CONFINEMENT. Les dirigeants de bureaux d'études se disent déroutés par rapport aux signaux contraires qu'ils perçoivent sur la bonne application du télétravail en ce deuxième confinement. "Sortons de ce climat de défiance", demande Frédéric Lafage, président de la fédération Cinov, contacté par Batiactu.

Un "désarroi profond". C'est ce que ressentent de nombreux adhérents du Cinov, du fait des "injonctions paradoxales" du Gouvernement sur la question du télétravail. Dans un premier temps, dès l'annonce du reconfinement, la ministre du Travail Elisabeth Borne, avait en effet précisé qu'architectes et ingénieurs pourraient, si cela était jugé indispensable, se rendre sur leur lieu de travail. Mais cette doctrine, quelques jours après, semblait avoir changé : le Gouvernement rappelait alors que le télétravail cinq jours sur cinq devait être appliqué autant que possible. Un retournement de situation qui a crée une sorte de 'zone grise' à l'appréciation de l'employeur... qui peut se retrouver attaqué si l'inspection du travail passe dans ses locaux et qu'elle considère qu'il a fait venir en présentiel certains de ses salariés sans raison considérée comme 'valable'. Mais comment évaluer objectivement le caractère 'indispensable' de la présence d'un salarié dans les locaux ? Qui en juge, selon quels critères ? "Nous avions bien perçu le premier message de la ministre et étions prêts à aller au combat, nous rendre sur les chantiers en respectant les gestes barrière, nous rendre au bureau où nous pouvons utiliser des logiciels particuliers : avant de nous entendre dire que le télétravail était une obligation...", regrette ainsi Frédéric Lafage, président du Cinov, contacté par Batiactu. "C'est déroutant, d'autant plus lorsque l'on nous menace d'une visite de l'inspection du travail, et de sanctions si nous n'étions pas en mesure de prouver le caractère indispensable du déplacement d'un salarié."

 

Les architectes également concernés

 

L'Union nationale des syndicats français d'architectes (Unsfa), contactée par Batiactu, se reconnaît dans les propos du Cinov, dénonçant des "injonctions paradoxales" de la part de l'État. Celui-ci avait "cité les architectes comme exemple de profession où une présence au bureau peut être indispensable", avant de publier une liste de profession pour lesquelles la carte professionnelle pouvait faire office de justificatif de déplacement, de laquelle les architectes sont absents… L'Unsfa se dit "conscient" de la situation dans laquelle se trouvent les architectes et organise d'ailleurs, vendredi 20 novembre, un webinaire à ce sujet.

L'entreprise, lieu de "tous les dangers" ?

 

Ce qui agace également les professionnels de l'ingénierie, c'est cette impression de voir l'entreprise comme "le lieu de tous les dangers", alors même que les patrons sont forcément soucieux de la santé et de la sécurité de leurs salariés, ne serait-ce que parce qu'ils en sont responsables. "Nous nous sommes sentis stigmatisés, comme si nous étions des employeurs irresponsables ne voulant pas préserver la santé de nos collaborateurs. Comme si nous étions forcément de mauvais employeurs si l'on ne mettait pas d'office tous nos salariés en télétravail." Le Cinov précise avoir obtenu des remontées de visites de l'inspection du travail dans les locaux de certains de ses adhérents ; il en ressort que les inspecteurs finissent toujours par "trouver des mauvaises raisons d'avoir fait venir un salarié en présentiel".

 

 

Ne pas passer en 100% télétravail semble aussi être une demande de certains salariés, ce mode de travail pouvant entraîner une forme de souffrance psychologique. "Ils ne veulent pas revivre le premier confinement", assure Frédéric Lafage. "Les salariés ont besoin de se déplacer, ils ont besoin de rituels ; et sans prendre forcément les transports en commun où le virus peut circuler : la France ne se résume pas à Paris et aux grandes métropoles." Ce type de messages contradictoires ne devraient pas venir apporter un souci supplémentaire aux entreprises en cette période. "Nous nous battons pour sauver les entreprises et les emplois, les choses ne sont pas simples au niveau des marchés publics, le plan de relance est présenté mais pas encore effectif : ne rajoutons pas sur les chefs d'entreprises une pression inutile. Sortons de ce climat de défiance."

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