BAROMÈTRE. Les contrats de performance énergétique constituent probablement ce qui se fait de mieux en matière de rénovation énergétique, avec la garantie de résultats. Mais l'heure n'est pas encore, loin de là, à leur massification. Explications.

Comment faire sortir les contrats de performance énergétique (CPE) de leur marché de niche et les massifier ? C'est notamment à cette question qu'ont cherché à répondre plusieurs acteurs du secteur, ce 2 juillet 2019, à l'occasion de la présentation des résultats de l'observatoire des CPE, dans les locaux du ministère de la Transition écologique et solidaire. Car force est de constater qu'il s'agit bien d'un marché d'une ampleur toute relative, malgré l'avantage concurrentiel de ce type de contrat par rapport aux autres : garantir les résultats en termes d'économies d'énergie - autrement dit, le Saint-Graal en matière de travaux de rénovation énergétique, mais qui nécessite un réel engagement des acteurs et l'expertise des entreprises.

 

Les chiffres parlent d'eux-mêmes : l'observatoire - qui ne prétend pas à l'exhaustivité mais souhaite indiquer une tendance - comptabilise aujourd'hui un peu moins de 300 contrats de performance énergétique passés depuis 2006, dont seulement une poignée sont aujourd'hui en phase exploitation. En moyenne, ils devraient permettre une économie des consommations de l'ordre de 30%, en se basant sur les données contractuelles. Vingt-trois CPE seulement ont été passés en 2017, 27 en 2018. L'écrasante majorité des 278 CPE sont contractualisés sur une période allant de 6 à 10 ans.


Les maîtres d'ouvrage public, premiers utilisateurs

 

Quels maîtres d'ouvrage ont recours aux CPE ? Sans surprise, majoritairement des maîtres d'ouvrage publics : 101 communes, 40 conseils régionaux, 35 bailleurs sociaux, 23 conseils départementaux et 11 établissements de santé. Seulement 3 CPE ont été passés par un syndicat de copropriétaires. Quels sont les bâtiments les plus souvent concernés ? En surface cumulée, il s'agit des bâtiments d'enseignement, du résidentiel (en majorité du logement social) et du tertiaire municipal mixte.

 

 

En matière de type de CPE, 60% sont des "CPE systèmes", consistant en un pilotage des installations et une intervention sur celles-ci. Ils courent en moyenne sur une durée de 9 ans et s'engagent sur une baisse de 21% des consommations. Les "CPE services" (uniquement le pilotage des équipements) représentent 8% (durée de 7 ans, économie de -15% en moyenne), et les "CPE globaux" (incluant des travaux sur le bâti) représentent 30% du total (11 ans, -39%).

"Il va falloir changer de braquet"

 

"Nous sommes encore loin du compte, dans le tertiaire nous avons des chiffres consolidés, et pourtant les CPE ne représentent que quelques pourcents du parc", a commenté Frédéric Rosenstein, ingénieur service bâtiment à l'Ademe. "Il va falloir changer de braquet." La loi Elan et son futur décret tertiaire (lire notre article ici) pourrait jouer le rôle de 'bâton'. "La carotte, c'est l'accompagnement et le financement", explique l'ingénieur. Qui cite par exemple les deux fiches CEE : la fiche "CPE services", et la seconde, en cours d'actualisation par le ministère, permettant une "bonification des fiches standard à travers un CPE qui fait minimum 20%", détaille-t-il.

 

La complexité technique des bâtiments pourrait également doper les CPE à l'avenir. "Cette technicisation des bâtiments n'est pas seulement due aux réglementations, mais aussi aux industriels qui sont derrière", explique Frédéric Rosenstein. "On constate qu'il y a dans les systèmes de GTB une dérive des performances dans le temps, le CPE aura ainsi toute sa place pour que ces systèmes répondent aux performances dans la durée."

 

Le côté architectural "n'est pas à négliger"

 

Les acteurs présents au colloque sont également tous tombé d'accord pour dire qu'un CPE devrait être désirable pour le maître d'ouvrage au-delà de la simple question économique et énergétique. "Quand on fait une opération de rénovation énergétique en CPE, pour une collectivité ou un lycée, il faut sortir un beau projet", a ainsi assuré Laurent Grimaud, directeur général d'Eolya, société d'exploitation et maintenance en génie climatique. "Celui qui investit veut un beau rendu final. Le côté architectural n'est donc pas à négliger."

 

Pour le prochain observatoire, dont les résultats devraient être publiés dans deux ans, l'Ademe espère pouvoir profiter de retours d'expérience de CPE en phase exploitation. Avec, à la clé, peut-être, des dépassements d'objectifs qui pourraient permettre de donner envie à d'autres maîtres d'ouvrage de passer à l'acte.

 

Les apports d'un CPE pour une PME du bâtiment
Quel intérêt pour une PME de se lancer dans les contrats de performance énergétique ? Laurent Grimaud, directeur général d'Eolya, société d'exploitation et maintenance en génie climatique, a répondu. "Nous avons gagné en savoir-faire dans la performance énergétique et nous avons fait l'acquisition de divers outils", liste-t-il. "Nous avons constitué en interne une équipe d'ingénierie pluridisciplinaires (énergéticien, architectes...). Les CPE permettent aussi de bénéficier d'un carnet de commandes avec un an d'avance, au vu du temps de préparation d'un contrat de ce type. Nous touchons 70% de l'argent lors des travaux des années 1 et 2, 30% sont ensuite versés durant les huit années de contrat classique."

 

Sur ces années d'exploitation, le chef d'entreprise nous en dit plus. "Sur un projet public où nous sommes intervenus, nous avons bien calé notre mode de fonctionnement avec l'employé communal qui effectue au quotidien un travail de sensibilisation des usagers, traque les dérives", nous explique-t-il. "Ce genre d'acteurs est plus écouté par les utilisateurs que les acteurs privés comme nous. Notre technicien passe chaque semaine dans le bâtiment et le relationnel entre les deux personnes est bien rodé." L'une des clés de la réussite d'un CPE.

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