DÉCRYPTAGE. Le plan de résilience du Gouvernement pour limiter les répercussions de la guerre russo-ukrainienne sur les particuliers et professionnels français prévoit de réduire le recours au gaz ; une ligne directrice confirmée régulièrement par les responsables politiques. Les spécialistes du bâtiment et de l'énergie répondent avec prudence que le soutien aux solutions alternatives, renouvelables mais pas encore développées, devra suivre. Et que tous les segments, du logement individuel au tertiaire en passant par les sites industriels, sont concernés par la problématique.


Présenté le 16 mars dernier, le plan de résilience économique et sociale du Gouvernement ambitionne de protéger particuliers comme professionnels des conséquences de la guerre en Ukraine. L'une des lignes directrices du texte consiste à réduire le recours de la France au gaz, une tendance qui avait déjà pu être mise en avant avant le déclenchement du conflit à cause de la flambée des prix énergétiques causée par la reprise économique mondiale post-confinement sanitaire. Mais les responsables politiques confirment régulièrement cette volonté, souvent rejoints par des acteurs économiques de premier plan. Avec en plus l'annonce de la fin prochaine des aides au remplacement des chaudières gaz vétustes, c'est toute une filière, à cheval entre les secteurs du bâtiment et de l'énergie, qui se retrouve soudainement fragilisée.

 

 

Si elles acceptent de fait la "realpolitik", les organisations professionnelles compétentes en la matière se montrent malgré tout prudentes, bien qu'elles ne manquent pas de propositions pour faire monter en puissance les solutions alternatives. Pour être suivi des faits, ce volontarisme des industriels devra cependant s'accompagner d'un soutien des pouvoirs publics. L'industrie gazière tricolore, qui assure partager depuis longtemps l'objectif de neutralité carbone qui passe inévitablement par une baisse des énergies fossiles dans le bouquet énergétique, reconnaît que les choses se précipitent avec la crise ukrainienne. "Sur les contrats russes, la France pourrait s'en passer dans la pratique, mais la solidarité entre pays européens et la diversité des sources européennes fait que la France est moins dépendante (à hauteur de 17%) que d'autres pays, et même que la moyenne européenne (40%)", explique le délégué général de l'AFG (Association française du gaz), Thierry Chapuis, à Batiactu.

 

Développer les gaz renouvelables

 

Dans ce contexte où il n'est raisonnablement pas possible de couper le robinet du jour au lendemain, la carte à jouer serait celle du développement des gaz renouvelables. Le biométhane serait le gaz vert connaissant la plus forte dynamique, les industriels le présentant même comme l'énergie renouvelable à la progression la plus fulgurante et "la seule énergie au-delà des objectifs de la PPE (Programmation pluriannuelle de l'énergie)" : 6,5 térawatts-heure de capacités seraient déjà installés, et la filière vise une dizaine d'ici la fin de l'année. Plusieurs technologies doivent cependant accélérer : c'est le cas de la pyrogazéification, une pyrolyse de gaz avec chauffage à haute température sans oxygène pour casser les molécules. Idem pour la gazéification hydrothermale, qui recourt au même procédé que la pyrogazéification mais en milieu aqueux et en ne cherchant pas à casser ni les molécules d'hydrogène ni celles de méthane. Enfin, la méthanation est également concernée : il s'agit de la combinaison de dioxyde de carbone et d'hydrogène pour produire du méthane.

 

"Ces trois techniques utilisent des intrants assez différents de la méthanisation. Pour la pyrogazéification, ce sont essentiellement des CSR (combustible solides de récupération), du bois-d'œuvre et des matières plastiques. Pour la gazéification hydrothermale, on a recours à des boues, plutôt liquides, de stations d'épuration", détaille Thierry Chapuis. "Nous avons l'ambition d'accélérer car la tension des prix s'est totalement exacerbée avec la crise ukrainienne, ce qui renforce la nécessité de développer ces filières locales, garantes à la fois de la souveraineté énergétique, et d'activité et d'emplois locaux." Le Gouvernement a d'ailleurs demandé aux gaziers de passer à la vitesse supérieure. Ceux-ci ont donc identifié des leviers allant dans ce sens et ont soumis leurs propositions à l'exécutif. Pour l'heure, ils visent une soixantaine de térawatts-heure de méthane renouvelable injectés dans les réseaux à horizon 2030, et estiment déjà aujourd'hui qu'il sera possible d'aller encore plus loin.

 

"L'équation économique peut être compliquée"

 

Les obstacles administratifs et techniques se lèvent petit à petit : "Les certifications de production de biométhane sont accélérées et davantage mises en œuvre", poursuit le délégué général de l'AFG. "Nous sommes aussi incités à remplir les stockages le plus vite possible, car nous disposons en France d'un nombre assez important de stockages qui ne sont cependant pas tous utilisés." Le dispositif contractuel dont dispose la filière gazière française lui permet de s'assurer qu'au 1er novembre de chaque année les stockages sont remplis à 85% ; cet outil serait en passe d'être étendu à l'ensemble de l'Europe. "La saison gazière s'étend du 1er novembre, où l'on termine de remplir les stockages, jusqu'au 1er avril, où l'on vide les stockages. L'idée serait à l'avenir de les remplir rapidement et avec des conditions de prix les plus intéressantes possibles."
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