La première rétrospective consacrée à Claude Parent à la Cité de l'architecture à Paris est l'occasion de redécouvrir un architecte atypique, connu notamment pour avoir trouvé dans l'oblique un équilibre architectural... au point de vivre dans une maison en pente ! Utopiste pour les uns, avant-gardiste pour d'autres, un incontournable de l'architecture contemporaine.

"Privilégiée" : Chloé, fille de l'architecte haut en couleurs Claude Parent, a vécu son enfance en pente non comme une contrainte de cobaye due à la folie paternelle, mais comme un privilège, "et pas des moindres". A un point tel, qu'elle explique : "si un jour, j'ai la chance de pouvoir me construire une maison, les pentes en feront partie. Car elles me manquent." L'exposition rétrospective consacrée à son père par la Cité de l'architecture à Paris* est l'occasion de se pencher, sans jeu de mots, sur le parcours de cet architecte atypique qui a prôné certes l'oblique en architecture, ce qui explique sa présence dans sa propre maison à Neuillly, mais pas seulement.

 

Une personnalité atypique en investigation perpétuelle
Qui est Claude Parent, 87 ans aujourd'hui ? Longtemps marginalisé, les jeunes générations d'architectes reconnaissent désormais son influence. Son illustre élève, Jean Nouvel, signe d'ailleurs la scénographie de l'exposition, après lui avoir dédié son prochain projet, la Philharmonie de Paris, en filiation assumée. Dite rétrospective qui sonne comme une renaissance pour son travail. Méconnu, voire inconnu du grand public, marginalisé tant certains de ses travaux ont pu choquer à l'époque (église "bunker" de Sainte-Madeleine, obsession de l'oblique, etc.), on ne peut néanmoins ôter à Claude Parent son influence dans l'architecture moderne. "Mais qui est ce Parent qui dérange ?, résume Francis Rambert, directeur de l'Institut Français d'Architecture**. Urbaniste, à la marge (...) ; artiste, non, mais 'au service' des artistes complètement (...) ; en revanche utopiste, totalement ; polémiste, absolument ; éditorialiste périodiquement et activiste occasionnellement."

 

Volontiers provocateur, il n'en reste pas moins un infatigable chercheur, en investigation permanente, qui avance au gré de ses rencontres, tant avec les artistes que les personnalités de son temps. Il se fait notamment militant de la transversalité des arts, de l'intégration de l'art dans la ville et l'architecture, avec les membres du groupe Espace, cofondé avec André Bloc au début des années 50, pour lequel d'ailleurs il conçoit une maison devenue icône architecturale. Mais il ne s'arrête pas là, son œuvre est parsemée de ruptures et de rebondissements, du fait de sa quête perpétuelle d'un nouveau langage architectural. Ses oeuvres construites sont autant d'expérimentations et de manifestes, voire de provocations : maisons individuelles passant par exemple de vagues de béton pour la maison de Bordeaux -le-Pecq, à un cube basculé pour la Maison Drusch, violence visuelle de l'église Sainte Bernadette, précédemment évoquée. Il travaillera également sur les centrales nucléaires, "deviendra en quelque sorte le directeur artistique du programme 'Architecture du nucléaire' pour EDF" ou encore sur les centres commerciaux.

 

Un regard oblique sur la société
Pourquoi l'oblique ? L'architecte y voit de nombreux atouts : une rupture avec le conventionnel rapport horizontal/vertical, une manière d'appréhender les espaces de manière continue et donc de ne pas arrêter le regard... la fonction oblique permet une transformation sociale par une appréhension et donc une pratique différente de l'espace environnant. Elle permet également une relation inédite entre le corps et l'espace... "La fonction oblique, ça dynamise ! Vous n'êtes pas là comme une peluche avachie dans votre maison", explique Claude Parent à l'AFP, "elle s'occupe du corps des gens." Ses recherches sur la fonction oblique, et plus globalement sur l'espace et ses fonctions en tant que tels, sont des sources inépuisables de travaux.

 

Ce dont rend compte parfaitement l'exposition, c'est justement l'importance de l'apport de Claude Parent à la discipline architecturale, qui passe également par une somme incroyable de dessins et archives, de projets commencés, imaginés et jamais réalisés. L'homme en dessinant ses utopies l'a, en effet, d'autant plus fait avancer.

 

Chercheur sur l'espace, théoricien de la ville, notamment avec Paul Virilio, collaborateur de la revue Architecture d'aujourd'hui fondée par Bloc (il participe d'ailleurs à sa renaissance en 2009, reprise en main par Jean Nouvel), "grande gueule", critique, académicien... il a exprimé et continue toujours à le faire, une constante vision humaniste et sociale de l'architecture, posant son regard transverse, oblique sur notre société.

 

Architecte de la modernité au XXe siècle et... architecte penseur pour le XXIe siècle
Et, aujourd'hui, à la faveur des grands débats autour de l'architecture, l'éclairage de Claude Parent est suscité : "cette mise en lumière de l'œuvre de Claude Parent, explique le ministre de la culture Frédéric Mitterrand dans son introduction à l'exposition, s'inscrit aujourd'hui dans une véritable renaissance de l'architecture (...) art fondateur et fondamental [qui est] revenu, plus que jamais, au cœur du débat public et de l'action politique, nationale et internationale, en étroite relation avec l'exigence et l'ambition du développement durable." Et de conclure : "Dans cette sorte de révolution architecturale que nous contribuons à faire advenir ensemble, la pensée de Claude Parent joue un rôle essentiel (...) de génial acteur, oblique et transversal. Face à cette pensée du mouvement et du décentrement, nous n'avons pas tant à nous incliner avec révérence, qu'à répondre à son appel et à l'impérieuse nécessité d'en décliner tous les possibles, afin d'imaginer les contours de la métropole de demain, durable parce que profondément humaine."

 

Pour découvrir un aperçu des oeuvres construites et graphiques de Claude Parent, cliquez sur suivant (NB. les citations sont extraites du catalogue de l'exposition ou de la présentation de l'exposition à la Cité).

 

*Claude Parent, l'oeuvre construite, l'oeuvre graphique
Cité de l'architecture et du patrimoine
du 20 janvier au 2 mai 2010
Scénographie : Jean Nouvel
Commissariat de l'exposition : Frédéric Migayrou, directeur adjoint du Musée national d'Art moderne, Centre Georges Pompidou et Francis Rambert, directeur de l'Institut français d'architecture (Ifa).
Galerie haute des expositions temporaires
Palais de Chaillot
1 place du Trocadéro
75116 Paris

 

**Catalogue de l'exposition : Claude Parent, l'oeuvre construite, l'oeuvre graphique, éditions Hyx / Cité de l'architecture, janvier 2010, sous la direction de Frédéric Migayrou et Francis Rambert, 45€.

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