Dans le cadre du salon Ecobat 2014, une table ronde ayant pour thématique l'interface des méthodologies et technologies dans la construction durable a réuni différents acteurs du secteur. Ils ont insisté sur la nécessité d'une meilleure concertation entre les professionnels. Compte-rendu.

La technologie avance avec de nouveaux matériaux et des innovations techniques mises en œuvre dans la construction. Toujours plus complexe, le déploiement de ces nouvelles solutions nécessite une bonne concertation entre tous les intervenants d'un projet. La création de communautés et l'échange des informations apparaissent comme indispensables au changement global du secteur. René Gamba, acousticien et président de la commission Développement durable du Cinov (fédération des syndicats des métiers de la prestation intellectuelle du conseil, de l'ingénierie et du numérique), explique : "L'acoustique est un domaine révélateur de ce besoin de travailler ensemble car il interfère avec tout : la structure, les parois, les revêtements, les usages… Mais c'est l'humain qu'il faut replacer au cœur du projet, ce qui nécessite une approche intégrée. Car, ce qui est important, c'est l'usage qui est fait du bâtiment". Le docteur en mécanique des fluides et formateur en acoustique poursuit : "Il est suicidaire de rester trop dogmatique en pensant que les utilisateurs d'une construction vont renoncer à leur confort !".

 

La révolution de la maquette numérique
Pour le professionnel, les utilisateurs seraient tout sauf théoriques et il serait donc impératif de bien prendre en compte la différence entre les attentes exprimées et les besoins inexprimés. "Il faut que les bâtiments soient en adéquation avec l'utilisation spontanée et pas en opposition avec celle-ci !", martèle-t-il. Or, selon le membre du Cinov, la part liée à l'étude des bâtiments se réduirait comme peau de chagrin : "Dans l'automobile, qui est un procédé industriel où les voitures sont produites en série, le coût de conception d'un véhicule peut atteindre les 25 %. Dans le bâtiment, où les constructions sont toutes des prototypes, ce pourcentage est en constante réduction alors que les contraintes sont toujours plus nombreuses : analyse du cycle de vie, qualité de l'air intérieur, etc.". François Pelegrin, architecte et urbaniste, membre de l'Unsfa, précise : "Les honoraires de conception rapportés au coût d'un bâtiment sur les 50 ans de sa durée de vie sont inférieurs à 1 % !".

 

Si lui aussi souhaite replacer l'humain au centre des préoccupations, l'architecte pointe également du doigt "des aberrations typiquement françaises" en évoquant notamment les coûts de la non qualité. "Ce sont 15 milliards d'euros gaspillés par an. Nous ferions mieux de mettre plus d'argent en amont !", s'exclame-t-il. "Mais Cécile Duflot a fait des annonces formidables sur la RBR 2020. On note une évolution vers une préoccupation plus globale que la seule thermique", poursuit François Pelegrin. "Cet outil magnifique qu'est le BIM - que je traduis personnellement par 'Bouleversement Interprofessionnel Majeur' - sera rendu obligatoire en 2017 pour les marchés publics. C'est une belle avancée, car il n'y aura plus de temps perdu, nous serons forcés à travailler ensemble", explique l'architecte. Pour lui, les réponses à consultation seront plus rapides et les variantes d'un projet plus faciles à proposer. Et la maquette numérique constituera une base de données pour toute la phase d'exploitation et de maintenance du bâtiment. "C'est un moyen d'embarquer tous les acteurs de la construction dans une collaboration très active !", estime-t-il.

 

Changer de gouvernance
René Gamba tempère légèrement cet enthousiasme : "La maquette numérique a des potentialités fabuleuses. Mais c'est un outil qui apportera des bénéfices ou pas suivant comment on s'en servira… La technologie avance mais la gouvernance reste celle d'un autre siècle. Il faut sortir de notre torpeur : des méthodes d'association des acteurs existent, il nous reste à les découvrir", prévient-il. De son côté, François Pelegrin lance un appel aux futurs maires qui sortiront vainqueurs des prochaines élections municipales : "Les mots d'ordre des ministres ne servent à rien si les élus n'emboîtent pas le pas de l'opportunité qui se présente. Il faut que les élus soient les chefs d'orchestre de cette musique à jouer ensemble". L'architecte évoque notamment la création de zones franches où il serait possible de s'affranchir de certaines contraintes. Les professionnels espèrent donc beaucoup du scrutin à venir.

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