POINT DE VUE. Les initiatives pour faire revenir le végétal dans la ville se multiplient. Est-ce une tendance trop ambitieuse ou un véritable défi ? Quelles sont les conditions nécessaires à sa réussite ? C'est sur ces questions que se sont penchés Laure Planchais, Xavier Laureau et Loïc Hervé.

Après avoir bétonné les villes, depuis quelques années la tendance est au retour de la nature en zone urbaine. Ferme urbaine, jardin potager, toiture ou façade végétalisées, la végétalisation des villes prend des formes différentes. Ce retour du vert relève-t-il du challenge ou est-ce purement et simplement d'une utopie ? Pour y répondre, la Cité de l'architecture et du patrimoine a convié, mardi 6 décembre 2016, des acteurs concernés par le sujet : Xavier Laureau, agriculteur et responsable des Fermes de Gally, Laure Planchais, paysagiste DPLG, Grand prix national du paysage et Loïc Hervé, directeur du Patrimoine immobilier Gecina.

 

En introduction, Xavier Laureau, agriculteur et auteur du livre "Les 101 mots de l'agriculture urbaine", a dressé un état des lieux des différentes solutions mises en place à travers le monde pour cultiver en ville et alimenter les zones urbaines. "Alimenter les villes est un défi", lance-t-il. Le coût d'investissement peut atteindre jusqu'à 2.000 euros du m², il faut donc trouver le bon équilibre", explique-t-il. Le paysage comestible est à développer, selon lui.

 

Question de sémantique

 

Laure Planchais, paysagiste, se dit "choquée par la déviance du vocabulaire" qu'il y a autour de ce thème. Elle tient à expliquer qu'il y a une conjonction de trois phénomènes : une demande de jardinage, une demande d'agriculture "affective" et une demande de Nature, liste-t-elle. La demande de jardinage relève plus du gadget. Cela comprend par exemple l'implantation de végétaux dans des espaces délaissés. La demande d'agriculture "affective" est le désir et le goût d'avoir des producteurs de proximité.

 

Quant à la demande de nature, elle conduit parfois à des réalisations aux procédés high-tech fragiles. Elle cite notamment en exemple le Musée du Quai Branly dont l'entretien est complexe. La paysagiste présente alors d'autres réalisations de façades végétalisées qui n'ont pas tenues dans le temps. Elle se dit par ailleurs septique face à ces projets de végétalisation des surfaces et tient à mettre en avant les vertus de l'utilisation de vignes sur les façades : "rien de tel" dit-elle ajoutant "rien ne vaut la rusticité".

 

Créer de l'interaction autour des espaces végétalisés

 

De son côté, Loïc Hervé, directeur du Patrimoine immobilier de Gecina rappelle l'engagement de la foncière à produire des immeubles pour y "vivre en harmonie". Les différents programmes réalisés par son entreprise, avec des jardins partagés, des espaces verts, entendent apporter "du lien social, du bien-être". "Il n'est nulle question de créer des espaces verts qui permettent de faire de l'agriculture en autosuffisance", tient-il à préciser. "L'idée est davantage de créer de l'interaction autour de ces espaces végétalisés", explique-t-il.

 

Besoin de pérenniser les procédés par de la maintenance

 

Concernant le problème de conception et de maintenance des espaces verts sur les bâtiments évoqué par Laure Planchais, il précise qu'il faut penser à des réalisations "plus simples et moins verticales". Par ailleurs, il estime que "s'il n'y a pas d'animation et de responsable de site, ça ne marche pas". Il faut un accompagnement pour gérer de tels sites, préconise-t-il.

 

Un argument que soutient Xavier Laureau, des Fermes de Gally : "Il faudrait des obligations de contrat afin d'assurer la maintenance sur le long terme". "Entretenir ces sites végétalisés est une question de patrimoine importante", souligne-t-il rappelant que les biens proches d'un espace vert valent près de 10% de plus qu'un autre. "Il faut donc penser le vivant comme faisant partie intégrante de son infrastructure", ajoute Xavier Laureau.

 

Revoir les DTU

 

Pour Loïc Hervé,"il y a une volonté de s'ouvrir vers quelque chose qui a plus de sens", la végétalisation va "donner l'envie de vivre en ville, de retrouver de la chaleur même dans des lieux de bureaux". Il estime enfin qu'il est essentiel d'avoir "des lieux où les gens peuvent retrouver du lien".

 

D'un point de vue architectural, Laure Planchais suggère que la création de balcons soit privilégiée mais sans oublier d'y installer un robinet extérieur permettant d'entretenir les plantations. Cela nécessite donc de revoir les règles de copropriétés, ajoute-t-elle rappelant que beaucoup de copropriétés interdisent encore les cultures. Des règles qu'il faudrait simplement revoir. "Il y des choses simples à mettre en place pour favoriser la végétalisation urbaine", conclut-elle.

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