable à une politique de "transition écologique et de réduction des émissions de CO2". Or, l'exportation massive de grumes émet "plus de carbone que l'arbre n'en a stocké lors de sa vie".

 

Un label pour protéger la filière

 

À l'échelle européenne, la fédération demande à déclencher une clause de sauvegarde. Au niveau français, elle espère voir le label "Transformation UE", élaboré en 2015 et adopté par 300 entreprises transformatrices, devenir la référence pour l'ensemble des ventes publiques et privées. "On veut éviter que certains vendent à des Chinois et puissent ensuite bénéficier d'aides du plan de relance. Ils ont le beurre et l'argent du beurre. Nous, ce que nous cherchons, c'est l'intérêt collectif."

 

Cette crise touche en conséquence le secteur de la logistique car les fabricants de palettes ne peuvent parfois déjà plus s'approvisionner localement. "Le marché mondial est désynchronisé", rappelle Nicolas Douzain-Didier. "L'impact du Covid-19 sur les ports de marchandise a tendu le flux de transport et le marché mondial peine encore à retrouver un équilibre."

 

 

Un déploiement au niveau européen

 

À ce jour, la pétition a recueilli plus de 13.000 signatures, "une réussite", se félicite Nicolas Douzain-Didier. "C'est que la thématique interpelle la filière, des menuisiers aux industriels." D'autres pays européens de la filière du bois, qui rencontrent les mêmes problématiques, se sont rapprochés de la FNB afin de traduire cette pétition dans leur langue respective. "On compte 700 signataires en Pologne, 200 en Allemagne. La pétition a même circulé en Bulgarie et en Slovaquie", se réjouit le porte-parole de la fédération.

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