PATRIMOINE. Un collectif d'anciens élèves de l'école AgroParisTech proteste contre la vente par l'État des 300 hectares du domaine de Grignon et de son château du XVIIe siècle, dans les Yvelines. La cession a été attribuée au groupe Altarea-Cogedim, qui souhaite revaloriser le site historique et l'inscrire dans une démarche écologique.

C'est une affaire qui suscite des remous : un collectif d'anciens élèves de l'école d'ingénieurs agronomes AgrosParisTech conteste la décision de l'État de vendre le domaine de Grignon, sur la commune de Thiverval-Grignon dans les Yvelines, au groupe Altarea-Cogedim, et qui accueille jusqu'à présent le campus universitaire de l'institution. Comme nous l'apprend l'Agence France Presse, le comité de sélection de la Direction immobilière de l'État a retenu le 4 août dernier le projet porté par Altarea, en concurrence avec celui de l'association Patrimoine AgrosParisTech-Grignon 2000, qui a de son côté proposé, aux côtés de la communauté de communes Coeur d'Yvelines, la création d'un "Centre international sur la transition alimentaire et agricole", lequel avait les faveurs de certains scientifiques et des défenseurs du patrimoine et qui aurait intégré des laboratoires et des accélérateurs de jeunes pousses. Le complexe en question aurait notamment été spécialisé dans les questions relatives à l'agriculture, à l'alimentation et à l'environnement, et aurait ouvert au public les quelques 300 hectares du domaine (dont 24 de parcelles bâties) et son château du XVIIe siècle avec ses dépendances.

 

Alors que l'école d'ingénieurs est justement en cours de déménagement pour intégrer ses nouveaux quartiers sur le plateau de Saclay, qui se veut le grand pôle scientifique de la région parisienne, le groupe Altarea, via ses filiales Patrimoine & Histoire et Cogedim, a pour sa part assuré être "porteur d'un projet respectueux de l'environnement naturel et du patrimoine du site" ainsi que "de son bâti". Le géant de l'immobilier commercial s'engage en outre à "rendre la forêt accessible au public" et à "créer un sanctuaire écologique propice au développement de la biodiversité". Dans le même temps, le promoteur envisage malgré tout "une programmation résidentielle adaptée" avec opérations de réhabilitation et "de nouvelles constructions parfaitement intégrées sur des zones déjà urbanisées", ainsi que "l'implantation de commerces de proximité en circuits courts portés par des artisans de bouche franciliens". Le château, lui, pourrait accueillir des séminaires et autres évènements, le tout dans une "programmation touristique responsable".

 

La commune refuse de revoir son PLU

 

 

Une vision des choses qui ne semble pas réjouir le délégué général de Grignon 2000, Mathieu Baron, lequel redoute que la transformation du domaine en logements ne remette en cause la pérennité des forêts et des terres agricoles environnantes. Il a récemment déclaré à l'AFP que son association "réfléchissait à un recours devant le tribunal administratif", rappelant au passage que son collectif s'était déjà élevé contre un projet de rachat du domaine par le club de football du PSG en 2015-2016. Sollicités par l'agence sur ce dossier, le ministère de l'Agriculture a pointé "le choix d'un projet réaliste et fiable". "Le jury a pris en compte plusieurs éléments, en plus du niveau de l'offre, en particulier le traitement architectural et paysager du projet et l'intégration des enjeux urbains et environnementaux", a-t-il ajouté.

 

Quant à la municipalité de Thiverval-Grignon, elle se dit opposée à la cession du vaste domaine et a affirmé qu'elle ne modifierait pas son Plan local d'urbanisme (PLU) pour autant. Pour la maire sans étiquette de cette petite commune de 1.100 habitants, Nadine Gohard, le projet porté par Altarea-Cogedim "suppose de changer le PLU". "Je ne le ferai pas", a assuré l'édile, alors que Grignon est considérée comme le berceau de l'agronomie française depuis deux siècles. Le domaine se compose notamment de 130 hectares de terres agricoles, dont une ferme dite expérimentale, et de 133 hectares de bois. Pour Nadine Gohard, le projet Grignon 2026 "allait vers la préservation du site tout en étant innovant, notamment sur la recherche en environnement". L'élue déplore donc à ce titre le choix de la puissance publique, qui "aurait ramassé un petit peu moins d'argent mais le projet était sûr financièrement et juridiquement", selon elle. Le montant de la vente n'a d'ailleurs pas été communiqué par le Gouvernement, l'opération n'étant pas "finalisée".

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