ENTRETIEN. Alors que la loi Energie-Climat a été promulguée le 8 novembre, l'Assemblée nationale examinera jeudi 12 décembre en séance publique une proposition de loi du groupe Socialistes visant à créer une prime pour le climat et la lutte contre la précarité énergétique. Boris Vallaud, député PS de la 3ème circonscription des Landes et membre de la Commission Affaires Sociales de l'Assemblée, en détaille les ambitions à Batiactu.

Batiactu : Le 12 décembre, l'Assemblée nationale examinera en séance publique une proposition de loi des députés socialistes portant sur la création d'une prime pour le climat et la lutte contre la précarité énergétique. Quel est l'objectif de cette initiative ?

 

 

Boris Vallaud : Le dernier rapport de l'ONU (Organisation des Nations Unies) sur l'environnement nous dit que l'effort que les Etats doivent accomplir pour réduire les émissions de carbone est deux fois supérieur à ce qui leur était demandé en 2010 parce que les efforts nécessaires n'ont pas été faits. Il parle de "décennie perdue." Et dans dix ans, plus rien ne sera possible, si nous ne faisons pas davantage maintenant. La France a donc besoin d'effectuer un saut d'échelle sur la question climatique, tant en matière de transition industrielle que de rénovation énergétique. Nous entendons la jeunesse, à la suite de Greta Thunberg, demander "des actes, des actes, des actes !" Cette proposition de loi montre qu'il est possible d'agir de façon massive et déterminée.

Le Gouvernement vise pourtant la neutralité carbone d'ici à 2050 et la rénovation des passoires thermiques en dix ans…

B.V. : Le rythme de rénovation des passoires thermiques est en réalité beaucoup trop faible (c'était déjà vrai des dix ans écoulés) et ce que propose le gouvernement l'est aussi. Nous pouvons faire plus et mieux. Les freins à la rénovation concernent principalement la complexité des aides, le montant du reste à charge et l'accompagnement des ménages. Le dispositif que nous proposons permet une prise en charge des travaux à 100% par l'Agence nationale de l'habitat (Anah) et un remboursement de la part non subventionnée au moment de la mutation. La subvention sous condition de revenus varie de 20% à 40%. A cette subvention s'ajoutera une bonification de 10% dans les zones détendues afin de compenser la décote du bien par rapport aux travaux de rénovation énergétique engagés. Le reste à charge sera donc très faible pour les ménages. A noter aussi que les subventions seront plafonnées et que le montant des travaux financés n'excédera pas les deux tiers de la valeur du bien, afin d'éviter les effets d'aubaine et les dérives inflationnistes.

Quel est l'avantage de ce dispositif par rapport à Ma Prime Rénov, qui se substituera au crédit d'impôt transition énergétique à partir du 1er janvier 2020 ?

B.V. : Ce dispositif est simple car il regroupe toutes les aides existantes. Il est universel car il concerne les propriétaires bailleurs et les propriétaires occupants. Il est ambitieux en visant les "travaux complets et performants", massif et financé. Nous essayons aussi de concilier objectif environnemental et objectif social, en donnant la priorité aux passoires thermiques dans les trois périodes d'éligibilité au dispositif, qui courent de 2021 à 2050. Et il est très incitatif puisqu'il ne nécessite aucune avance de fonds au moment des travaux. Nous mettrons par ailleurs le paquet sur l'accompagnement de bout en bout des ménages via l'Anah, opérateur principal, et ses mandataires, comme les sociétés d'économie mixte. La Caisse des dépôts pourrait également intervenir, comme back-office financier de l'Anah, en empruntant à des taux de marché, plus intéressants que les taux bancaires. Cet accompagnement de bout en bout des ménages consistera véritablement en une d'assistance à maîtrise d'ouvrage. Et l'avantage du dispositif c'est qu'il permet de tenir les objectifs que nous nous sommes fixés.

Quels moyens seront dévolus à l'Anah ?

B.V. : L'Anah et ses opérateurs disposeront de 1,5 milliard d'euros par an, l'Anah de demain ne sera donc pas celle d'aujourd'hui, nous lui mettrons du vent dans les voiles !

Quel sera le coût global de la prime et comment le financerez-vous ?

B.V. : Ce dispositif, qui mobilisera 300 milliards d'euros sur 30 ans, est déjà financé car il bénéficierait des moyens affectés aux dispositifs existants et des remboursements à venir. Il faudrait évidemment une loi de Finances pour faire compléter la loi que nous présentons soumises à des règles complexes de recevabilité financière.

 

Quel écho votre proposition de loi rencontre-t-elle auprès des acteurs de la rénovation énergétique ?

B.V. : Les réactions des associations de propriétaires et de locataires ont été très positives. Les professionnels du bâtiment jugent également cela intéressant, nous leur offrons 30 ans de stabilité réglementaire, de solvabilité des ménages et de visibilité sur leur activité, soit quasiment la durée d'une carrière professionnelle. Ils ont formulé des propositions que nous avons reprises à notre compte.

Que répondez-vous à la majorité parlementaire, qui reproche à votre proposition de loi de "percuter" la loi Energie-Climat et le projet de transformation du CITE en prime ?

B.V. : La loi Energie-Climat permettra 200.000 rénovations énergétiques par an, c'est insuffisant. A ce rythme on atteindra la neutralité carbone en 2080. Il semble en réalité que le principal tort de cette proposition de loi réside dans le fait qu'elle n'émane pas de la majorité. Mais nous sommes prêts à admettre que notre système est imparfait et qu'on peut toujours l'améliorer mais la proposition est faite et pourrait rassembler largement au-delà des étiquettes politiques. Ce système pourra d'ailleurs évoluer, nous voudrions évaluer ce programme au long cours.

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