L'affaire Maryvonne à Rennes a relancé la question du droit des propriétaires en cas d'occupation illégale de leur habitation. Selon la loi, les squatteurs possèdent les mêmes droits qu'un locataire en matière d'expulsion. Détails.

Les maisons inoccupées sont des proies faciles pour les squatteurs. En Bretagne, une propriétaire en a fait la terrifiante expérience. En arrivant sur le perron de sa porte, elle y a découvert ce message : "Interdiction d'entrer. Nous occupons cette maison. En tant que résidents, nous sommes protégés par la loi". Une loi protègerait les squatteurs ? Cette scène rarissime en France n'a pas manqué de soulever de nombreuses questions juridiques.

 

Petit rappel de l'histoire. Après le décès de son mari, Maryvonne Thamin, une retraité de 83 ans, décide de retourner vivre dans sa maison, rue de Châtillon à Rennes. Stupeur à son arrivée : les serrures ont été changées, des barbelés installés au pied des murs, la façade taguée... Des occupants inconnus ont pris possession des lieux.

Une maison occupée depuis deux ans

Dans un courrier, ces squatteurs affirment que la propriétaire n'a jamais été délogée de cette maison. Selon eux, elle était inoccupée depuis sept ans. "Lors de notre arrivée il y a 18 mois, la maison était dans un état déplorable, clairement inhabitable, surtout pour une personne âgée", indiquent-ils dans leur lettre. Soutenue par son fils, Maryvonne a tenté de négocier avec les squatteurs pour récupérer son habitation. En vain. L'intervention des forces de l'ordre peut s'effectuer dans un délai de 48 h pour caractériser un flagrant délit. Lorsque ce délai est écoulé, les squatteurs ne sont plus passibles du délit d'effraction de domicile.

Un délai de 48 h inadapté

Pour Jérôme Maudet, avocat spécialiste en droit de l'immobilier, "le délai de 48 h appliqué par les forces de l'ordre, et connu des squatters, relève en réalité plus d'une pratique et ne repose pas directement sur une disposition législative ou réglementaire". En effet, aucun texte de loi ne mentionne ce délai de 48 h.
Dans une proposition de loi déposée au Sénat fin 2014, une sénatrice UMP, Natacha Bouchard, et plusieurs de ses collègues proposaient de porter à 96 h le délai durant lequel le flagrant délit d'occupation illicite peut être constaté. Pour l'heure, cependant aucun texte de loi allant dans ce sens n'a vu le jour.
De son côté, la Chambre Nationale des Propriétaires va encore plus loin et propose un rallongement de 2 ou 3 mois afin que le propriétaire puisse constater plus facilement le squat. L'association exige aussi une modification de la loi du 9 juillet 1991 pour que "le droit de propriété à valeur constitutionnelle cesse d'être bafoué et que les propriétaires ne soient plus les victimes de situations odieuses".

Une procédure d'expulsion très encadrée

Sans terrain d'entente obtenu entre les deux parties, l'affaire Maryvonne va donc se terminer devant le Tribunal d'Instance. La mise en oeuvre de la procédure d'expulsion est strictement encadrée par la loi du 9 juillet 1991. "Sauf disposition spéciale, l'expulsion ou l'évacuation d'un immeuble ou d'un lieu habité ne peut être poursuivie qu'en vertu d'une décision de justice ou d'un procès-verbal (...)". Et le squatteur, bien qu'il occupe sans droit ni titre l'habitat, dispose des mêmes droits qu'un locataire en matière d'expulsion. Il est même possible que la procédure se poursuive sur plusieurs semaines. Le code des procédures d'exécution prévoit un délai de deux mois à compter du commandement de quitter les lieux.

 

Le juge d'instance a la possibilité de réduire ou de supprimer ce délai lorsque les personnes, dont l'expulsion a été ordonnée, sont entrées dans les locaux par voie de fait, c'est-à-dire en s'introduisant illégalement dans l'habitation.
L'avocat de Maryvonne, Philippe Billaud, a demandé le 4 mai dernier l'expulsion en référé des squatteurs. Il a également porté plainte pour violation de domicile et dégradations. Une première audience est prévue le 22 mai prochain devant le Tribunal d'Instance de Rennes.

 

Que dit la loi en matière d'expulsion des squatteurs ?

 

L'affaire Maryvonne a révélé au grand public le flou juridique qui entoure la procédure d'expulsion des squatteurs. Ces individus, considérés comme des occupants de l'habitat sans droit ni titre, possèdent les mêmes droits que les locataires. Et il n'est pas aussi simple de les faire évacuer de force par la police.

 

L'article 61 de la loi du 9 juillet 1991 portant sur les procédures d'expulsion partait d'un bon sentiment : celui de renforcer les droits des locataires.
Mais certaines personnes, comme l'a démontré l'action des occupants de la maison de Maryvonne, peuvent très facilement se réfugier derrière cette loi pour prendre possession des lieux. L'article 38 de la loi sur le droit au logement opposable (Dalo) avait pourtant renforcé les droits du propriétaire en cas de logement occupé et accéléré la demande d'expulsion.

 

Pour engager une procédure d'expulsion, le propriétaire devra rassembler les preuves d'un éventuel flagrant délit et de l'existence d'une voie de fait. (Délit de flagrance - article 53 du code de procédure pénal)

 

Au-delà de 48h, les forces de l'ordre considèrent que le ou les squatteurs ne sont plus en délit d'infraction de domicile. Le propriétaire devra s'adresser à la justice (Tribunal d'Instance) pour obtenir une décision d'expulsion. Il devra recueillir les preuves de l'infraction, obtenir une ordonnance d'expulsion, faire appel à un huissier de justice et recourir à un avocat, ce qui est également fortement conseillé.

 

Si la justice confirme l'occupation illégale d'un logement d'autrui, le squatteur risque une peine d'un an d'emprisonnement et une amende de 15.000 euros.

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