ARTISANAT. Les représentants des artisans et TPE se réorganisent pour attirer un plus grand nombre d'adhérents, et ainsi peser plus dans les négociations avec les pouvoirs publics et les partenaires sociaux. Un nouvel outil est également lancé pour inciter les futurs indépendants à se lancer dans l'aventure entrepreneuriale.

Les représentants de l'artisanat veulent plus peser, et pour ce faire, ils se réorganisent. L'U2P (Union des entreprises de proximité), l'une des trois organisations patronales françaises qui compte comme membres notables la Capeb (Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment) ainsi que la CNATP (Chambre nationale de l'artisanat, des travaux publics et du paysage), vient d'annoncer qu'elle allait se réarticuler autour d'un "nouveau projet politique".

 

 

Le secrétaire général de l'U2P, Pierre Burban, en explique les raisons : "Il se trouve que sur le long terme, les politiques économiques et sociales conduites en France sont plus pensées sous le prisme des grandes entreprises que sous celui des TPE-PME, une anomalie alors que 98% des entreprises ont moins de 50 salariés, et 90% moins de 10". Les très petites, petites et moyennes entreprises ne se reconnaîtraient ainsi pas vraiment dans l'offre proposée en termes de représentation patronale.

 

D'autant que l'U2P souffrirait d'un manque de notoriété, "ce qui est assez normal puisque nous sommes le haut d'une pyramide, c'est-à-dire l'organisation qui englobe toutes les autres : les antennes locales, les fédérations nationales...", poursuit-il. Ce constat a donc amené l'organisation à établir un "manifeste" centré sur quatre valeurs, "qui ne sont pas nouvelles en soi mais que nous comptons porter encore plus haut et plus fort".

 

Un cinquième pôle pour les faire tous adhérer

 

Ces quatre piliers sont l'indépendance ("le plus important de tous"), le savoir-faire et l'expertise, la vocation professionnelle - l'engagement des indépendants dans leurs métiers diffère de celui de grandes entreprises soutenues par des actionnaires -, ainsi que la proximité et l'impact (sur la vie quotidienne des Français et l'activité économique du pays). Le tout avec un objectif : "Faire en sorte que tous les secteurs composés de TPE puissent rejoindre les autres secteurs déjà représentés dans l'U2P", affirme Pierre Burban.

 

Cela va se traduire par la création d'un "cinquième pôle" au sein de l'U2P, en complément des quatre autres qui existent déjà : la Capeb (membre fondateur de l'organisation), la CGAD (Confédération générale de l'alimentation en détail, autre membre fondateur), la Cnams (Confédération nationale de l'artisanat, des métiers et des services, idem) et l'Unapl (Union nationale des professions libérales, membre "actif"). À noter : la CNATP est membre "associé" de l'U2P.

 

"Il y a une aspiration dans la société française à se lancer dans sa propre activité et à être indépendant, mais on attend aussi d'avoir des services pour cela"
-Pierre Burban

 

Concrètement, ce cinquième pôle a vocation à accueillir "toutes les fédérations représentant majoritairement des petites et très petites entreprises, par exemple dans l'immobilier", explique Pierre Burban. Selon lui, "la voix des TPE doit être mieux prise en compte dans notre pays qu'elle ne l'est aujourd'hui", même s'il note aussi au passage que "des progrès ont été faits" en la matière. Mais ce nouveau projet politique ne s'arrête pas là : l'U2P nationale va désormais autoriser l'adhésion directe aux U2P régionales et départementales, "en accord" avec les 120 fédérations professionnelles déjà regroupées au travers des quatre membres.

 

Aux yeux de l'organisation patronale, il s'agit également de répondre à un besoin d'entrepreneuriat. "Il y a une aspiration dans la société française à se lancer dans sa propre activité et à être indépendant, mais on attend aussi d'avoir des services pour cela, donc les entrepreneurs veulent bien adhérer à condition de bénéficier de contreparties à leur cotisation", analyse son secrétaire général. L'U2P devrait par conséquent renforcer son accompagnement et ses services aux entreprises "avec une démarche double", au niveau professionnel et au niveau interprofessionnel.

 

Aider à la création et la reprise d'entreprise

 

Parmi ses services, une plateforme censée faciliter les créations et reprises d'entreprises est accessible sur le site Internet www.creer-reprendre.u2p-france.fr. Accompagnée par le cabinet Quintet Conseil, l'U2P a pensé cet outil pour les futurs indépendants désireux de se lancer dans l'aventure entrepreneuriale, en leur fournissant sur une carte de France tous les indicateurs dont ils peuvent avoir besoin pour mûrir leur décision - et leur plan d'attaque : concurrence, chiffre d'affaires potentiel, présence de services publics (écoles, hôpitaux...).

 

 

"Cette plateforme vise à aider tous ceux qui, en France, à un moment ou à un autre, veulent créer leur entreprise en leur fournissant de manière gratuite toutes les informations nécessaires", indique Antoine Foucher, président de Quintet Conseil. "On part du besoin de l'usager pour répondre à ses questions." Un futur maçon peut ainsi se renseigner sur ses potentiels marché et niveau de rémunération, tout en se renseignant sur les services d'accompagnement personnalisé.

 

La plateforme se fonde sur la quasi-totalité des bases de données de l'Insee (Institut national de la statistique et des études économiques) pour renseigner du mieux possible les 96 métiers qui seront accessibles à terme. L'internaute peut ensuite demander à recevoir un rapport de synthèse des informations collectées, et la fédération professionnelle concernée par son métier en est alors informée. "Elle peut apporter sa valeur ajoutée en indiquant ses propres informations", complète Antoine Foucher.

 

La plateforme "suppose un changement de posture des fédérations vers des prestataires de services"
-Antoine Foucher

 

Un module rémunération sert à simuler son salaire en entrant le chiffre d'affaires et le taux de charges estimés. Les revenus sont ensuite affichés par statut juridique - micro-entrepreneur, assimilé salarié, travailleur non-salarié en Sarl-Eurl, années 1 et 2, Acre... "Pour entrer en contact et bénéficier d'un accompagnement personnalisé, on entre le métier et la commune d'implantation souhaités, et les coordonnées de l'organisation professionnelle locale s'affichent alors", poursuit le dirigeant de Quintet Conseil.

 

Lequel note au passage : "Dans les métiers du bâtiment, des éléments importants à prendre en compte, comme l'emplacement des magasins de bricolage et des fournisseurs de matériaux, ou encore l'âge moyen et la vétusté des logements, sont également disponibles". Fruit d'un investissement de 150.000 € porté par l'U2P, la plateforme "suppose un changement de posture des fédérations vers des prestataires de services", sachant que les informations sont actualisées régulièrement sur des bases de données publiques.

 

Objectif : 40.000 à 50.000 adhérents supplémentaires

 

À terme, elle aidera aussi l'entrepreneur à choisir le statut juridique le plus pertinent pour sa société. Dans tous les cas, l'objectif "est de faciliter le contact humain, le lien direct avec les fédérations". Un "pari" pour l'organisation patronale qui cherche ainsi à renverser la logique de la démarche entrepreneuriale : "Les gens attendent du service, donc pour en tirer la meilleure offre possible, les fédérations s'engagent à se mobiliser auprès des potentiels futurs adhérents", assure Antoine Foucher.

 

Au bout de 72 heures, un mail sera automatiquement envoyé au futur indépendant ayant demandé des renseignements à la fédération locale concernée, pour s'assurer qu'il a bien été recontacté. Le cas échéant, c'est l'U2P qui s'en chargera. Mais la structure nationale compte bien sur le volontarisme des antennes locales. "Les fédérations savent qu'elles ont des réponses à apporter", estime Pierre Burban. D'après lui, l'outil se veut "totalement complémentaire aux démarches des Chambres de métiers et de l'artisanat, qui pour leur part interviennent sur l'accompagnement et la formation".

 

Avec le premier jet de cette plateforme, l'artisanat espère quoi qu'il en soit répondre au besoin des professionnels de se retrouver entre eux. Avec l'ambition, derrière, d'augmenter le nombre d'adhérents des fédérations professionnelles dans une fourchette de 40.000 à 50.000. Face à l'explosion du nombre de micro-entrepreneurs, l'U2P a notamment dans le viseur les entreprises "à partir de 0 salarié". Si la première version de la plateforme est d'ores et déjà accessible, une nouvelle version devrait être disponible "chaque semestre ou chaque année".

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