ENTRETIEN. Analyse du cycle de vie, base Inies, RE2020, loi Essoc... Nathalie Tchang, présidente du bureau d'étude Tribu énergie, membre du Cinov et responsable du groupe de travail "modélisateur" en vue de la RE2020, répond aux questions de Batiactu.


Batiactu : Le programme Obec vient de rendre son rapport conclusif. Il indique notamment que sur les projets ayant fait l'objet d'une analyse du cycle de vie (ACV), 47% des éléments saisis étaient des données environnementales par défaut (DED). L'incomplétude de la base Inies est-elle encore d'actualité, à un peu plus d'un an de l'entrée en vigueur de la réglementation environnementale ?

 

Nathalie Tchang : Inies est une formidable base de données mais il manque encore trop de produits. Tous les industriels doivent s'y mettre. Deux facteurs freinent l'action. Tout d'abord, les experts en mesure de réaliser et valider ces FDES/Pep ne sont pas assez nombreux, alors même que des fabricants souhaitent avancer sur le sujet. Par ailleurs, la crise du covid-19 va peut-être remettre des budgets en question, et la réalisation de nouvelles fiches pourrait en être pénalisée. Car il faut savoir qu'il est onéreux de faire des FDES/PEP. Et il en faut une pour chaque type de chaque produit, par exemple une par épaisseur d'isolant, une pour chaque diamètre de tuyaux... L'une des solutions privilégiées pour aller plus vite, et diminuer les coûts, serait d'encourager chaque filière professionnelle à développer ou enrichir un configurateur de FDES, par famille de produits.

Batiactu : Autre enseignement d'Obec : dans l'analyse du cycle de vie, le poste 'Produits de construction et équipement' (PCE) représente une part largement majoritaire, de 65 à 85%. Comment expliquez-vous cela ?

 

N.T. : Lorsque nous ne disposons pas de la FDES pour un produit, nous devons prendre la valeur dite 'par défaut' (données environnementales par défaut, DED), qui est pénalisante. Nous nous sommes parfois retrouvés, dans le cadre de l'expérimentation E+C-, avec 2/3 de valeurs par défaut pour réaliser l'ACV d'un projet. Cela joue probablement dans le fait que la partie "PCE" soit si importante dans l'analyse du cycle de vie, pour certains projets qui n'avaient pas été conçus à la base dans une démarche bas carbone. Cela explique également pourquoi si peu de projets issus de l'expérimentation atteignent des niveaux carbone ambitieux.

 

 

Batiactu : Pensez-vous important de maintenir un seuil PCE dans la future réglementation environnementale ?

 

N.T. : Je pense qu'il faut maintenir le PCE dans l'ACV. Il est vrai que dans le cadre de l'élaboration de la réglementation environnementale 2020, certains acteurs n'étaient pas favorables à ce maintien, pour ne pas que certains systèmes constructifs soient trop nettement avantagés, et que l'on doive passer du jour au lendemain à des techniques de construction différentes. Mais ce seuil PCE est celui qui va motiver les industriels à réaliser des FDES/PEP, en toute transparence, et participer à relancer l'économie locale, puisqu'on peut supposer que des produits fabriqués localement ont un meilleur bilan carbone que ceux fabriqués à l'étranger. Nous ne devons pas relâcher l'exigence du fait de la crise sanitaire, bien au contraire.

 

Batiactu : Dans le rapport Obec, on peut également lire que l'installation de panneaux photovoltaïques ne serait pas d'un grand intérêt si l'on veut décarboner. Quelle est votre analyse ?

 

N.T. : Jusqu'à récemment, nous ne disposions pour ce type de matériels que des valeurs par défaut, pénalisantes. Mais deux industriels ont récemment réalisé leurs propres PEP, et si l'on en tient compte cela rend le photovoltaïque nettement plus attractif.
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