ÉCONOMIE. Afin de soutenir les acteurs publics et privés face à l'explosion de leurs factures d'énergie, le Gouvernement vient de dégainer trois nouveaux dispositifs d'aide. La flambée des cours de l'électricité et du gaz observable depuis plusieurs mois risque de se maintenir à un niveau "très élevé" l'année prochaine.

La hausse significative des factures d'énergie des entreprises et des collectivités territoriales - grandes comme petites - a amené le Gouvernement à renforcer ses dispositifs de soutien. Nonobstant les répercussions de la crise sanitaire et du conflit russo-ukrainien sur les cours des marchés, la situation climatique et énergétique de la France n'arrange rien.

 

 

"Pour 2023, les perspectives de prix se maintiennent à un niveau très élevé sur tous les marchés de l'énergie, marquées par une forte incertitude liée au contexte de guerre en Ukraine, par la disponibilité limitée du parc nucléaire français et par l'effet de la sécheresse sur nos ressources hydroélectriques", prévient le Gouvernement dans un communiqué. D'après les pouvoirs publics, "les prix sur les marchés du gaz et de l'électricité pour des livraisons en 2023 sont toujours à des prix près de 10 fois supérieurs à ceux de 2020 (550 €/mégawatt-heure en électricité, 160 €/MWh en gaz)".

 

Alerté depuis plusieurs semaines par les fédérations professionnelles et les représentants des collectivités, l'État a donc décidé de muscler sa réponse. La Première ministre Élisabeth Borne, accompagnée du ministre de l'Économie Bruno Le Maire, du ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires Christophe Béchu, et de la ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher, ont donc dévoilé une nouvelle salve de mesures de soutien destinée aux entreprises, collectivités, établissements publics et associations. Elles visent pour l'essentiel à simplifier, étendre et prolonger les aides existantes.

 

Baisse de la fiscalité sur l'électricité et bouclier tarifaire étendu à une partie des TPE

 

Concernant tout d'abord l'aide au paiement des factures d'électricité en vigueur jusqu'à fin 2022, l'ensemble des entreprises vont bénéficier de la baisse de la TICFE (contribution au service public de l'électricité) "à son minimum légal européen", ainsi que du mécanisme d'Arenh (accès réglementé à l'électricité nucléaire historique, fixé à 120 térawatts-heure).

 

Le bouclier tarifaire, déjà en vigueur pour les ménages, s'étend désormais aux TPE (très petites entreprises) de moins de 10 salariés, réalisant un chiffre d'affaires de 2 millions d'euros et possédant un compteur électrique d'une puissance inférieure à 36 kVA.

 

En outre, toutes les entreprises ont la possibilité de se tourner vers le guichet d'aide au paiement des factures d'électricité et de gaz. Doté de 3 milliards d'euros, ce service est accessible sur le site Internet impots.gouv.fr depuis juillet 2022. Déjà simplifié en septembre dernier, il va être encore facilité "d'ici fin novembre 2022 afin d'accélérer son décaissement". Le Gouvernement attend que la Commission européenne décide du nouveau cadre temporaire régissant les règles d'octroi des aides d'État avant de préciser les critères d'éligibilité "dans les prochains jours". Le guichet d'aide dédié aux factures de gaz, qui est donc ouvert à toutes les entreprises, devrait voir ses critères simplifiés à la fin du mois de novembre.

 

Amortisseur pour un prix de l'électricité supérieur à 325 euros par mégawatt-heure

 

Mais comme la conjoncture globale ne risque pas de s'améliorer de sitôt, les pouvoirs publics proposent déjà des mesures de soutien pour l'année prochaine. S'agissant de l'électricité, l'ensemble des entreprises continueront à profiter d'une diminution de la fiscalité (TICFE), toujours à son plus bas niveau communautaire, et du mécanisme d'Arenh, cette fois ramené à 100 TWh.

 

Les 1,5 million de TPE de moins de 10 employés, avec un chiffre d'affaires de 2 millions d'euros et au compteur électrique de moins de 36 kVA seront elles aussi toujours éligibles au bouclier tarifaire. Une nouvelle disposition sera cependant introduite en 2023 pour toutes les TPE n'étant pas protégées par ce dernier car possédant un compteur électrique de plus de 36 KVA, ainsi que pour la totalité des PME (petites et moyennes entreprises) : l'amortisseur électricité.

 

 

 

"Ces entreprises, qu'elles aient déjà signé un contrat ou qu'elles soient en cours de renouvellement, bénéficieront du mécanisme dès lors que le prix du mégawatt-heure de référence pour la part d'approvisionnement au marché de leur contrat est supérieur à un niveau de 325€/MWh", explique le Gouvernement. "Cet amortisseur se matérialisera par une aide forfaitaire sur 25% de la consommation des entreprises, permettant de compenser l'écart entre le prix plancher de 325€/MWh et un prix plafond de 800€/MWh." Concrètement, l'État prendra donc en charge la moitié du surcoût au-delà du prix de référence de 325 euros par mégawatt-heure.

 

Le plafonnement doit permettre de limiter l'exposition du budget de l'État à la flambée des prix, tout en assurant une aide maximale d'environ 120 €/MWh pour les entreprises concernées. "La réduction de prix induite par l'amortisseur électricité sera automatiquement et directement décomptée de la facture d'électricité de l'entreprise", complète l'exécutif.

 

Dans ces conditions, une compensation financière sera versée par la puissance publique aux fournisseurs d'énergie par le biais des charges de service public de l'énergie. Les modalités exactes du fonctionnement de cet amortisseur tarifaire seront prochainement détaillées par voie réglementaire.

 

Extension du "filet de sécurité" pour les collectivités

 

Enfin, le guichet d'aide au paiement des factures d'électricité ouvert aux ETI (entreprises de taille intermédiaire) et aux grands groupes sera prolongé en 2023. Le Gouvernement attend encore d'obtenir des simplifications auprès de la Commission européenne, qui devraient être annoncées dans les jours qui viennent et appliquées à partir de fin novembre, et pour toute l'année prochaine. Les critères d'éligibilité et les montants des aides seront donc indiqués ultérieurement.

 

Pour ce qui est des factures de gaz, toutes les tailles d'entreprises continueront d'avoir accès au même guichet d'aide "dont les critères seront simplifiés fin novembre 2022", rappelle Bercy.

 

Également impactées de plein fouet par l'explosion des prix énergétiques, les collectivités verront leur "filet de sécurité" amplifié et prorogé pour 2023. Celui-ci viendra en complément de l'amortisseur électricité et couvrira aussi les surcoûts liés aux prix du gaz. Les deux mécanismes combinés représentent quasiment 2,5 milliards d'euros débloqués à destination des collectivités.

 

Un mécanisme européen attendu pour jouer sur les marchés de gros

 

Plus largement, l'ensemble des mesures annoncées coûteront pas moins de 12 milliards d'euros aux finances publiques. Le Gouvernement assure malgré tout que ce soutien plus que massif ne creusera pas davantage le déficit public.

 

Selon lui, les financements se composeront de plus de 7 milliards d'euros provenant de la "récupération des marges exceptionnelles des énergéticiens", tandis que 3 milliards sont d'ores et déjà provisionnés pour les aides aux entreprises les plus consommatrices d'énergie. Le budget 2023 prévoit par ailleurs 1,5 milliard d'euros pour le "filet de sécurité" aux collectivités.

 

Dans ce contexte, la Commission de régulation de l'énergie (CRE) publiera pour sa part une grille tarifaire de référence hebdomadaire, et les fournisseurs d'électricité ont été sollicités par l'exécutif pour signer une charte "par laquelle ils s'engagent à proposer au moins une offre à tout client qui en ferait la demande", souligne Matignon.

 

L'exécutif déposera en outre un amendement au projet de loi de Finances (PLF) 2023 pour instaurer une garantie publique sur les cautions bancaires demandées par les fournisseurs à leurs clients au moment de la signature des contrats. Toutefois, la partie continue de se jouer aussi au niveau européen : Paris espère toujours instituer un mécanisme communautaire découplant les prix du gaz de ceux de l'électricité, lequel pourrait réduire les prix de l'énergie sur les marchés de gros.

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