ÉNERGIES MARINES. Malgré une usine flambant neuve dans la Manche, Naval Energies décide de mettre fin à ses investissements dans l'hydrolien, pour se concentrer sur l'éolien flottant et la thermique des mers. En cause : un manque de compétitivité de cette technologie et un soutien public trop limité. Le Syndicat des énergies renouvelables se dit déçu mais rappelle que d'autres acteurs français existent.

Alors que sa co-entreprise Cape Sharp Tidal vient d'immerger une hydrolienne dans la baie de Fundy au Canada et que Naval Energies a inauguré une usine d'assemblage au début de l'été à Cherbourg, l'industriel français vient d'annoncer qu'il abandonnait ce marché. Dans un communiqué, Laurent Schneider-Maunoury, son président, déclare : "C'est avec regret mais responsabilité que nous prenons cette décision d'arrêter nos investissements dans l'hydrolien. Ce choix s'impose à nous aujourd'hui. La dégradation de la situation du marché, en France et dans le monde tout au long de ces derniers mois, s'est traduite par une absence de perspectives commerciales qui ne nous permet pas de financer seuls plus longtemps le développement des activités hydroliennes". Le dirigeant estime que la poursuite de ces activités aurait conduit à "un épuisement des ressources de l'entreprise" et donc à son affaiblissement.

 

 

Pour expliquer ce renoncement, Naval Energies s'appuie sur les propositions de l'Ademe dans le cadre des discussions autour de la Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), trop peu ambitieuses à son goût : "L'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie ne prévoit que 100 à 150 MW installés d'ici 2028, soit 50 turbines de 2 MW dans dix ans". Un chiffre faible pour rentabiliser une production en série, même si la France n'était pas le seul marché visé par les machines OpenHydro. L'industriel poursuit : "Le Royaume-Uni a fait le choix depuis deux ans de ne pas subventionner spécifiquement l'hydrolien et donc d'exiger des coûts au même niveau que l'éolien posé, ce qui n'est pas possible pour une technologie qui démarre. Au Canada, on constate aussi une sensibilité très importante au coût". Le groupe choisit en conséquence de se concentrer sur deux autres technologies marines : l'éolien flottant et l'énergie thermique des mers, "qui reçoivent le soutien des autorités publiques".

 

Clap de fin pour tout l'hydrolien ?

 

 

L'abandon de Naval Energies survient un an et demi après l'annonce, par General Electric et Engie, de l'arrêt de leurs développements hydroliens. Est-ce pour autant la fin de cette technologie en France ? Non, nous répond Marion Lettry, déléguée générale du Syndicat des énergies renouvelables (SER) : "Nous sommes très surpris et extrêmement déçus, car c'est un acteur important de l'hydrolien. Mais il y a d'autres acteurs actifs en France - Sabella, HydroQuest et Guinard Energies - qui ont prévu d'avancer dans leurs programmes avec des mises à l'eau avant la fin de l'année". La spécialiste le concède : "Il y a peu d'acteurs car les technologies ne sont pas matures et les solutions sont très différentes les unes des autres. Mais le SER y croit encore, et ces acteurs français sont bien avancés. D'autant qu'OpenHydro, la filiale hydrolienne de Naval Energies est mise en liquidation mais il pourrait y avoir un repreneur. Personne ne sait ce qu'il va se passer".

 

Toutefois, la filière aurait besoin d'un signal de la part du gouvernement : "Dans la PPE, nous proposons des fermes commerciales d'un volume raisonnable, compris entre 150 et 250 MW répartis sur les deux zones identifiées, passage du Fromveur en Bretagne et raz Blanchard en Normandie. Ceci de façon à ce que le soutien public ne soit pas trop important. C'est un objectif en ligne avec ceux de l'Ademe. Naval Energies était très ambitieux et les volumes visés extrêmement élevés, ce qui a suscité des doutes au sein du SER", nous précise Marion Lettry. Quant aux perspectives de marchés à l'international (Canada, Indonésie, Philippines) qui semblent s'éloigner, la déléguée générale nous confie : "Une technologie est difficile à vendre tant qu'elle n'est pas opérationnelle sur son marché national. C'est pourquoi il faut continuer à soutenir la filière, peut-être en lançant d'autres fermes pilotes, puisque les deux initialement prévues ne verront finalement jamais le jour". Une opportunité pour Sabella et les autres concurrents ou bien signal avant-coureur de la fin définitive de technologies trop complexes et onéreuses ? L'avenir le dira.

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