JUSTICE. Quatre ans après l'accident sur un chantier de réhabilitation qui a coûté la vie à deux hommes, les dirigeants de l'entreprise qui les avaient embauchés illégalement ont été condamné à de la prison ferme.

Le 8 juin 2019, sur le chantier de réhabilitation de la cité La Source, à Epinay-sur-Seine, deux hommes, Kamel Benstaali, 34 ans, et Omar Azzouz, 29 ans, trouvent la mort. Alors qu'ils travaillaient au niveau du 18e étage d'un bâtiment, la nacelle sur laquelle ils se tenaient se détache. Les victimes sont des travailleurs sans-papier, et n'étaient pas formées pour réaliser des travaux en hauteur.

 

Fin janvier 2023, lors du procès de cette affaire comparaissaient 7 hommes, dont l'un en fuite, et trois entreprises de BTP. Y a été évoqué un rapport d'expertise, pointant le "défaut d'ancrage" de la plateforme. La nacelle n'avait pas été montée "dans les règles de l'art" et l'expert qui devait vérifier la conformité de l'installation "a reconnu ne pas avoir réalisé l'essai statique", considérant que "ce contrôle n'avait pas de grande utilité", expliquait son avocate.

 

Homicide volontaire et travail dissimulé

 

Le 4 avril 2023, le verdict est tombé. Au total, les personnes condamnées et leurs sociétés verseront solidairement 50.000 euros à chacune des familles des victimes, en réparation du préjudice moral.

 

Surtout, le gérant de la société sous-traitante SRI, qui avait embauché les deux victimes peu de temps avant le drame, est condamné à un an de prison ferme. En fuite en Egypte, son pays d'origine, il fait l'objet d'un mandat d'arrêt. Son bras droit écope de trois ans de prison dont six mois ferme, et ne pourra pas gérer d'entreprise pendant dix ans. Les deux hommes ont été jugés partiellement coupables d'homicide volontaire et de travail dissimulé.

 

 

Difficulté à définir les responsabilités

 

Ils ne sont pas les seuls à avoir été condamnés. Le responsable des vérifications des installations écope de deux ans de prison dont six mois ferme. Le gérant de la société Technimat, qui a installé l'échafaudage, est de son côté condamné à 18 mois de prison avec sursis, son entreprise à 30.000 euros d'amende. Le responsable d'un autre sous-traitant, ISO Systèmes, écope d'un an de prison avec sursis, sa société à 45.000 euros d'amende.

 

L'avocat des familles de deux victimes, Me Jean-Philippe Feldman, a estimé les décisions "équilibrées par rapport aux réquisitions du procureur". L'épilogue d'un procès qui a mis en exergue les mauvaises conditions de travail des employés d'entreprises du BTP sous-traitantes, la multitude de sociétés impliquées et la difficulté à définir les responsabilités, des peines allant jusqu'à huit moi la complexité de définir les responsabilités en bout de chaîne. Pour rappel, une proposition de loi a été déposée au Parlement pour "mettre fin à la sous-traitance en cascade" et à ses conséquences parfois dramatiques.

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