ARTISANAT. Réunis en congrès à Paris ce 22 avril, les représentants de l'artisanat du bâtiment ont réaffirmé leur rôle dans l'économie nationale. En amont de l'évènement, son président Jean-Christophe Repon est revenu auprès de Batiactu sur les problématiques des professionnels du secteur, à commencer par les hausses de prix.

Ne pas oublier le poids des entreprises artisanales dans l'économie française : tel a été le message martelé par les représentants de la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb, une branche de l'Union des entreprises de proximité) réunis en congrès à Paris ce 22 avril. Intitulé "Résister aux crises et profiter des opportunités", l'évènement s'est focalisé sur la résilience - terme devenu incontournable depuis la pandémie de Covid - des artisans, ainsi que sur le développement durable porté par la filière du bâtiment. La résilience, les professionnels du secteur estiment en avoir effectivement fait preuve depuis deux ans que la crise sanitaire a commencé. Mais les interrogations ont aussi porté sur le cap à prendre pour les prochaines années.

 

 

"Je pense qu'il y a des choix, des directions à donner à nos entreprises dans le contexte que l'on connaît depuis deux ans. Nous devons nous réinventer et faire vivre les demandes de la société, reprendre une nouvelle forme, et cela se traduira notamment par notre plan de transformation", a déclaré à cette occasion le président de la confédération, Jean-Christophe Repon, en référence à la motion adoptée en assemblée générale au préalable.

 

Faire profiter "un maximum d'artisans" du marché de la rénovation énergétique

 

Parmi ces attentes citoyennes, se trouve bien sûr l'épineuse question de la transition énergétique et de son pendant pour l'habitat, la rénovation thermique des logements. Sur ce point, Jean-Christophe Repon dit "partager l'optimisme de France Rénov' et son concept de guichet unique". Il se dit cependant "moins optimiste sur le nombre d'entreprises RGE (Reconnu garant de l'environnement) en capacité de réaliser les chantiers de rénovation énergétique".

 

"Il faut que ce marché profite à un maximum d'artisans à partir du moment où les compétences sont là", a-t-il poursuivi. "Il y a encore des marges de progrès dans la simplification administrative : on pourrait par exemple imposer au moins une compétence RGE pour les entreprises souhaitant accéder au marché de la rénovation énergétique."

 

"Une question d'organisation"

 

Intervenant durant le congrès, le directeur général du groupe Saint-Gobain, Benoît Bazin, s'est déclaré quant à lui "très conscient" des difficultés rencontrées par les artisans et TPE (très petites entreprises) du bâtiment dans le contexte actuel de hausse des prix. Le responsable assure "tout mettre en œuvre" pour les aider à traverser cette période, en proposant diverses solutions : des investissements pour constituer des stocks plus importants, un crédit client gratuit dédié aux artisans avec un "pilotage fin", des devis valables un mois, des augmentations de prix réalisées seulement une fois par mois (le premier du mois), davantage de prévenance sur l'évolution des prix…

 

"Il faut un dialogue pour trouver ensemble des solutions. Car il est évident que si demain nos ventes s'effondrent, les ventes de Saint-Gobain s'effondreront aussi", a réagi dans la foulée Jean-Christophe Repon. Et d'ajouter : "La massification ne se fera qu'avec du pointillisme, elle ne se fera pas en laissant des grands groupes appuyer simplement sur un bouton. C'est une question d'organisation du marché."

 

Solidarité et responsabilité

 

Également présent au congrès, Rémi Babut, chef de projet au groupe de réflexion The Shift Project, a abondé en ce sens : "Les grands groupes peuvent se tailler une part du gâteau sur ce marché mais ils n'arriveront jamais à égaler la structure diffuse et présente partout sur le territoire des artisans. Il faut par contre qu'ils changent leur méthode de travail : passer à des rénovations globales, revoir les dispositifs d'aide pour ne plus subventionner que de simples gestes, régler la question des ponts thermiques…" Selon lui, "une co-existence" reste tout à fait possible entre grands groupes et artisans.

 

En attendant, l'artisanat du bâtiment doit continuer à faire face aux difficultés d'approvisionnement - voire aux pénuries de matériaux - et aux hausses de prix qui vont avec. En amont du congrès, le président de la Capeb est revenu pour Batiactu sur la déclaration commune de la confédération et de huit industriels et distributeurs, s'engageant à adopter "des mesures de solidarité" : "On subit depuis plus de deux ans une inflation qui s'est encore accélérée en 2022. Nous rencontrons vraiment de grosses difficultés et l'ensemble de notre réseau a exprimé de la méfiance, de la défiance, et signalé des pratiques irrespectueuses sur l'ensemble du territoire."

 

 

Une situation qui a conduit la Capeb à solliciter ses partenaires sur une "solidarité économique" à mettre en place dans la filière. "Huit partenaires ont validé cet accompagnement qui s'engage sur le respect des prix et sur une réflexion sur les délais", poursuit Jean-Christophe Repon. "C'est une initiative de la Capeb à laquelle il faut adjoindre celle de Point P, qui s'engage avec son réseau de distribution envers les entreprises artisanales." La preuve, pour l'artisan électricien basé dans le Var, que le bâtiment "est en capacité d'être solidaire et responsable".

 

40% des artisans n'auraient toujours pas répercuté la hausse des prix

 

Ceci dit, un paradoxe demeure : alors que de nombreuses contraintes pèsent sur leur activité, les carnets de commandes des professionnels sont pourtant remplis. "Nous sommes en effet face à un paradoxe", reconnaît le patron de la Capeb. "Nos indicateurs économiques relatifs à l'activité, à l'emploi, aux carnets de commandes sont toujours plutôt favorables, mais en parallèle le stress lié aux difficultés d'approvisionnement, aux reports de chantiers ou aux problèmes de recrutement font que nos artisans sont épuisés, en burn-out." Un constat "complexe" à expliquer, mais qui n'annule pas la crainte d'une baisse d'activité "assez raide".

 

"Nous risquons de bientôt atteindre le point de rupture de la capacité des ménages à engranger des commandes si l'on augmente de 10%, 20%, 30% ou 40% nos devis", prévient Jean-Christophe Repon. Selon lui, 40% des artisans n'auraient toujours pas répercuté la hausse des prix sur leurs devis et factures, "mais cette situation ne peut pas durer dans le temps si l'on veut maintenir l'activité et les emplois". Ce "delta" qu'il leur faudra sans doute bientôt franchir pourrait même les empêcher de décrocher de futurs marchés.

 

Penser aux TPE

 

C'est donc dans une conjoncture pour le moins morose que l'artisanat a voulu faire passer un message lors de son congrès, qui s'est tenu 48 heures avant le second tour de l'élection présidentielle. Ses représentants tiennent à présenter la filière comme "une force d'innovation incontournable pour l'avenir, qui témoigne d'une réalité économique prégnante sur l'emploi et l'activité".

 

Jean-Christophe Repon l'assure : "On a prouvé avec la crise Covid que nous étions agiles et résilients, capables de créer de l'activité et de faire vivre des compétences comme en témoigne le boom de l'apprentissage. Dans le contexte électoral de la présidentielle et des législatives, nous demandons donc que notre secteur soit totalement valorisé et que les futures politiques économiques prennent en compte nos 500.000 entreprises artisanales." Le message est transmis, reste maintenant à voir si le futur gouvernement en tiendra compte.

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