Dans son huitième rapport annuel de la crise du logement en France, la Fondation Abbé Pierre affirme que la France connaît la crise du logement social la plus grave depuis cinquante ans, et condamne l'insuffisante prise en compte du problème par le gouvernement.

"La production de logements est à son plus faible niveau depuis cinquante ans, au moment où on s'enfonce dans la crise", explique Patrick Doutreligne, délégué général de la fondation à l'AFP. "C'est catastrophique et l'on a l'impression qu'il n'y a toujours pas de prise en compte de cette crise par le gouvernement".

"L'engagement du gouvernement en faveur de la construction recule", affirme le rapport. Alors que les besoins sont estimés à 80.000, le rapport chiffre à 30.000 la production nette de logements sociaux, compte tenu des démolitions et sans compter les logements "PLS" dits intermédiaires, peu accessibles aux ménages pauvres.

La fondation met en cause la politique de démolition de 40.000 logements sociaux par an pendant cinq ans. "On est d'accord avec les démolitions si, en face, on construit autant et pour le même public", dit Patrick Doutreligne, or "on agit comme si la pauvreté allait disparaître avec la barre détruite".

Dans un tel contexte, la Fondation déplore l'abrogation annoncée par le gouvernement de la loi de 1948, abrogation qui, tout en épargnant les plus modestes, contribuera néanmoins à diminuer le parc social. Elle juge également "illusoire" de compter sur la loi de décentralisation adoptée lundi par le Parlement pour redresser la situation et le rapport montre que, dans certains départements, "il n'y a que l'Etat qui se bat pour le logement social".

Jusqu'à présent, les ménages défavorisés ou en situation de précarité étaient la principale cible du mal-logement. Aujourd'hui, la crise du logement touche aussi les ménages à revenus moyens, les jeunes, les familles avec enfants ou les salariés en contrat déterminé, contraints de quitter les centre-villes pour se loger.

La moyenne nationale des loyers de relocation a en effet augmenté en 2001 de 4,5% et de 6 à 10% à Paris, et un couple avec deux Smic n'a plus guère de possibilité de se loger dans le parc privé.

Face à cette crise, les aides à la personne ne suivent pas l'augmentation des loyers, et, pour la première fois, la dotation du FSL (fonds de solidarité logement) régresse, affirme la fondation qui estime à 40.000 le nombre de ménages privés d'aides pour accéder au logement ou éviter l'expulsion.

Enfin, la fondation évoque notamment le "danger" que présenteraient des aménagements de l'article 55 de la loi SRU (solidarité et rénovation urbaine), imposant aux communes la construction d'au moins 20% de logements sociaux.

Interpellé par l'abbé Pierre et Xavier Emmanuelli, président du Haut comité pour le logement, le président de la République Jacques Chirac a pris position, le 5 décembre, pour "qu'aucune modification n'intervienne sans concertation", rappelle le Haut comité.

Au ministère du logement, on affirme que le "gouvernement n'envisage de modifier le dispositif qu'à condition que l'objectif de mixité sociale soit garanti et qu'une concertation approfondie avec tous les partenaires ait lieu".

"Rien de pire que laisser s'ouvrir de nouveau le débat", affirme pourtant Patrick Doutreligne. "A l'évidence, le logement n'est plus une priorité", affirme la fondation, qui demande la nomination d'un responsable à plein temps du logement au gouvernement.

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