RÉACTION. "L'artisanat n'est pas à vendre." C'est l'un des messages que souhaitent faire passer les artisans du bâtiment, au moment où le gouvernement soutient dans le projet de loi Climat et résilience la création du nouveau rôle d'accompagnateur rénov. Explications.

Les architectes ont fait savoir leur réprobation par rapport à la création d'un accompagnateur rénov dans le cadre du projet de loi Climat et résilience - suivant l'une des propositions du rapport Sichel. C'est à présent au tour des artisans du bâtiment de faire connaître leur indignation, via un communiqué de presse de la confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb) diffusé ce 20 avril 2021. "L'artisanat n'est pas à vendre et refuse d'être organisé par d'autres", peut-on notamment y lire.

 

 

"Les artisans ne doivent pas être réduits à des poseurs ou des sous-traitants", J-Ch. Repon, président de la Capeb

 

Le président de la Capeb, Jean-Christophe Repon, se refuse à voir les artisans du bâtiment transformés en "sous-traitants ou en simples poseurs". Contacté par Batiactu, il assure "comprendre la colère des architectes", et considère que "la capacité de conseil des artisans auprès de leurs clients est mise à mal". "Les pouvoirs publics considèrent que nous ne sommes pas en mesure de faire décoller le marché, et qu'il faudrait ainsi l'organiser, l'étatiser, en ajoutant cette strate d'accompagnateurs rénov. La vérité, c'est que le marché n'est pas prêt", assure Jean-Christophe Repon. "Ce qui bloque, ce ne sont pas les compétences des artisans, c'est plutôt que ce type de travaux de rénovation globale sont très coûteux, et se font par définition en site occupé." Le patron des artisans du bâtiment assure par ailleurs que la Capeb a formulé, ces dernières années, de nombreuses propositions, dont les pouvoirs publics n'ont visiblement pas tenu compte, comme la facilitation de montage des groupements d'entreprises, ou la création d'un passeport rénovation. "Par ailleurs, je rappelle que la mission première du rapport Sichel était de trouver des solutions en matière de tiers-financement : à ce titre, les propositions finales de ce travail me semblent hors-sujet."

 

Pour rappel, l'accompagnateur rénov serait un acteur agréé par l'État, accompagnant à partir d'un certain montant d'aides publiques versé un ménage tout au long de son projet de rénovation (diagnostic, montage du plan de financement, sélection des devis, suivi de chantier, réception...). La Capeb accueille favorablement la création de ce nouveau poste d'expertise, mais surtout pour guider les ménages dans le maquis des aides. Mais l'organisation s'oppose fermement (voir encadré ci-dessous) à ce que les missions de l'accompagnateur rénov viennent empiéter sur le métier de l'artisan du bâtiment.

 

Privilégier les rénovations globales ? "Irréaliste"

 

Au-delà de la question de l'accompagnateur rénov, la Capeb estime "irréaliste" le fait de ne privilégier que les rénovations globales, alors qu'il faudrait en son avis dynamiser les gestes simples comme les offres globales. L'organisation professionnelle estime aussi que ces propositions ne tiennent pas assez compte de la réalité économique, et que le travail d'Olivier Sichel a été effectué dans l'ignorance du "comportement des ménages et de leurs contraintes, en cherchant simplement à organiser et uniformiser l'offre", selon les propos rapportés du président de la Capeb, Jean-Christophe Repon. Sur le terrain, les situations seraient dissemblables et complexes, et n'appelleraient pas à une telle uniformisation. "L'immense majorité des rénovations actuelles se font de façon étalée dans le temps du fait de difficultés techniques liées essentiellement aux interventions en site occupé, du coût important que représente une rénovation globale et de la priorisation des particuliers sur les travaux à effectuer."

 

 

La Capeb espère que les mesures issues du rapport Sichel seront amendées au Sénat, devant lequel le projet de loi Climat et résilience va à présent passer. Et regrette que, lorsque l'on constate que le marché de la rénovation énergétique ne décolle pas assez vite, le premier réflexe soit de pointer l'insuffisance de l'offre. "La Capeb considère qu'il serait nécessaire d'approfondir, par une étude spécifique, la connaissance des réels comportements et attentes des clients en matière de rénovation énergétique, permettant de comprendre les raisons profondes de la faiblesse de la demande et à la suite d'en déduire un plan d'actions opérationnel."

 

Rapport Sichel : les 7 demandes de la Capeb

 

- Les missions des accompagnateurs de la rénovation énergétique ne doivent pas empiéter sur celles des professionnels qui interviennent déjà et notamment que ce soient les maîtres d'œuvre ou les entreprises. Au contraire, ils doivent s'appuyer dessus.

 

- La Capeb s'oppose à ce que ces accompagnateurs de la rénovation énergétique préconisent des travaux ou sélectionnent des entreprises.

 

 

- L'organisation demande à être associée étroitement à l'élaboration du ou des décrets d'application qui préciseront les modalités de mise en œuvre de ces accompagnateurs de la rénovation énergétique.

 

- Intensification de la lutte contre la fraude et les éco-délinquants.

 

- Fixer, pour toutes les entreprises, un même pourcentage de contrôle à réaliser sur les chantiers réalisés. Et non, comme c'est le cas actuellement, un nombre fixe de chantiers contrôlés quel que soit le niveau d'activité de l'entreprise.

 

- Faire en sorte que tout particulier puisse, à l'occasion de la réalisation d'un premier geste, bénéficier gratuitement d'un audit énergétique pour bâtir un plan de travaux de rénovation énergétique de son logement étalés dans le temps pour ce qui reste à faire.

 

- Revoir les obligations qui pèsent aujourd'hui sur les entreprises qui interviennent dans le cadre d'un groupement momentané d'entreprises (GME).

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