ISOLATION. Après avoir connu une grave pénurie de matière première en 2017, le polyuréthane a perdu des parts de marché en 2018. Pour cette année, Hervé Felmann, le président du Syndicat national des polyuréthanes (SNPU), souhaite rendre confiance aux clients et mettre en avant les points forts de son matériau pour certaines applications.

La crise du MDI, le durcisseur de la matière plastique indispensable à la production du polyuréthane (PU), est passée. Hervé Felmann, président du SNPU, évoque cette période : "Cette pénurie de matière première a été une catastrophe. Pourtant tout avait bien démarré en 2017, puisque le début de l'année était excellent. Mais un incident industriel nous a rattrapés. Et cela s'est lourdement ressenti sur les 2e et 3e trimestres. Finalement l'année 2017 s'est terminée avec des ventes de 25,6 millions de m², soit un niveau équivalent à celui de 2016. Le PU avait donc consolidé sa position sur le marché français, malgré de grosses difficultés d'approvisionnement."

 

Ce matériau représentait alors environ 10% du marché français de l'isolation (toutes solutions confondues). Mais en 2018, la reprise n'a pas été au rendez-vous puisque les cinq entreprises du secteur affichent des ventes en repli de -10 %. "Un recul significatif", ajoute le représentant de la filière qui estime que cette baisse est liée au ralentissement de l'activité dans le bâtiment (même si l'activité de rénovation a légèrement progressé de +0,8 %) mais surtout à une réaction aux déboires rencontrés lors de la pénurie de 2017.


Léger, mécaniquement résistant, facile à installer…

 

"Il y a eu un recul important des ventes lié au sur-stockage de nos clients à la fin de l'année, qui ont multiplié les commandes pour être sûrs d'être livrés. Ils ont également anticipé des livraisons et les conditions météorologiques du début de 2018 ont été mauvaises. D'où un gros œuvre en retard", précise Hervé Felmann. Entre temps, les clients se sont tournés vers d'autres solutions (polystyrène, laines minérales) : "Les autres matériaux nous ont repris des parts de marché en étant restés disponibles."

 

 

Le président du SNPU souhaite donc remettre la filière en marche pour 2019. "Aujourd'hui, on livre vite et bien. Les délais, qui étaient de un à trois mois en 2017 sont redescendus à une semaine, comme avant la crise", assure-t-il, conscient que l'image a été écornée. "On y a laissé des plumes, de la rentabilité et de la profitabilité dans nos entreprises. Mais le PU n'est pas mort !"

 

Le PU leader sur le marché des toitures en béton

 

Gérard Persuy, du SNPU, rappelle que le polyuréthane existe sous trois formes : "D'abord le PU projeté, pour l'isolation des sols principalement en maison individuelle, en panneaux sandwich pour du bardage ensuite, et en panneaux rigides enfin, que l'on retrouve sous chape ou sous dallage, en toiture terrasse ou toiture inclinée et même sur les murs, en ITE et ITI." Il nous apprend ainsi que le polyuréthane est déjà leader sur le marché des toitures en béton mais qu'il constituerait également une solution pertinente pour les toitures à bac acier, où il n'atteint que 5% de parts de marché. "Pourtant, il est leader ailleurs, aux États-Unis, en Allemagne et au Benelux sur cette application. Car sa légèreté est un avantage face à la laine de roche que nous utilisons en France", déclare-t-il.

 

Le polyuréthane huit fois plus léger et 30% plus mince qu'une isolation par laine minérale

D'après les chiffres du SNPU, à isolation équivalente, le polyuréthane sera huit fois plus léger et 30% plus mince qu'une isolation par laine minérale. Il poursuit : "En construction neuve, cela permet une forte isolation sans surcharger les structures. En rénovation, cela permet d'isoler pour être conforme à la RT sans renforcer la charpente et en autorisant même la mise en œuvre de panneaux photovoltaïques." Les spécialistes de la filière entrevoient un "énorme potentiel" pour les grandes surfaces commerciales et les entrepôts de logistique. D'autant que "la résistance à la compression entraîne une diminution des risques de détérioration de l'étanchéité", fait valoir Gérard Persuy. L'isolation des murs constitue un autre segment moins connu de l'activité des membres du SNPU, mais cette solution sous bardage, vêture ou vêtage, se développe en France (+30% en 2018) où cette application représente 6% du marché. Cette fois, les industriels adhérents du syndicat soulignent la facilité de mise en œuvre de panneaux légers et leur stabilité dimensionnelle dans le temps, qui évite un phénomène de tassement.

 

La question environnementale

 

Mais le polyuréthane présente un inconvénient : celui de son origine pétrochimique. Le SNPU estime pourtant que la légèreté et la faible densité de ses produits constitue des atouts en termes de bilan carbone puisque moins de matière est utilisée pour parvenir à la même isolation. "Nous utilisons le moins de carbone fossile possible", expliquent les représentants des industriels. "La bonne durée de vie donne un bilan plus favorable qu'attendu." Cependant, il ne sera pas possible de créer un polyuréthane 100% vert : "Il n'y pas de substitution possible pour le MDI. Et la réaction de thermo-durcissement est irréversible. Il n'est donc pas possible de recycler facilement le PU. D'autant qu'il n'y a pas de filière de collecte." Pourtant, le gisement existe mais il n'est aujourd'hui pas économiquement pertinent de développer une boucle d'économie circulaire avec ce matériau. Les chimistes travaillent cependant à verdir un autre composant, les polyols, qui pourraient provenir de sources végétales (tanins) ou de déchets recyclés (bouteilles en PET opaque). Et les industriels utilisent les sciures de leurs panneaux sous forme d'aggloméré pour des utilisations en milieu très humide. Seule une pertinence économique de ces solutions permettra leur généralisation. Comme Yves Pélissier, secrétaire général du SNPU, le conclut : "La première préconisation reste la réutilisation du panneau polyuréthane directement sur site, en laissant l'ancien dessous et en posant le nouveau dessus."

 

Face à d'autres procédés qui avancent sur ces questions, comme le polystyrène expansé, le polyuréthane avoue un certain retard. Qu'il devrait tenter de combler, faute de quoi l'isolant se retrouvera… isolé sur le marché.

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