Le temps des discussions sur la décentralisation a contraint les députés a repousser d'une quarantaine de jours les débats sur le projet de loi Robien sur l'urbanisme, le logement et la construction.

C'est un jeu de pousse-pousse qui en dit long sur la précipitation du Parlement à vouloir réformer en profondeur les institutions françaises, tout en respectant les objectifs budgétaires. Ainsi, l'examen par les députés du projet de loi de finances rectificative pour 2002, qui devait débuter le jeudi 5 décembre a été reporté à mardi 10 et, par ricochet, l'examen de la réforme de la loi SRU, prévu pour ce même mardi, est remise au mois de janvier.

La longueur des discussions sur la décentralisation, qui se sont conclues mercredi par le vote de la révision constitutionnelle à l'Assemblée, puis de celles, en cours, sur la suspension du volet licenciements de la loi dite de " modernisation sociale " a conduit à ces reports.

Hier mercredi, le président du groupe PS à l'Assemblée, Jean-Marc Ayrault, avait dénoncé en séance un " ordre du jour surchargé ", et demandé le report à la semaine prochaine du projet de budget rectificatif 2002.

La réforme de la loi SRU (pour Solidarité et Renouvellement Urbain) est une réforme à tiroirs qui présente des risques de retours de bâtons. Son objet principal est la suppression de l'article 55 qui, en l'état, commande aux communes de se doter d'au moins 20% de logements sociaux.

Mais elle implique de fait les points de décentralisation, que le gouvernement souhaite voir mis en place rapidement. Or, sans attendre la proposition du ministre en charge du logement et de l'équipement, Gilles de Robien, un groupe de sénateurs, emmenés par Dominique Braye, sénateur UMP des Yvelines et Gérard Larcher, président de la commission des Affaires Economiques, a présenté sa propre version de cette réforme.

En présentant leur projet à la presse, le 6 novembre, Gérard Larcher avait expliqué que "le systématisme de la loi SRU relève d'une méthode et d'un jacobinisme inopérant. Et ce n'est pas un hasard si l'on en a discuté en même temps que de la décentralisation". De son côté, Gilles de Robien avait cherché à démontrer que le gouvernement ne se laissait pas doubler dans ses priorités par le groupe de sénateur, en expliquant qu'il préparait lui-même un projet de loi dans ce sens. Le même jour, à l'Assemblée nationale, il avait affirmé que " l'article 55 est injuste et inopérant ".

" Si la proposition de loi [des sénateurs] ne respecte pas le principe de la mixité sociale, le gouvernement ne le soutiendra pas ", avait-il également affirmé devant la presse le 5 novembre. Deux points de cette propositions de loi lui paraissent encore difficile à accepter : les conditions de transferts de l'objectif de 20% vers les communautés d'agglomération et la réduction de ce seuil pour les communes éligibles à la dotation sociale urbaine (DSU).

Actuellement, les débats sur la future décentralisation ne permettent pas de savoir quel schéma doit être adopté, ce qui peut expliquer la difficulté de la réforme de la loi SRU. La seconde entraînera sans doute la première.

Chaque association, fédération ou syndicat (que ce soit les urbanistes, les architectes ou les constructeurs) engage des paris sur l'avenir en se déclarant pour une décentralisation en faveur des communautés d'agglomération, des communes, des régions, ou encore pour une révision des " pays " instaurés par les lois Chevènement ou Pasqua.

L'éminence d'une révision constitutionnelle, superposée à la rigueur budgétaire et aux élections prud'homales, comme aux effets d'annonce sur la politique du logement, déclarée " bataille de France " par Jean-Louis Borloo, ne sont pas pour calmer les esprits. Cette mise en quarantaine pourrait alors être favorable à l'instauration d'un débat de fond, à tête reposée, et d'une vaste remise à plat.

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