CONJONCTURE. Plus d'un tiers des artisans de la région Auvergne-Rhône-Alpes disent rencontrer des difficultés dans leur activité quotidienne, quand la moitié des entreprises locales disent que leurs marges sont en baisse. Dans ce contexte, les profits réalisés par les grands groupes passent de plus en plus mal auprès des artisans obligés de se serrer la ceinture.

La situation ne s'améliore décidément pas pour l'artisanat du bâtiment, notamment celui de la région Auvergne-Rhône-Alpes (Aura). Fin avril, une enquête diligentée par la Capeb (Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment) de la deuxième région française sur le plan économique avait déjà fait remonter de fortes inquiétudes - 31% des adhérents sondés redoutaient alors de ne pouvoir faire face plus d'un an dans le contexte actuel. L'antenne locale de la confédération avait alors mis en avant une dizaine de mesures censées apporter une bouffée d'oxygène aux entreprises de la construction.

 

 

Moins d'un mois après, les difficultés héritées de la crise du Covid, de la reprise laborieuse qui s'en est suivie et de la guerre en Ukraine sont toujours bien palpables. L'enquête de conjoncture de la Capeb Aura portant sur le 1er trimestre fait état d'indicateurs tous à la baisse, et parle d'un "marché en souffrance". Plus d'un tiers (39%) des artisans de la région disent rencontrer des difficultés dans leur activité quotidienne, ce qui représente un bond de 13 points par rapport au 4e trimestre 2021, et de 19 points en comparaison au 1er trimestre 2021.

 

Les couvreurs-zingueurs, carreleurs et agenceurs-cuisinistes sont les plus impactés, quand les départements les plus touchés sont la Loire, le Rhône et la Savoie. A contrario, l'activité est dynamique pour les charpentiers, menuisiers, plâtriers-peintres et professionnels spécialisés dans les énergies renouvelables, particulièrement dans l'Allier et le Cantal.

 

Érosion des marges

 

"Les chefs d'entreprises sont inquiets face à la flambée des prix qui ne cesse pas. Beaucoup constatent amèrement que les grands groupes affichent des profits particulièrement importants quand, eux, sont obligés de rogner sur leurs marges pour ne pas réviser leurs devis", alerte Dominique Guiseppin, artisan peintre en Savoie et président de la Capeb Aura.

 

Seul point positif, qui vient contrebalancer la situation générale : en dépit des difficultés d'approvisionnement qui viennent retarder les chantiers, la visibilité sur les carnets de commandes progresse. Quasiment un professionnel sur deux affirme avoir une visibilité de plus de trois mois sur leur activité, soit une hausse de 4 points par rapport à la fin 2021. Ils sont cependant 34% à avoir une visibilité comprise entre 1 à 3 mois, et 17% une visibilité carrément "nulle".

 

La rentabilité, à l'inverse, continue à se rétracter : 29% des entreprises artisanales doivent composer avec une trésorerie faible, du moins insuffisante, ce qui représente une augmentation de 3 points. Les marges reculent pour 49% des sondés, signe d'une véritable explosion (+19 points) de cet indicateur en comparaison au 4e trimestre 2021. L'érosion des marges s'élève jusqu'à 20% pour un tiers des professionnels. "Cette situation peut s'expliquer par la hausse des prix des matériaux et du carburant que les entreprises ne peuvent pas répercuter sur les factures", analyse la Capeb.

 

Pas de licenciements

 

L'emploi résiste tant bien que mal, puisque 43% des chefs d'entreprises envisagent de recruter malgré les tensions ; 71% d'entre eux miseraient a fortiori sur des embauches en contrats à durée indéterminée (CDI), 34% en contrats à durée déterminée (CDD) et 10% en intérim. Pour pallier la difficulté à recruter des personnels qualifiés, 29% des artisans prévoient de former un apprenti au cours du 2e trimestre 2022, soit une envolée de 22 points. Bonne nouvelle malgré tout, 91% des sondés n'envisagent pas de licencier de salariés en dépit du contexte actuel.

 

Autre indicateur à noter : 13% des professionnels interrogés disent être confrontés à des situations de travail dissimulé, une relative stabilité qui ne doit pas pour autant occulter cette concurrence déloyale. "La provenance de la concurrence reste principalement perçue comme locale pour 73% des entreprises", peut-on lire dans le baromètre de la Capeb. Ce ressenti s'observe de manière modérée chez 37% des artisans, légère chez 42% et forte chez 15%.

 

Tout cela pèse inexorablement sur le chiffre d'affaires des entreprises de la filière, qui augmente pour seulement 8% d'entre elles (-4 points par rapport à la fin 2021), se stabilise pour 76% (-3 points) et baisse pour 16% (+7 points).

 

 

Solidarité

 

Bien qu'il n'y ait pas vraiment de leviers d'action sur la forte inflation qui concerne aussi bien les particuliers que les professionnels, en France comme ailleurs dans le monde, la Capeb rappelle avoir demandé à ses partenaires industriels et distributeurs "d'afficher leur solidarité avec les entreprises artisanales du bâtiment en signant une déclaration commune qui engagent leurs représentants à participer activement au comité de crise du BTP mis en place par le Gouvernement et à changer leur façon de faire dans la période actuelle". Déclaration dont Batiactu s'était d'ailleurs fait l'écho.

 

Pour rappel, l'artisanat du bâtiment en région Aura représente 80.000 entreprises employant 100.000 salariés et générant un chiffre d'affaires de 10,5 milliards d'euros.

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