L’Agence nationale de rénovation urbaine (ANRU), initiative phare du plan Borloo pour la ville, simplifie les démarches des élus, rapproche sans décentraliser et fait -presque- l’unanimité.

On aurait souhaité actualité plus clémente à Jean-Louis Borloo. Entre autres dégâts, l’odieux incendie criminel de l’école juive de Gagny a fait en partie oublier le coup d’envoi officiel de l’Agence nationale de rénovation urbaine. Pressé hors du grand amphi de la Sorbonne, où se tenait la conférence de lancement de l’ANRU, vers l’Elysée pour un conseil restreint sur l’antisémitisme réuni à l’initiative du Président de la République, le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin a tout juste eu le temps d’invoquer la menace du «communautarisme» pour célébrer la mise en fonctionnement de l’ANRU. Les multiples effets d’annonces du ministre délégué à la ville sur la dimension "révolutionnaire" de ce nouvel outil n’ont pas non plus suffi à prévenir la rareté des échos médiatiques, injustement.

Car c’est bien un changement en profondeur des pratiques de rénovations urbaines qui se profile avec la mise en place de ce « guichet unique », appelé à devenir le seul interlocuteur financier des collectivités locales et organismes d’HLM porteurs de projets urbains visant à restructurer les quartiers en difficultés – Opérations de Renouvellement Urbain, Grands Projets de villes et Zones Urbaines Sensibles. Il collectera les crédits nationaux consacrés à l’aménagement et au logement social pour les affecter aux projets proposés par les collectivités territoriales. De cette manière, les élus ne s’adressent plus séparément à chaque organisme financier mais transmettent les projets finalisés au Préfet de département pour évaluation. Les dossiers instruits au plan local remontent ensuite auprès de l’agence qui donne son accord, et négocie avec le Préfet une convention pluriannuelle fixant les différents engagements de chaque partenaire pour la durée du programme, qui ne pourra se prolonger après 2008, lorsque la loi de programmation prendra fin. Pour éviter le risque de l’opacité et les dérives technocratiques, le ministre délégué à la ville a annoncé la création d’un comité de surveillance constitué de représentants d’associations et de la société civile.

"La concentration des moyens et la pluri-annualité des financements sont indiscutablement les deux éléments les plus positifs de cette initiative" commente l’Union Sociale pour l’habitat, organisme contributeur de l’agence à hauteur de 20 à 30 millions d’euros. Avec l’Etat, l’Union Economique et sociale du logement et la Caisse des dépôts et consignations comme autres contributeurs, l’agence se verra dotée d’un budget pour l’année 2004 de 1, 05 milliard d’euros.

Totalement incontournable donc, elle pourrait du même coup être le cheval de Troie d’une re-centralisation des financements, avec une prépondérance des crédits déconcentrés, débloqués chaque année auprès du préfet de département, chargé de suivre la réalisation des conventions. Le concept de guichet unique apparaît néanmoins pour beaucoup le seul valable dans l'objectif de simplifier les circuits financiers et raccourcir les délais d’interventions. La conférence de presse de lancement qui s’est tenue lundi a semble-t-il mis en évidence un consensus des bonnes volontés, s’étendant des organismes contributeurs aux collectivités locales.

Les représentants de ces dernières, qui ont plébiscité le nouveau système dès avant son installation officielle, avec une dizaine de conventions signées, soulignent souvent que la loi va dans le sens d’une plus grande attention donnée aux actions des élus. "Le financement pluriannuel et le suivi des engagements permettent de rester au contact des préoccupations des élus et des habitants" note Guillaume Forestier président du Groupement d'intérêt public (GIP) « Montereau Cœur de quartier », qui coordonne les différentes maîtrises d’ouvrages d’une opération de renouvellement urbain déjà financée par l’ANRU à Montereau-Fault-Yonne (Seine-et-Marne).

Plus généralement, l’ANRU devrait faciliter la réussite globale d’une opération de rénovation urbaine, qui, à la différence des opérations d’aménagements classiques ne sont pas menées uniquement par l’aménageur, mais par quatre maîtrises d’ouvrages représentant chacune un maillon essentiel de la chaîne de réalisation. La logique du financement unifié et des programmes d’actions sur plusieurs années avec suivi des engagements semble donc prometteuse en terme de "coordination des décisions et des actions". Un point essentiel "si on veut enclencher un véritable changement pour l’avenir de ces territoires", rappelle Jacques Touchefeux, responsable de département à la Délégation interministérielle pour la Ville.

Reste que le budget du logement et de la ville est en baisse de 7% en 2004. Même si les financements de l’ANRU sont d’ores et déjà "sanctuarisés", selon l’expression de Jean-Louis Borloo, la facilitation administrative et le changement des mentalités buttera peut-être sur une politique nationale du logement encore peu lisible, si ce n’est au travers de son ambition de "faire mieux avec moins" affichée par Gilles de Robien. Peu convaincu par cette démarche, Jean-Pierre Giacomo, président de la Confédération nationale du logement, ne l’est guère plus par l’Agence de rénovation urbaine, "un outil qui ne masquera pas longtemps le manque de moyens dont nous souffrons actuellement". L’avenir dira si, dans l’hypothèse d’une baisse régulière des budgets du logement et de la ville, l’ ANRU pourra relever à elle seule le défi très ambitieux des 200 000 démolitions, 200 000 reconstructions et 200 000 réhabilitations du plan Borloo.


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