La Fondation Abbé-Pierre a dévoilé ce mardi 3 février son 20ème rapport annuel et dresse un constat "douloureux" du mal-logement en France. Une situation reconnue par la ministre du Logement qui a annoncé "un plan triennal de réduction des nuitées hôtelières" dans l'optique de créer 13.000 places via une réorientation des crédits.

Cela fait vingt ans que la Fondation Abbé-Pierre (FAP) dresse l'état des lieux du mal-logement en France, et son constat des chiffres est immuable ce mardi 3 février. Le phénomène s'enracine et se stabilise à un haut niveau car près de dix millions de personnes sont en situation de fragilité par rapport au logement, dont 3,5 millions mal-logés. Un second chiffre à retenir : 1,8 million de ménages sont en attente d'un logement social, alors que seulement 450.000 sont attribués chaque année.

 

Plus grave, "les dispositifs imaginés dans les années 1990 sont à bout de souffle et s'empilent, illisibles, en raison de la massification de la précarité, a tonné ce mardi Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé-Pierre lors de la présentation du 20ème rapport à la Porte de Versailles à Paris. Plus récemment, les derniers chiffres de la construction, dévoilés il y a une semaine, sont un échec ! "Sans compter que les subventions aux logements en Prêt locatif aidé en intégration (PLAI) représentent 6.500 euros en 2015 alors qu'ils avoisinaient les 12.000 euros en 2007, a-t-il détaillé.

 

Avant d'enfoncer le clou devant 2.000 personnes, élus, bailleurs sociaux et représentants d'associations : "C'est un constat douloureux et les dernières mesures ne vont pas dans le sens de la lutte contre les inégalités." D'après lui, 2014 a été également l'année de "renoncements profonds" avec le "détricotage de la loi Alur", notamment sur l'encadrement et la Garantie universelle des loyers (GUL), qui ont été restreints.

Les lois SRU ou Dalo pas suffisantes

Plusieurs textes ont tenté d'améliorer la situation, comme la loi SRU obligeant les communes à produire du logement social ou la loi Dalo obligeant l'Etat à reloger les plus démunis, mais de nombreux "blocages" subsistent d'après le nouveau délégué général : une "crise du logement sous-estimée", des "politiques sociales du logement freinées par la rigueur", mais aussi "par l'idéologie" qui consistent à "accompagner le marché" plutôt que de le réguler. Sans compter "une politique territoriale défaillante" et "le poids des lobbies" de l'immobilier, insiste-t-il. "C'est pourquoi il faut engager une contractualisation avec l'Etat et construire des logements à bas coûts pour répondre aux 500.000 logements par an", complète Christophe Robert.

"Libérer le foncier constructible et réguler les marchés immobiliers"

Au final, pour la Fondation, ces logements neufs sont indispensables pour répondre au dynamisme démographique français et à la pénurie de logements en particulier dans les zones tendues. "Un objectif qui doit s'accompagner d'une action pour libérer le foncier constructible et réguler les marchés immobiliers, en particulier les loyers du parc privé", précise le rapport.

 

S'agissant du "blocage institutionnel", la fondation Abbé-Pierre signale que "les collectivités locales - en l'occurrence les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) - ne sont pas toujours au rendez-vous et, pour celles qui le sont, elles ne trouvent pas auprès de l'Etat les appuis nécessaires à leur action". Dernière préconisation de la Fondation : s'appuyer sur une gouvernance locale de l'urbanisme et du logement cohérente.

 

Sylvia Pinel détaille son plan triennal en faveur du logement social
Sylvia Pinel, ministre du Logement
Sylvia Pinel, ministre du Logement. © S.C.Batiactu
Invitée à la présentation du rapport de la Fondation Abbé-Pierre dédié au mal-logement, en présence notamment d'Anne Hidalgo maire de Paris ou d'Alain Juppé, maire de Bordeaux, la ministre du Logement Sylvia Pinel a annoncé que l'Etat réorientera 105 millions d'euros en trois ans vers des solutions alternatives mieux adaptées que l'hôtel. "Il faut en finir avec l'enlisement en urgence, ces solutions d'hébergement d'urgence ne sont pas adaptées aux besoins des familles, a-t-elle assuré. Le recours à l'hôtel doit devenir une exception."

 

 

Pour remplacer ces nuitées hôtelières, le Gouvernement prévoit, d'ici à 2017, de créer 13.000 places dans des dispositifs alternatifs "réellement capables de répondre aux difficultés des personnes accueillies", en réorientant pour cela "les crédits destinés à financer 10.000 nouvelles nuitées hôtelières", soit 66 millions d'euros sur trois ans. Ce dispositif se traduira par 9.000 places en intermédiation locative (avec des dispositifs comme Solibail). "Et 1.500 places en pensions de familles ou maisons-relais seront créées et 2.500 places d'hébergement dans des centres dédiés aux familles ou dans des logements sociaux vacants", a détaillé Sylvia Pinel.

 

D'après la ministre, l'intermédiation locative permet donc de louer à moindre coût des logements vides dans le parc privé, via une association qui garantit aux propriétaires le loyer et la remise en état de leur appartement. Autre dispositif : le Gouvernement réorientera 38,7 millions d'euros sur trois ans pour proposer des prises en charge alternatives, dans "des structures spécialisées", aux 6.000 demandeurs d'asile actuellement hébergés à l'hôtel.
S'agissant de la loi SRU, la ministre souhaite rendre possible ce dispositif et "contrecarrer ainsi les égoïsmes locaux."

actionclactionfp