L'inspection du travail aurait repéré des cas de travailleurs détachés illégalement sous-payés sur le chantier du terminal méthanier de Dunkerque. Ces ouvriers roumains, employés par un sous-traitant italien, seraient victimes de retenues salariales injustifiées. Le maître d'ouvrage du chantier déclare ne pas connaître les conclusions des contrôles réalisés sur place. Précisions.

La deuxième plus grand chantier industriel français, après celui de l'EPR de Flamanville, connaît à son tour des soucis avec la sous-traitance et le recours à des travailleurs détachés. L'inspection du travail a mené des contrôles sur le futur terminal méthanier de Dunkerque, à la fin du mois de juin 2015, et aurait noté des irrégularités dans le paiement d'ouvriers roumains. L'AFP relate : "D'après les premiers éléments, on trouve des suspicions importantes sur des travailleurs détachés". Ces derniers seraient employés par une entreprise sous-traitante italienne.

Des retenues et horaires abusifs

Si le salaire initial apparaît normal, des retenues seraient pratiquées abusivement, faisant chuter le salaire mensuel à seulement 600 voire 300 euros. "On a des fiches de paie de quelques centaines d'euros pour pas mal d'heures passées sur le chantier. Ce sont des retenues inexplicables et monstrueuses ! A quoi sont-elles conditionnées ? On cherche à le savoir…", annonce une source proche de l'enquête. Viendrait également s'ajouter un nombre d'heures de travail bien supérieur au cadre légal français, avec des pointes constatées à 60 heures hebdomadaires (repartis sur six jours de travail), le tout n'étant pas déclaré dans sa globalité.

 

Le maître d'ouvrage, Dunkerque LNG, co-entreprise détenue par EDF (à 65 %), Fluxys (25 %) et Total (10 %), confirme "que des entreprises intervenant sur le chantier du terminal méthanier ont fait l'objet de contrôles de la part de l'inspection du travail fin juin". Il poursuit : "Nous ne connaissons pas les conclusions de ces contrôles. Comme sur tous les chantiers de cette ampleur, l'administration est amenée à effectuer régulièrement des inspections, comme la loi lui en donne les pouvoirs. Ainsi, plusieurs inspections ont été réalisées, notamment le 19 décembre 2013 (1.000 personnes contrôlées sur une semaine d'activité), qui n'ont donné lieu à aucune suite". En effet, déjà à la fin de l'année 2013, des soupçons de dumping social avaient agité les milieux syndicaux du Pas-de-Calais.

Des faits rapportés depuis la fin de 2013

Fabienne Deroy, déléguée CFE-CGC, affirme à l'AFP que ces interrogations sur la sous-traitance italienne étaient connues depuis longtemps : "Je ne suis pas étonnée. On le savait depuis un an et demi, et le problème a été régulièrement soulevé auprès de la direction, qui n'a jamais réagi". La CGT et la CFE-CGC estimaient, en décembre 2013, que sur les 1.300 employés du chantier, près de 800 étaient des travailleurs détachés, donc rattachés au régime social de leur pays d'origine, moins chers. Michel Sapin, ministre du Travail, et Manuel Valls, alors ministre de l'Intérieur, avaient même fait le déplacement afin de vérifier, en présence d'inspecteurs du travail, que la législation française étaient bien respectée. Et effectivement, aucune infraction n'avait été constatée.

 

La direction de Dunkerque LNG enfonce le clou : "A ce stade, nous ne constatons pas d'écart et mettons tout à disposition pour faciliter l'enquête". Elle déclare apporter, "à chaque fois, tout son support aux services de l'Inspection du travail afin de faciliter ces contrôles". Une porte-parole nous précise : "En tant que maître d'ouvrage du chantier de construction du terminal méthanier, Dunkerque LNG est très attentif au respect de la réglementation du travail et met tout en œuvre pour qu'elle soit respectée sur le site, sans se substituer aux pouvoirs de police de l'Inspection du travail". En cas de fraude, la direction s'engage évidemment "à prendre des mesures". "C'est notre chantier, on ne peut pas rester les bras croisés face à des infractions au droit du travail, si elles étaient avérées", rapporte l'AFP.

La sécurité en question ?

Au mois de septembre 2014, le parquet de Dunkerque avait finalement classé sans suite une précédente enquête sur des sociétés soupçonnées d'exploiter de la main d'œuvre européenne à bas coût. Une façon pour certaines entreprises de décrocher les contrats, en cassant les prix et en proposant des prestations à des tarifs 30 voire 50 % en dessous de celles de leurs concurrentes françaises. Outre des salaires très bas, la sécurité même pourrait être remise en cause par ces conditions de travail difficiles. Le 1er juillet dernier, un ouvrier de 53 ans, employé par la société de génie civil VCS est décédé sur le chantier, suite à un malaise. Un an plus tôt, en juillet 2014, c'est un soudeur de 41 ans de la SMM (Société de Montage Mécanique) qui avait été retrouvé mort en haut du dôme du réservoir n° 1.

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