OUTRE-MER. Quatre ans après la signature d'un partenariat entre l'EPFA de Guyane et la commune de Maripasoula, l'opération de régularisation de l'habitat informel, préalable à la mise en œuvre du plan guide pour le développement du bourg, a commencé. Le village frontalier du Suriname est appelé à se muer en "polarité administrative" au beau milieu de la forêt amazonienne.

L'Etablissement public foncier et d'aménagement (EPFA) de Guyane a enclenché, en début d'année, une "régularisation foncière de masse" dans la commune de Maripasoula, à la frontière avec le Suriname, à l'ouest de la Guyane française. Cette commune, située au milieu de la forêt amazonienne, sur le fleuve Maroni, et accessible uniquement par air ou bateau, compte 13.000 habitants pour une surface d'une fois et demie celle de l'Ile-de-France. Dans le bourg, 90% des habitants n'ont pas de titre de propriété. La régularisation foncière est le préalable qui "va conditionner la réussite du projet de réorganisation du bourg et de développement du territoire de Maripasoula", explique Denis Girou, directeur général de l'EPFA.

 

La signature des deux premiers actes de vente, le 9 mars, "vient couronner quatre ans de collaboration étroite entre l'EPFA Guyane et la commune" à travers une convention de coopération public-public, indique l'établissement d'aménagement. Lancée en avril 2016, cette Régularisation foncière de masse des occupants sans titre (RFMOST) est "le préalable pour assurer la faisabilité d'un plan guide, où la maîtrise du foncier est primordiale". Une vingtaine d'autres parcelles, déjà bornées, pourront faire l'objet d'une cession avant la fin de l'année, d'après l'établissement d'Etat.

 

500 enquêtes foncières

 

La convention public-public de 2016 vise à mutualiser les ressources pour mettre en œuvre la régularisation foncière de façon transversale. Elle vise également à coordonner l'action des pouvoirs publics sur d'autres aspects, tels que le développement territorial (définition de la trame urbaine et structuration du parcellaire, études), le suivi foncier et technique (bornages), l'accompagnement social des ménages et le suivi administratif et juridique.

 

L'EPFA Guyane a réalisé plus de 500 enquêtes foncières pour recenser et localiser les lots d'usage revendiqués par les particuliers afin d'avoir une première approche des occupations, des litiges entre riverains et de la capacité des ménages à intégrer la procédure mise en œuvre. Compte tenu de la taille importante de la zone de travail, supérieure à 180 hectares, il a été décidé de délimiter huit périmètres d'intervention et de commencer à agir sur les deux quartiers les plus denses. Chaque particulier a ensuite été invité à constituer un dossier individuel d'acquisition. Un travail "en profondeur" a été mené avec le service du domaine, pour évaluer la valeur des terrains, "atypiques en l'absence quasi totale de marché immobilier formel".

 

La vente des terrains aux particuliers "permettra à la commune de recouvrir l'ensemble des frais et prestations nécessaires à la régularisation". Les sommes perçues assureront ainsi le remboursement du prêt de 1 million d'euros contracté auprès de l'Agence française de développement (AFD) dans le but de préfinancer les prestations et les travaux nécessaires au programme RFMOST. La commune avait également mobilisé le Fond national d'aménagement du territoire pour subventionner le bornage des emprises publiques.

 

Accompagner la mutation du village en polarité administrative

 

Maripasoula est un carrefour culturel, réunissant amérindiens, bushinengues, créoles, européens, brésiliens, haïtiens et surinamais. Un Plan guide d'aménagement, co-construit avec les services publics essentiels et validé par la commune en octobre 2017, après consultation de la population, a servi à poser les grands principes de la future organisation de la trame viaire et des espaces publics.

 

Ce projet de revitalisation vise à "accompagner la mutation d'un village rural en bord de fleuve vers une polarité administrative, sanitaire et commerciale, en lui conférant une structure urbaine cohérente". Pour Serge Anelli, maire de Maripasoula, "cette démarche s'inscrit dans une stratégie cohérente d'aménagement et de restructuration du territoire pour favoriser le développement des équipements publics, la construction de logements et redynamiser l'offre économique. Actuellement, l'habitat spontané n'est pas relié aux réseaux, les équipements sont dispersés et les espaces publics et privés pas tous délimités". Deux zones AU (zones à urbaniser) sont réservées, dans le Plan local d'urbanisme en cours de révision, pour la conduite d'opérations structurées grâce à la régularisation foncière. Prévues dans le plan guide, ces zones "permettront de répondre aux besoins futurs de logements, tout en étant cohérent avec les ambitions de développement qualitatif du bourg".

 

Autoconstruction et auto-réhabilitation

 

En termes d'outils d'amélioration de l'habitat, dans un contexte atypique - occupants sans titre, croissance démographique, économie informelle, diversité culturelle, dispositifs de droit commun parfois difficiles à mettre en œuvre - "l'enjeu du réaménagement de la commune repose en partie sur la capacité à mobiliser des outils plus novateurs. L'aide encadrée à l'auto-réhabilitation ou à l'autoconstruction par exemple en se basant sur les savoir-faire des habitants est envisagée", indique l'EPFA.

 

Le projet en dates
2012 : étude sur le foncier disponible à Maripasoula réalisée par l'Agence d'urbanisme et de développement de la Guyane (Audeg)
2013 : étude de préprogrammation de zones d'urbanisation future du bourg de Maripasoula par l'Audeg
2016 : validation du schéma d'aménagement régional (SAR) de la Guyane - lancement d'une étude pré-opérationnelle "habitat" dans le centre-bourg - signature de la convention public-public avec l'Etablissement public d'aménagement de Guyane
2017: signature de la convention Opération de revitalisation du centre-bourg et de développement du territoire (ORCBDT) valant Opahf- Finalisation du plan guide d'aménagement - lauréat de l'appel à projet "plan de paysage"
2018: PLU en cours de révision- lancement du programme d'aménagement.

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