INNOVER. En plein chamboulement du fait de la loi Elan et de mesures budgétaires à destination des bailleurs sociaux, le secteur du logement social cherche à se financer différemment pour être au rendez-vous de la construction, de la rénovation et de l'entretien de son parc.

S'il reste 15 jours au mouvement HLM pour négocier une baisse des prélèvements qui leur seraient imposés en 2020, il n'a pas attendu un éventuel feu vert du gouvernement pour se questionner sur le changement de son modèle économique, en quête de nouvelles sources de financement.

 

Le réseau Canopée illustre cette démarche d'anticipation, initiée en 2016, avant même l'élection d'Emmanuel Macron, le PLF 2018 et la loi Elan. Dotée du statut de groupement d'intérêt économique (GIE), Canopée scelle l'union de quatre bailleurs: Oise Habitat, OPAC Amiens, OPAL (Aisne) et Reims Habitat.

 

« Il s'agissait initialement d'une rencontre entre des organismes qui souhaitaient optimiser leur démarche en mutualisant un certain nombre d'aspects (…) la loi Elan a renforcé notre envie et besoin de travailler ensemble et introduit la question de la contrainte financière, puisque notre chiffre d'affaires annuel allait être progressivement réduit », contextualise Patrick Baudet, directeur général du bailleur rémois auprès de Batiactu.

 

Garder une visibilité malgré du coup par coup

 

En janvier dernier, la coalition de bailleurs a marqué son secteur pour avoir été la première à bénéficier d'un financement de 107 millions d'euros de la Banque européenne d'investissement. Un prêt sur cinq ans confortant un investissement global de 385 millions d'euros et qui permettra de réaliser 1.300 constructions neuves et 4.200 rénovations.

 

« Il faut continuer à être innovant et imaginatif. Pour l'instant, nous sommes dans une logique de 'one shot' mais cela nous donne déjà une visibilité sur les 3 prochaines années », estime Patrick Baudet. A la Fédération nationale des offices publics de l'habitat, Laurent Goyard opine en ce sens.

 

« La baisse des APL nous amène à conduire un processus de recherche de financements alternatifs, certains organismes ont déjà contractualisé des prêts à taux fixe avec des établissements bancaires, tandis que d'autres diversifient leur activité », admet le directeur-général de la Fédération des OPH, interrogé par Batiactu.

 

Parmi d'autres pistes de réflexion, « l'émission de titres participatifs », la « diversification de l'activité comme la mise en place de services aux locataires », ou « les recherches de financements auprès de la BEI », Laurent Goyard cite des mesures existantes comme « l'allongement de la dette et le taux du livret A maintenu à 0,75% qui sont une vraie bouffée d'oxygène ».

 

Période d'observation

 

Depuis le Luxembourg où siège la Banque européenne d'investissement, le secteur français du logement fait office de nouveau venu auprès de l'institution, comme l'explique Paula Juaristi, « loan officer » (chargée d'affaires) spécialisée dans l'habitat.

 

« Nous étions un peu moins présents il y a quelques années, puisque le secteur était plutôt bien servi, peut-être que les choses ont changé », admet cette dernière, affirmant que les différentes mesures qui s'adressent aux bailleurs sociaux français « ont accéléré » les prises de contact.

 

A ce titre, la loi Elan marque « une période d'observation » du côté des banquiers européens. « Le secteur est en pleine réforme, certaines solutions (ndlr-compensatoires) ont été proposées et nous voulons voir si elles fonctionnent, et comment nous pourrions venir en complément afin de combler les parties du secteur qui ne seraient pas bien servies », explicite Paula Juaristi.

 

« Nous n'avons toujours pas trouvé la martingale pour produire une offre abordable »

 

L'Europe viendrait-elle au secours du logement social français, malmené par les lois de finance successives ? Oui et non. L'institution européenne n'a pas vocation à prendre à bout de bras la problématique de baisse d'investissements des organismes de logement social. Elle apporte plutôt un complément de financement, « qui doit être entre 60 et 75 millions d'euros » et ne doit excéder la moitié du montant global d'une opération, rappelle la chargée d'affaires de la BEI.

 

La banque européenne est donc loin de se substituer aux actions de la Caisse des dépôts, qui reste « le principal partenaire » des bailleurs sociaux, comme le confirme Patrick Baudet, qui cherche néanmoins à « optimiser les finances » du secteur, « les yeux et les oreilles grands ouverts » sur le secteur privé notamment.

 

Car, face à des compensations qui résident principalement dans « des aides à l'investissement par des prêts bonifiés », le secteur du logement social n'a « toujours pas trouvé la martingale pour produire une offre abordable », regrette Laurent Goyard.

 

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