JUSTICE. Le délibéré du jugement, dans l'affaire de la mort de deux ouvriers sans-papiers sur un chantier d'Île-de-France, sera connu le 4 avril 2023.

Ils sont au nombre de dix. Les prévenus qui comparaissaient le 30 janvier 2023 devant le tribunal correctionnel de Bobigny dans l'affaire du décès de deux ouvriers sans-papiers sur un chantier en Seine-Saint-Denis en 2019, connaîtront le 4 avril 2023 le sort qui leur sera réservé par le juge, nous apprend une dépêche de l'Agence France presse (AFP). Si une grande majorité de leurs avocats ont plaidé la relaxe, les prévenus encourent jusqu'à cinq ans d'emprisonnement et 75.000 euros d'amende. Pour les sociétés poursuivies en tant que personnes morales, une amende de 150.000 euros d'amende a été demandée, ainsi que la diffusion de la décision sur leur site internet pendant trente jours.

 

L'affaire concerne la mort de deux hommes, âgés de 29 et 34 ans, qui travaillaient à la réhabilitation de la cité La Source à Épinay-sur-Seine. L'opération concernait le chantier de 478 logements dont le bailleur est Plaine Commune Habitat. Les deux sans-papiers, qui avaient été recrutés peu de temps avant le drame, œuvraient à la rénovation thermique par l'extérieur de l'ouvrage. Ils ont perdu la vie le 8 juin 2019 lorsque la nacelle sur laquelle ils se trouvaient s'est détachée. Ils se trouvaient au dix-huitième étage, et aucun des deux n'était formé pour mener des travaux en hauteur.

 

Le reflet des accidents du travail ?

 

Les prévenus, sept hommes âgés de 37 à 61 ans et trois entreprises du BTP, sont jugés pour homicide involontaire et travail dissimulé. "Ce dossier est l'illustration des accidents du travail. Le travail dissimulé fait le lit de ce type d'accidents", a déclaré la procureure de Bobigny Alix Bukulin, qui pointe dans cette affaire une "cascade de contrats, de déresponsabilisés".

 

 

Elle a demandé une peine de deux ans avec sursis et 5.000 euros d'amende à l'encontre du gérant de la société SRI - qui a depuis fui en Egypte - et son chef de chantier qui avaient recruté les deux victimes. Celles-ci "n'étaient pas déclarés le jour des faits mais deux jours après leur mort", a-t-elle ajouté. L'entreprise qui avait décroché le marché de réhabilitation d'une partie de la cité pour sept millions d'euros et les deux entreprises sous-traitantes ont rejeté la faute sur la société SRI "agrée pour travailler dans un chantier", a affirmé un avocat de la défense.

 

Un "défaut d'ancrage" de la plateforme

 

"Un défaut d'ancrage" de la plateforme a été pointé du doigt par un rapport d'expertise. Le montage de la nacelle "n'a pas été fait dans les règles de l'art", a précisé la procureure. "Il a reconnu ne pas avoir réalisé l'essai statique" de la nacelle, a répondu l'avocate de l'expert qui devait vérifier la conformité de l'installation de l'équipement, mais "il savait que ce contrôle n'avait pas de grande utilité". "Un essai statique effectué à deux mètres n'aurait pas permis d'identifier des malfaçons au 18e étage", affirme-t-elle. Une peine de dix-huit mois de prison avec sursis dont huit mois ferme a été requise contre cet expert.

 

"C'est le concours Lépine de la plus mauvaise entreprise de travaux publics", a ironisé, de son côté, l'avocat des deux familles des victimes, Me Jean-Philippe Feldman, lors de sa plaidoirie. "La plateforme a été montée n'importe comment par des personnes incompétentes", dans un cadre où "chacun se renvoie la responsabilité", a-t-il continué. Selon lui, les prévenus "se fichaient comme de leurs premiers travaux publics de la mort" des deux ouvriers.

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