FINANCES PUBLIQUES. Le rapport annuel de la Cour des comptes a été rendu public le 25 février. Dans son habituel panorama des comptes publics, les sages de la rue Cambon observent un rétablissement "quasiment à l'arrêt" de la situation de la France, et appellent l'État à établir une trajectoire plus crédible.

Déficit public en forte hausse, dette qui continue à croître, mais dépense "relativement modérée". Dans son rapport annuel, dévoilé ce 25 février 2020, la Cour des comptes se veut, comme souvent, critique concernant la situation des finances publiques : leur "redressement (…), déjà très graduel au cours des dernières années, est aujourd'hui quasiment à l'arrêt", analysent ainsi les sages de la rue Cambon.

 

Sur l'année 2019, le déficit public devrait s'établir à 3,1 points de PIB, contre 2,5 points l'année précédente. C'est aussi plus que prévu dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2019, qui tablait plutôt sur un déficit de 2,8 points de PIB.

 

Effets Gilets jaunes et CICE

 

Sans grosse surprise, cet écart est principalement dû aux mesures prises à la fin de l'année 2018, pour tenter de résoudre la crise des Gilets jaunes, explique la Cour. Coût net de ces dispositions : 9Mds€ (0,4 point de PIB), dont 4Mds pour la seule annulation de la hausse de la fiscalité écologique.

 

L'année 2019 inclut également l'impact d'une autre mesure temporaire et exceptionnelle : le remplacement du CICE en allègement de cotisations qui "pèse transitoirement" sur le niveau des prélèvements obligatoires. Il représente à lui seul une baisse de 20Mds€ de ces prélèvements (sur 28Mds€ de réduction totale). La deuxième tranche de suppression de la taxe d'habitation (3,7Mds€), l'effet année pleine de la baisse des cotisations salariales (4Mds€) ou encore l'exonération et la défiscalisation des heures supplémentaires (3Mds€) font aussi partie des mesures expliquant ce niveau de baisse des prélèvements obligatoires.

 

Forte poussée de la dépense

 

Côté dépense publique, le constat est moins sévère. La Cour des comptes salue ainsi sa progression "relativement modérée" : +1,7% sur un an, soit 22Mds€ supplémentaires. "Par rapport à 2018 où elle avait augmenté de 1,4%, la dépense publique est cependant en accélération, nuancent les hauts magistrats. "Rapportée au PIB, elle se serait élevée à près de 54% en 2019."

 

Là encore sans trop de surprise, "sous l'effet d'une poussée de l'investissement, usuelle en année pré-électorale", c'est la dépense des administrations publiques locales qui aurait progressé le plus vite : +3,2% en valeur, à champ constant, note la Cour des comptes. Un chiffre qui pourrait même être sous-estimé, puisque "la prévision de croissance de l'investissement local" a été revue en hausse, à 8,9% pour 2019. Les dépenses de fonctionnement devraient aussi progresser, mais leur niveau "resterait cependant cohérent avec les objectifs inscrits dans les contrats passés entre l'État et les grandes collectivités".

 

 

Pas d'amélioration en 2020

 

La Cour des comptes n'imagine pas la situation s'améliorer pour l'année en cours : "une fois neutralisé l'effet des mesures exceptionnelles et temporaires, le déficit effectif comme le déficit structurel seraient presque inchangés, de même que la dette", prévoit-elle.

 

La hausse des dépenses devrait de son côté rester relativement modérée. L'objectif de l'État est de limiter la hausse de son enveloppe de 3,3Mds€. Mais "afin d'assurer une stricte tenue de ces objectifs, le Gouvernement devra, comme chaque année, mettre en œuvre la loi de finances en veillant à la bonne réalisation des économies prévues, notamment dans le secteur du logement", préviennent les hauts magistrats, citant la compensation du report de la mise en œuvre du versement des APL en temps réel.

 

Le recul de l'investissement post-élections municipales devrait entraîner une décélération des dépenses des collectivités locales. Cependant, "ces prévisions de dépense demeurent entachées d'incertitudes", explique la Cour. D'une part car les exécutifs locaux disposent d'une épargne importante, et donc de marges de manœuvre qu'ils pourraient mobiliser, d'autre part car le niveau d'investissement n'a pas retrouvé les couleurs des mandats précédemment, malgré une accélération ces deux dernières années. Les espoirs sont donc permis.

 

Révision de la trajectoire nécessaire

 

Le redressement global est donc lent, plus limité que prévu, et l'écart avec la trajectoire définie il y a seulement deux ans dans la loi de programmation des finances publiques 2018-2022 se creuse. "Politique budgétaire moins stricte qu'il n'était programmé", "intensification des baisses de prélèvements obligatoires" partiellement compensées par certaines mesures comme la réduction de niches fiscales, expliquent en partie cette différence.

 

Même si le Gouvernement a exprimé son intention de présenter une nouvelle loi de programmation pluriannuelle au premier semestre 2020, la Cour des comptes craint déjà que la trajectoire qu'elle fixera ne fasse que "décaler le redressement à accomplir", en prévoyant une réduction des déficits à un rythme modéré à partir de 2021 et de nouvelles baisses de prélèvements obligatoires, principalement par le biais d'une réduction du taux d'impôt sur les sociétés à 25% et la suppression totale de la taxe d'habitation. La conclusion est donc sans appel : "la crédibilité de la trajectoire reste ainsi à établir".

actionclactionfp