ARCHITECTURE. Plusieurs experts ont échangé sur les fondamentaux qui entourent la réhabilitation de bâtiments anciens en France. Cela relève souvent du cas par cas pour mener une rénovation énergétique en adéquation avec l'histoire des lieux.

Le patrimoine serait-il mis de côté lors de certains travaux de rénovation ? C'est ce que confirment des experts de ce sujet, réunis lors d'une conférence pour les Rendez-vous du Mondial du Bâtiment, sur Batiradio ce vendredi 3 septembre. Un tiers des bâtiments existants dans l'Hexagone sont considérés comme des bâtiments anciens, c'est-à-dire construits avant 1948 avec des matériaux et techniques traditionnels. Ils sont souvent à l'image des spécificités des régions de l'Hexagone. "C'est un secteur qu'il ne faut pas oublier pour permettre la diminution des émissions de gaz à effets de serre", rappelle Élodie Héberlé, responsable d'activités "Performance énergétique des bâtiments" au Cerema Est (centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement). Les enjeux autour de la réhabilitation et de la rénovation des bâtiments anciens en France sont multiples et souvent complexes. Ces bâtiments ont souvent un intérêt patrimonial, bien qu'ils ne soient pas toujours classés, car ils racontent l'histoire de la région dans laquelle ils sont ancrés. Ils sont également souvent perméables à la vapeur. Il faut donc choisir des solutions d'isolation qui soient compatibles en termes d'humidité, indique les experts. "Certaines réhabilitations énergétiques ont détruit des patrimoines, et cela enlève quelque chose à la qualité de vie des habitants", estime Élodie Héberlé.

 

De l'importance de remettre le bâtiment aux standards actuels


La question patrimoniale est essentielle dans la réhabilitation de bâtiments anciens, estime également de son côté Jean-Luc Krieger, qui travaille comme chargé de mission énergie auprès de la région Bourgogne-Franche-Comté. Il considère néanmoins qu'il faut trouver un compromis, entre la conservation de l'existant et sa juste rénovation. "Certains oublient vite la question du patrimoine, c'est dommage. Pour autant, il ne faut pas laisser l'ancien être un objet de musée. Il faut remettre le bâtiment aux standards actuels, en termes de confort et de fonctionnalité, pour des questions sanitaires." Il appelle à rénover les centres-villes et cite quelques exemples de rénovations réussies, comme une maison bourgeoise datant de la fin du XIXème siècle, dans un centre bourg, qui a été reprise par la collectivité où elle se trouvait et transformée en service public. Dans une autre commune, des logements collectifs urbains situés dans un immeuble de 1850 se sont mués en quatre logements modernes, "avec des niveaux énergétiques passifs".

 

En Saône-et-Loire, le siège du Conseil d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE 71) a été rénové entre 2011 et 2013. Le bâtiment, construit en 1873, a été acquis "pour limiter une nouvelle construction et favoriser une nouvelle réhabilitation", explique Virginie Juteau, architecte-conseil. "Le bâtiment avait été rénové à plusieurs reprises et avait été recouvert d'une peinture blanche qui unifiait le bâtiment originel. L'idée était de retrouver l'image de départ et son dessin architectural extérieur", raconte l'intervenante. Les architectes appelés à repenser le bâtiment devaient répondre aux exigences en termes de qualité urbaine et d'usage, puisque le lieu reçoit du public. "Derrière ce projet, il y avait la volonté de ne pas mettre trop d'éléments techniques mais plutôt de travailler sur l'inertie des matériaux, d'utiliser des matériaux biosourcés, d'installer une ventilation nocturne naturelle et un chauffage basse consommation à granulés." Un projet que, de son côté, Élodie Héberlé juge "exemplaire".

 

"La réhabilitation n'est pas forcément chère"

 

 

Pour s'adapter aux bâtiments anciens, Yvon Cottier, architecte à l'agence ACA Architectes et Associés, a fait analyser en laboratoire les enduits qui existaient sur une ancienne caserne du XIXème siècle, destinée à devenir l'institut de formation en soins infirmiers (Ifsi) de Nevers. "Grâce à ces analyses, nous avons pu conserver une grande partie des enduits existants", témoigne-t-il. Au total, trois tests ont été effectués et le bâtiment a "révélé des hautes performances énergétiques". Surtout, "la maîtrise d'ouvrage avait mis les moyens" pour permettre la rénovation de ce bâtiment long de 70 mètres et d'une largeur de 16 mètres. "C'est un élément important", note-t-il. Les murs en pierre ont été isolés par l'intérieur avec 20 centimètres de laine de bois et de chanvre. La ventilation est assurée par deux VMC double-flux. Le diagnostic technique mené par l'architecte "a permis de faire des économies financières", reconnaît Élodie Héberlé. "Ils se sont rendu compte qu'ils pouvaient garder l'enduit et se concentrer sur d'autres travaux."

 

Chaque bâtiment possède ses particularités, et avec lui, son approche de rénovation, s'accordent à dire les intervenants. "Je défends une approche au cas par cas", poursuit Élodie Héberlé. Selon elle, "la massification de la rénovation énergétique sur les bâtiments anciens pose des difficultés". De son côté, Jean-Luc Krieger appelle, dans certains cas, à se tourner vers des matériaux biosourcés, tels que le bois, le chanvre, la paille ou le carton, et à ne pas oublier la problématique de la biodiversité en milieu urbain, notamment des chauve-souris qui s'installent dans de vieux bâtiments. Yvon Cottier, architecte, insiste : "Le diagnostic est fondamental dans chaque dossier, il faut avoir une vraie reconnaissance de l'existant. Et aussi comprendre que la réhabilitation n'est pas, comme on pourrait le croire, forcément chère".

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