CONJONCTURE. À quelques jours du mois de septembre, les entreprises artisanales affichent une certaine forme tout en étant plutôt confiantes, d'après le réseau des Chambres de métiers et de l'artisanat. L'optimisme et la résilience ne doivent cependant pas occulter les enjeux qui continuent à se poser, comme la transition numérique et la formation professionnelle.

"L'artisanat va bien. Nous sommes sur une autre situation que l'an dernier à la même période." Pour le président du réseau des Chambres de métiers et de l'artisanat (CMA), Joël Fourny, la rentrée 2021 est placée sous le signe de la résistance et de la résilience, à rebours de ce que les entreprises artisanales ont pu connaître un an plus tôt, alors que le deuxième confinement n'avait même pas encore eu lieu. "Les artisans ont une activité dense, elles ont été extrêmement résilientes et ont su s'adapter. Ce qui nous a aussi permis de réaffirmer le rôle de l'économie de proximité."

 

 

Chiffres d'une étude récente à l'appui, CMA France précise ainsi que 77% des entreprises artisanales estiment que leur activité va se stabiliser voire s'améliorer au cours des six prochains mois. Les entreprises du bâtiment, qui représentent d'ailleurs 39% du panel de répondants à cette enquête, sont toutefois un peu moins optimistes que leurs confrères de l'alimentation ou des services : elles ne sont que 13,7% à penser que leur activité va s'améliorer, contre 63,2% qui considèrent qu'elle va se stabiliser et 23,1% qu'elle va se dégrader. Tous secteurs confondus, la bonne poursuite de l'activité reste la première priorité (65,8%), loin devant les autres axes de développement (14,5%).

 

Fin du "quoi qu'il en coûte", place au "sur-mesure"

 

La batterie d'aides déployée par Bercy n'est pas étrangère à cet entrain : "Le Gouvernement a mis en place des mesures très importantes qui ont permis d'accompagner les entreprises, mais à voir comment cela va évoluer dans le temps", nuance Joël Fourny. Des propos prudents au lendemain du discours du ministre de l'Économie Bruno Le Maire devant le Medef, qui a clairement mis en garde sur une nécessaire adaptation du soutien public au vu de l'évolution de la crise sanitaire. "Le quoi qu'il en coûte, nous en sommes déjà sortis. Nous sommes passés au sur-mesure, nous continuerons à soutenir ceux qui en ont besoin", a déclaré le locataire de Bercy devant les patrons français. Le BTP ne faisant plus partie depuis longtemps des secteurs considérés comme en difficulté, il ne fait aucun doute que le secteur ne pourra plus bénéficier d'aucune aide en la matière.

 

Voulant "que l'économie soit libre, qu'elle crée de l'emploi, de la richesse, sans le soutien de l'État", Bruno Le Maire a alerté sur le fait que "la pandémie n'est pas finie" et que "nous sommes partis pour une guerre de longue durée". Pour le ministre, les entreprises doivent se préparer à un "combat", non pas "de quelques mois" mais "de quelques années", ajoutant : "La crise est là pour longtemps donc nous devons rester lucides".

 

La trésorerie des entreprises surveillée de près

 

Une lucidité dont les artisans semblent faire preuve, notamment pour saisir de nouvelles opportunités commerciales. Mais si elle s'équilibre favorablement, l'activité demeure effectivement dans une position fragile : toujours selon les données des chambres consulaires, environ 110.000 immatriculations d'entreprises ont été recensées au 1er semestre 2021, contre à peu près 90.000 radiations. Ces dernières sont pourtant en baisse de 5 à 10% depuis un an.

 

Pour le président de CMA France, "le monde reste fragile avec des difficultés et des risques qui demeurent, comme la pénurie de main-d'oeuvre", ce qui implique de "travailler sur le recrutement" et, par ricochet, sur la formation professionnelle. Les professionnels appellent aussi à la "vigilance" sur les coûts et les problèmes d'approvisionnement en matériaux que le secteur de la construction ne connaît que trop bien, obligé de décaler voire d'annuler certains chantiers. L'exécutif s'était saisi du dossier au début de l'été, annonçant "trois mesures immédiates" sur les matières premières.

 

La trésorerie des entreprises sera elle aussi surveillée de près, avec un niveau d'endettement qui s'est globalement alourdi à cause du recours aux Prêts garantis par l'État (PGE) et d'une mobilisation plus importante des fonds propres. Cette période de rentrée pourrait donc se traduire par une certaine fragilisation de la santé financière des entreprises, le Médiateur des entreprises Pierre Pelouzet venant en outre d'indiquer qu'un allongement des délais de paiement était à craindre pour septembre à cause de factures bloquées en août. Sans compter qu'après 18 mois de crise Covid, les entreprises sont également attendues sur la transition écologique et la transformation numérique. Si l'heure est donc bien à la reprise, les sujets de vigilance - voire d'inquiétude - ne vont pas manquer.

 

Opter pour une dégressivité des aides à l'embauche des jeunes

 

D'autres sont néanmoins bien plus encourageants, à l'image de la formation professionnelle. Un quart des adhérents au réseau CMA souhaitent recruter un apprenti, "une tendance majeure qui confirme un repositionnement positif" s'est félicité Joël Fourny. Car la formation, qu'elle soit d'ailleurs initiale ou continue, est présentée comme le "nerf de la guerre" pour être en mesure de répondre directement aux besoins des entreprises. Mais pas d'inquiétudes donc pour cette rentrée 2021 si l'on en croit le président des chambres consulaires : "Je reste extrêmement confiant. Nous constatons par exemple entre 10 à 15% d'apprentis supplémentaires pour la région des Pays de la Loire, avec de fortes hausses pour certains établissements comme dans le département de la Sarthe."

 

 

L'excellente dynamique de l'apprentissage s'explique sans grande surprise par les aides mises en place par le Gouvernement depuis l'été dernier pour inciter les entreprises à continuer à embaucher des jeunes jusqu'à 30 ans, afin de ne pas pénaliser davantage une population déjà très impactée par la crise sanitaire. Si la relance économique est au rendez-vous, pas question pour autant pour les professionnels de donner un coup d'arrêt brutal à ces dispositifs, l'idée étant plutôt d'envisager une dégressivité de ceux-ci. Idem pour les mesures de soutien plus globales, que CMA France appelle à "territorialiser" et à adapter au cas par cas.

 

Les intentions de cessions d'entreprises en recul

 

Toujours confronté à une forte pression sur ces métiers et dans l'attente du plan en faveur des indépendants voulu par Emmanuel Macron, le bâtiment est malgré tout relativement épargné par le phénomène de cessions d'entreprises. Le pourcentage d'intentions de cessions, qui globalement se stabilise autour de 11%, tombe à 8,6% dans la construction, un chiffre en recul de 16,3% entre mai et août 2021. Les chambres consulaires ont donc noté "un vrai renoncement des intentions de cessions dans le bâtiment", avec plus de 91% des entrepreneurs du secteur qui ne comptent pas transmettre leur activité.

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