IMMOBILIER. La Banque de France a tenu à rassurer sur le "tour de vis" que les établissements bancaires sont invités à opérer au sujet des crédits immobiliers : bien que "deux règles de bon sens" doivent absolument être respectées, la flexibilité doit aussi être de mise pour continuer à financer les acquisitions immobilières.

C'était une mise au point attendue : ce 3 février 2020, la Banque de France, via son Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), a tenu à rassurer sur le "tour de vis" que les établissements bancaires sont invités à opérer au sujet des crédits immobiliers, dans un contexte où les taux d'intérêt n'ont jamais été aussi bas, résultante d'une politique monétaire très favorable au crédit menée par la Banque centrale européenne. Le 12 décembre 2019, le Haut conseil de stabilité financière (HCSF) a effectivement adopté un plan d'actions face à la "dégradation progressive mais continue" des conditions d'octroi de crédit, qui se sont traduites, depuis 2015, par une augmentation de plus de 5 points de la part des crédits présentant un taux d'effort supérieur à 33%, ainsi que par une hausse de deux ans de la maturité des nouveaux prêts, d'une moyenne de 20,5 ans en 2019.

 

 

Dans de telles conditions, le HCSF a donc recommandé aux banques de consentir aux emprunteurs un taux d'effort maximal de 33% de leur revenu net et une durée de crédit n'excédant pas 25 ans. Dans le cas où les établissements bancaires ne suivraient pas ces recommandations, l'institution se réserve toutefois la possibilité de leur demander davantage de capital face à ces nouveaux crédits non-conformes à ces bonnes pratiques. "L'accès au crédit immobilier sera maintenu, sans le moindre doute. Il y a un bon modèle français du financement immobilier, qui inclut des taux d'intérêt fixes et la prise en compte des revenus, et non de la valeur du bien acquis", assure la Banque de France. "C'est justement pour préserver notre modèle qu'il est très important de conserver une mensualité raisonnable, qui ne dérive pas au-delà de 33% des revenus perçus, et une durée de remboursement qui ne dépasse pas 25 ans." Et la banque centrale de l'Hexagone de prévenir qu'il ne faut pas attendre que des problèmes de remboursement apparaissent, ou qu'une crise financière se déclenche, pour réagir aux dérives de certains établissements.

 

Un écart de 15% supérieur aux règles sur les mensualités et la durée de remboursement sera toléré

 

 

"Il s'agit de protéger les ménages et non de les exclure du crédit immobilier", insiste la Banque de France. "Certains chiffres qui circulent du côté des banques n'ont aucun fondement. Ils ne tiennent pas compte de l'épargne que les ménages peuvent mobiliser facilement - dont leur assurance-vie -, ni des flexibilités prévues." Concrètement, l'institution autorisera les banques à produire des crédits immobiliers jusqu'à 15% au-delà des règles relatives à la mensualité et à la durée de remboursement - un chiffre déjà considéré comme "significatif". Dans ce niveau supérieur de 15%, il est demandé aux établissements que les trois quarts des crédits soient réservés aux primo-accédants et à l'ensemble des particuliers souhaitant acquérir leur résidence principale.

 

La Banque de France effectuera un contrôle de ses préconisations, en demandant aux autres banques un compte-rendu "dans les mois qui viennent" sur l'application de "ces deux règles de bon sens" et de "la flexibilité prévue". En cas de problème, l'institution se réserve le droit d'en discuter directement avec les établissements contrevenants et d'envisager éventuellement "une phase plus contraignante". Mais l'ACPR de persister : "Le crédit immobilier continuera de croître en France, sur des bases plus saines et plus durables". Avec l'enchaînement des records observés l'année dernière sur le marché immobilier tricolore, les autorités ont pour l'heure renvoyé à la responsabilité des banques, tandis que les acteurs du secteur mettent en garde sur la situation. Les courtiers ont été particulièrement virulents mais les banques, via la Fédération bancaire française (FBF), ont d'abord assuré qu'elles pratiquaient un crédit "responsable", avant cependant de préciser, via le fondateur de l'Observatoire des crédits aux ménages (organisation financée par la FBF et l'Association des sociétés financières), Michel Mouillart, que plus de 100.000 ménages seraient exclus de fait des crédits immobiliers. Malgré tout, si le Gouvernement n'exclut pas de prendre des mesures contraignants dans ce domaine d'ici la fin de l'année, il n'a pas non plus fermé complètement la porte à des crédits de plus de 25 ans.

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