DÉCRYPTAGE. La pénurie des matières premières s'accentue avec la crise de l'énergie et le conflit russo-ukrainien. Une situation qui affole les entreprises du Bâtiment. Batiactu a interrogé plusieurs organismes représentants de ces sociétés à la peine.


"La crise des matériaux s'aggrave", prévient Patrick Mathieu, président de l'antenne des Vosges de la Capeb. Comme de nombreux professionnels du secteur du bâtiment, il s'inquiète de cette situation qui dure depuis un an et qui s'est accentuée avec le conflit russo-ukrainien. "Le gouvernement nous avait annoncé au printemps 2021 que cette crise de la flambée des prix des matériaux et de pénuries était purement structurelle et qu'elle se réglerait à la rentrée. Il n'en est rien. Pire, ça s'est aggravé", constate l'électricien, contacté par Batiactu. Il a adressé une lettre ouverte aux clients de la Capeb locale qui construisent, aménagent ou rénovent pour leur faire part de la situation actuelle et des difficultés que rencontrent les entreprises. "C'est la plus grave crise d'approvisionnement en matières premières en matériaux (fer, acier, aluminium, pvc, bois, vitrage…) que nous n'ayons jamais connue", alerte-t-il. 84% des adhérents de la Capeb Vosges disent avoir subi des variations de prix entre le moment où le devis a été établi et la fin du chantier, selon une étude de la confédération de l'artisanat locale menée au quatrième trimestre 2021. 55% affirment ne pas avoir répercuté la hausse des prix des matériaux à leurs clients. "Nous passons des commandes de certains produits dont nous ne connaîtrons le prix qu'à la livraison." A l'instar des entreprises de sa région, Patrick Mathieu constate des hausses de prix vertigineuses sur les métaux et le bois. "Nous pensons qu'il existe aussi de la spéculation. On nous annonce en effet des augmentations de prix 48 heures après le début de la guerre en Ukraine...", ajoute-t-il.

 

 

Même son de cloche pour les entreprises franciliennes, lesquelles ont constaté, à partir de septembre 2021, une accélération de la crise. "C'est de l'ordre de +100% pour l'acier et l'aluminium, +95% pour les bois de construction et de coffrage, +70% pour les isolants, +60% pour les matières PVC, et +20% pour le béton transformé qui subit la crise de l'énergie", déplore auprès de Batiactu Philippe Servalli, président de la Fédération française du bâtiment (FFB) Grand Paris Île-de-France. Pour l'entrepreneur de Seine-Saint-Denis, le contexte géopolitique a joué le rôle de "catalyseur".

 

Une inquiétude croissante

 

En Île-de-France, les délais d'approvisionnement chez les fournisseurs sont passés des deux à trois semaines habituelles à huit à douze, ajoute-t-il. "C'est une durée énorme pour des chantiers qui durent généralement trois à six mois." Par conséquence, les travaux prennent du retard. Pour l'acier, "les fournisseurs mettent en place un système de rationnement", empêchant les entreprises de commander les quantités dont elles ont besoin. Les délais d'exécution sont rallongés, les entreprises perdent en productivité et les plannings sont décalés. "Pour les sociétés, cela signifie qu'elles ne peuvent pas s'engager sur de nouveaux chantiers", regrette le président de la FFB Grand Paris IDF.

"Aujourd'hui, c'est premier arrivé, premier servi"


En mars 2022, 17% des entreprises françaises du Bâtiment ont dit avoir une activité limitée par des contraintes financières, soit le double par rapport à mars 2021, selon le centre de recherche Credoc. 53% ont déclaré être dans l'impossibilité d'accroître leur production en cas d'augmentation des commandes. "Certaines entreprises qui ont de la trésorerie peuvent se permettre de stocker. Aujourd'hui, c'est premier arrivé, premier servi", raconte Philippe Servalli. Il ne cache pas son inquiétude face au conflit russo-ukrainien, qu'il pensait "éclair" mais qui s'installe, "avec des conséquences sur le moyen-terme". Il appelle ainsi l'ensemble de la filière à partager les surcoûts et à se montrer solidaire, en instaurant un dialogue et un accompagnement.

 

Des fours de production stoppés

 

Les entreprises ne sont pas les seules entités de la chaîne à être confrontées à une poussée inflationniste.
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