FRAUDE. Le réseau des Urssaf va muscler ses moyens et outils pour lutter contre la fraude au travail dissimulé ces prochaines années. Le BTP reste le secteur le plus touché par ces infractions.

En 2022, 788,1 millions d'euros de redressements ont été opérés au titre de la lutte contre le travail dissimulé par le réseau des Urssaf, acteur de la lutte contre la fraude à la Sécurité sociale. Des montants stables par rapport à 2021, et qui représentent à la fois les cotisations et contributions non déclarées, et les sanctions (majorations de redressement, remise en cause des réductions et exonérations de cotisations). Ces plus de 788 millions d'euros sont l'équivalent de trois millions d'indemnités journalières versées aux salariés victimes d'accident de travail ou de 77.500 allocations mensuelles de chômage. Le chiffre atteint même les 3,5 milliards d'euros sur la période 2018-2022.

 

Augmentation chez les travailleurs indépendants

 

Le montant moyen des redressements, toutes actions confondues, s'échelonne à 146.969 euros. La grande majorité des redressements concernent les employeurs. Ceux des travailleurs indépendants ont toutefois cru "de 100%" entre 2018 et 2022", déclare Emmanuel Dellacherie, directeur de la réglementation, du contrôle et du recouvrement de l'Urssaf, lors d'une conférence de presse le 8 juin 2023. "Beaucoup de micro-entrepreneurs ne déclarent pas ou sous déclarent leurs activités."

 

Concernant la mobilité internationale, soit le fait de détacher des salariés dans d'autres pays, "nous observons des situations de détournements des règles européennes, ce qui amène à des redressements importants. Les conditions ne sont pas remplies, le salarié devrait être affilié à la sécurité sociale mais ne l'est pas", témoigne Emmanuel Dellacherie. Ces contrôles prennent souvent plus de temps que ceux réalisés en France car il nécessite d'échanger avec les services de sécurité sociale des pays où sont affiliés les salariés. Sur les 303 contrôles engagés entre 2016 et 2022, les redressements ont généré 331 millions d'euros. "Début 2023, on dénombre 86 dossiers en cours, estimés à 150 millions d'euros. Ils concernent 16 Etats membres de l'Union européenne, et plus particulièrement le Portugal."

 

 

Au total, "l'Urssaf a engagé plus de 38.000 actions contre le travail dissimulé en 2022", présente Yann-Gaël Amghar, directeur général de l'Urssaf. L'activité est en progression de près de 5% en un an. "Sur les 5.613 actions de contrôles ciblés que nous avons menées, 83% ont abouti à un redressement", continue-t-il. "Les contrôles permettent de préserver les droits sociaux des salariés, dont les droits à la retraite. Ils contribuent aussi à une concurrence loyale entre les entreprises, et sécurisent le financement de notre protection sociale."

 

Quid du BTP ?

 

Parmi les secteurs les plus représentés par les redressements, le BTP rafle la première place. "Il représente 66,5% des redressements. Cela est dû notamment aux contrats courts, aux sous-traitances en cascade et au fait que les salariés sont moins bien informés sur leurs droits que dans les autres secteurs", analyse Emmanuel Dellacherie. C'est également dans le BTP que s'effectuent le plus d'actions de prévention (27,4%) de la part de l'Urssaf. Ces actions, programmées sans présomption de fraude et à visée pédagogique, visent à sensibiliser le plus grand nombre aux enjeux et objectifs de la lutte contre le travail dissimulé, aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur, et, parfois, à préciser les sanctions financières et pénales encourues en cas de situation frauduleuse détectée.

 

L'Urssaf souhaite, sur cette lancée, moderniser et améliorer ses techniques de détection de la fraude au prélèvement social, notamment grâce au 'datamining', soit le fait de développer de nouvelles méthodes de ciblage. Le réseau compte ainsi renforcer la lutte contre la fraude dans le cadre de la mobilité internationale, accentuer le contrôle des travailleurs indépendants et optimiser le recouvrement des créances issues de la lutte contre le travail dissimulé. Pour mener à bien ces missions, 240 postes spécifiques à cette lutte vont être créés.

 

Par ailleurs, "nous prévoyons de systématiser le fait de partager les résultats avec d'autres organismes publics. Des partenaires tels que la Caisse d'allocations familiales nous font déjà des signalements", ajoute Yann-Gaël Amghar. L'enjeu, pour les années à venir, "est de mieux couvrir le risque". Le réseau prévoit cinq milliards d'euros de redressements entre 2023 et 2027. Aujourd'hui, il compte 1.500 inspecteurs, et plus de 200 contrôleurs agréés et assermentés. Ces salariés sont habilités à rechercher et verbaliser les infractions de travail dissimulé en veillant à respecter les procédures de contrôle encadrées par le Code de la Sécurité sociale et le Code du Travail.

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