AMBITION. La secrétaire d'État à la Transition écologique, Brune Poirson, est intervenue devant les adhérents des Entreprises générales de France (EGF.BTP) pour rappeler ce que les pouvoirs publics attendaient du secteur du bâtiment, alors que les discussions sur le projet de loi économie circulaire sont entamées.

Le secteur du Bâtiment sera bientôt dans l'obligation d'instaurer une filière pollueur-payeur. C'est la secrétaire d'État à la Transition écologique Brune Poirson qui l'a rappelé une nouvelle fois, le 7 novembre 2019, en conclusion d'une soirée d'échanges organisée par les Entreprises générales de France (EGF.BTP) au sujet de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE). Cet axe est en effet privilégié dans le projet de loi économie circulaire, qui est passé devant le Sénat et devrait passer devant l'assemblée nationale d'ici à Noël prochain. "En France, 70% des déchets sont issus du secteur du bâtiment, soit 40 millions de tonnes", a-t-elle rappelé. "C'est un défi du fait de la masse et de la diversité des déchets." Les pouvoirs publics estiment également que les entreprises de bâtiment sont responsables de 25% des décharges sauvages.

 

Filière pollueur-payeur pour le Bâtiment

 

Si aujourd'hui la branche atteint 54% de valorisation, l'Union européenne a fixé un cap de 70%. L'État reconnaît toutefois que toutes les filières n'en sont pas au même point : il y a les bons élèves, comme le béton, qui émarge à 60% de valorisation ; et les moins bons, comme le verre plat (2%) ou les moquettes. Que comptent faire les pouvoirs publics pour atteindre les 70% ? Brune Poirson a détaillé trois axes majeurs.

 

 

"Nous souhaitons instaurer une filière pollueur-payeur pour le bâtiment, avec un principe de reprise gratuite des déchets préalablement triés, avec en parallèle l'amélioration du maillage des déchetteries sur le territoire." Une "éco-contribution", dont le montant sera défini par la profession via un éco-organisme, viendrait peser sur "certains matériaux". La secrétaire d'État insiste sur le fait que si le principe et les objectifs sont actés par les pouvoirs publics, restera à définir la forme du dispositif. Et pour cela, elle est favorable à l'idée de donner les clés à la filière. "Si vous choisissez une solution interprofessionnelle, et que cela marche, alors nous ferons ainsi", a-t-elle assuré. Quant au coût de cette filière de récupération, Brune Poirson récuse le chiffre de deux milliards d'euros avancé par les acteurs du Bâtiment, évoquant une facture de 400 millions d'euros en régime de croisière. L'Ademe travaille quoi qu'il en soit à une étude de préfiguration de cette filière pollueur-payeur.

 

Un régime de sanctions spécifique

 

L'État souhaite aussi renforcer les pouvoirs des maires avec l'introduction d'un régime de sanction spécifique pour lutter contre les décharges sauvages. Il deviendrait par exemple possible pour un élu de saisir un véhicule en cas de prise en flagrant délit d'un trafic de déchets.

 

"Le Bâtiment a un très grand pas à faire"

 

Enfin, le projet de loi économie circulaire vise à introduire une traçabilité des déchets, pour savoir d'où ils viennent et par où ils passent. Probablement en 'open source', afin d'attirer des start up. Un observatoire national des déchets verra également le jour, "pas pour fliquer les entreprises", a précisé la secrétaire d'État, mais pour que les pouvoirs public disposent d'une visibilité. "Mon but n'est pas de vous dire comment on fait les choses, mais de fixer un cadre général. Dans le secteur du bâtiment, nous avons un très grand pas à faire en matière de recyclage."

 

Accompagner la filière à "sortir de l'ère du béton"

 

Verdir l'industrie de la construction aurait aussi pour mérite d'aider les entreprises à attirer des jeunes, visiblement de plus en plus soucieux des questions environnementales. Pour ce faire, l'impulsion ne viendra que des donneurs d'ordres, comme l'ont assuré plusieurs participants à la soirée de débats d'EGF.BTP que concluait Brune Poirson. "Les entreprises générales doivent faire une plus grande place à l'innovation et à la rupture, nous devons repenser nos projets de A à Z", a reconnu Daniel Rigout, président d'EGF.BTP.

 

"Utilisons la matière grise pour utiliser moins de matières premières"

 

Les enjeux technologiques sont connus : préfabrication, démontabilité des projets à la fin de leur vie, construction bas carbone... "Sortir de l'ère du béton", comme le dit Stéphane Dauphin, directeur général de Paris habitat. Ce qui ne se fera pas sans une maturation des acteurs, note Christine Leconte, présidente du conseil régional de l'ordre des architectes d'Île-de-France (Croaif), pour qui tous les bureaux de contrôles ne sont pas à l'aise avec les biosourcés et le réemploi - de la même manière que les assureurs avec qui un gros travail est nécessaire. "15% de l'ensemble du patrimoine architectural français est en terre crue, et parfois quand on en met dans un projet le bureau de contrôle ne suit pas", regrette-t-elle.

 

Les architectes accueillent en tout cas favorablement l'idée d'avoir un marché composé à 80% de rénovation. "Utilisons la matière grise pour utiliser moins de matières premières", a-t-elle résumé, insistant sur l'importance de construire et rénover en circuit court. Mais aussi sur la performance de l'enveloppe : "Évitons les usages excessifs d'énergie, comme ils peuvent le faire à Dubaï où l'on commence à climatiser des rues ou des stades vides."

 

La ville durable réservée aux ménages les plus aisés ?

 

Toutefois, reste la question du coût de la ville durable, posé notamment par Véronique Bédague, directrice générale déléguée de Nexity. "Pour l'instant, nous avons encore besoin de l'investissement d'une structure publique qui participe à supporter la charge foncière", assure-t-elle. Et invite du coup à s'assurer à ce que l'on ne 'sur-construise' pas les projets. "Il est urgent de se mettre à construire tout juste ce dont nous avons besoin sur chaque projet, sinon la ville durable sera réservée à ceux qui en ont les moyens. Or, dans la durée, nous ne saurons pas faire une ville où l'on ne pourrait pas loger tout le monde."

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