POLITIQUE. C'est un texte "quasiment identique" à l'avant-projet de loi qui a été présenté, le 10 février, en Conseil des ministres. Le projet de loi, qui reprend une partie des propositions de la Convention citoyenne, porte des modifications importantes du droit concernant les logements énergivores, et l'artificialisation des sols. Tour d'horizon des mesures qui concernent le BTP.

Une loi pour "faire entrer l'écologie dans le quotidien des Français". C'est l'objectif assigné par le gouvernement au texte présenté le 10 février en Conseil des ministres, intitulé projet de loi Climat et résilience et reprenant une partie des propositions de la convention citoyenne pour le climat. Ses six chapitres (consommer, produire et travailler, se déplacer, se loger, se nourrir et renforcer la protection judiciaire de l'environnement) et 69 articles sont "quasiment identiques" au texte de l'avant-projet de loi qui avait été mis en consultation puis envoyé au Conseil, d'Etat, affirmait, le 9 février, Matignon. Cet avant-projet de loi que Batiactu s'était procuré. A deux détails près, concernant les sujets qui touchent au bâtiment et à la construction : d'une part, les dispositions sur la performance et la rénovation thermiques des logements "évolueront forcément", d'après Matignon, une fois qu'olivier Sichel aura rendu son rapport sur le financement de la rénovation énergétique, attendu mi-mars, et d'autre part, la définition de l'artificialisation des sols a été "affinée" par le Conseil d'Etat.

 

Le chapitre "se loger" s'ouvre sur une série d'articles relatifs au diagnostic de performance énergétique (DPE) dont la refonte est en cours et dont les mesures d'ordre législatif étaient attendues dans une ordonnance à paraître ces prochains mois. Le texte, qui ne fixe pas les seuils de consommation par classe énergétique (il faudra, comme prévu, attendre les arrêtés ministériels), pose le principe du classement des logements de "très performant" (classe A) à "extrêmement consommateurs d'énergie" (classe G), et renomme les passoires énergétiques (classes F et G) "logements à consommation d'énergie excessive". Ce sont ces logements-là qui devront subir un audit énergétique avant leur vente, à compter du 1er janvier 2024. Pour les autres catégories de logements, le DPE sera obligatoire, sauf pour ceux construit après l'entrée en vigueur de la RT2012 (le 1er janvier 2013).

 

Interdiction de louer les passoires énergétiques

 

Comme demandé par la CCC, et conformément aux annonces, il ne sera plus possible d'augmenter les loyers des logements "à consommation d'énergie excessive". Cette mesure prendra effet un an après la promulgation de la loi en France métropolitaine. Comme déjà évoqué, sans précisions, dans la loi climat-énergie de 2019, ces logements classés F et G ne seront plus considérés comme décents à compter de 2028, et ne pourront donc plus faire l'objet d'une location.

 

Conformément à la demande de la CCC également, le texte prévoit la création de guichets uniques de la rénovation sur tout le territoire, avec pour vocation de massifier les travaux en fournissant des conseils gratuits. Un guichet par intercommunalité est prévu. A noter : le 10 février, la mission d'information parlementaire sur la rénovation thermique des bâtiments a présenté son rapport aux députés. Batiactu reviendra sur les propositions qui y sont faites, et dont les auteurs espèrent que le projet de loi Climat et résilience reprendra certaines orientations.

 

Etude de réversibilité pour les bâtiments neuf et avant toute démolition

 

Le texte prévoit qu'à compter de 2023, les demandes de permis de construire devront comprendre une "étude de réversibilité et d'évolution future". Un décret précisera quels bâtiments sont concernés. Préalablement à leur démolition, certains bâtiments devront également faire l'objet d'une étude de réversibilité. Un décret doit là aussi définir la portée de cette règle.

 

Copropriétés : le retour du plan pluriannuel de travaux

 

Intégrée originellement à l'ordonnance de réforme de la copropriété publiée en octobre 2019, une disposition obligeait toutes les copropriétés de plus de 15 ans à établir un plan pluriannuel de travaux sur la base d'un diagnostic technique global. Les copropriétés devaient, en outre, consigner chaque année 2,5% du montant du PPT en vue de sa réalisation. Retirée au dernier moment pour des raisons de sécurité juridique, l'obligation était promise à réintégration dans la loi par un autre moyen. Le texte présenté cette semaine est "robuste juridiquement", assure le cabinet du Premier ministre : les règles de vote au sein de l'assemblée de copropriété, jugées potentiellement non conformes à la constitution, ont été modifiées, notamment.

 

Artificialisation : l'objectif de division par deux du rythme confirmé, la définition précisée

 

Le texte fixe un objectif de "zéro artificialisation nette" à terme, et l'obligation de diviser par deux, dans les dix prochaines années, du rythme de l'artificialisation par rapport aux dix dernières années. Le "zéro artificialisation nette" ne sera donc pas la règle dans les prochaines années, mais un horizon à atteindre. La nouvelle rédaction du texte clarifie cette hiérarchie entre objectif et moyen de l'atteindre.

 

L'avant-projet donnait une première définition de l'artificialisation, en considérant comme artificialisé "un sol dont l'occupation ou l'usage affectent durablement tout ou partie de ses fonctions. Les surfaces de pleine terre ne sont pas considérées comme artificialisées". Le gouvernement semble avoir entendu les alertes émanant de nombreux spécialistes et parties prenantes, ainsi, d'après les conseillers du Premier ministre, que du Conseil d'Etat, puisque la seconde phrase a été supprimée dans le projet de loi présenté ce jour. C'est, en effet, le terme de "pleine terre" qui portait une insécurité juridique, relative notamment aux sols - agricoles, notamment - sous lesquels pouvaient passer des réseaux.

 

Comme initialement prévu, un décret en Conseil d'Etat devra venir préciser cette définition, qui promet de continuer à faire débat.

 

Obligation de justifier toute nouvelle ouverture à l'urbanisation

 

L'objectif de Zan et l'obligation de réduire par deux le rythme d'urbanisation sont tous deux déclinés à tous les niveaux de programmation d'aménagement : aux Sraddet (schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires), aux Scot (schémas de cohérence territoriale) ainsi qu'aux PLU (plans locaux d'urbanisme). Ces derniers devront en particulier, justifier l'ouverture de terrains à l'urbanisation par l'impossibilité de densifier les zones déjà urbanisées ou de réutiliser des friches, et les collectivités devront présenter, chaque année, un rapport sur leurs efforts concernant la lutte contre l'artificialisation.

 

Sauf exceptions, plus aucune construction de zone commerciale sur des terres naturelles

 

Le président de la République l'avait annoncé aux membres de la CCC en décembre : un principe général d'interdiction des nouvelles zones commerciales en périphérie des villes sera posé. Les associations de défense de l'environnement craignaient que les dérogations à ce principe ne soient trop larges et permettent, in fine, l'installation de nombreux projets. La dérogation inscrite dans le PJL se fait plus exigeante qu'attendu, en permettant, "par exception", la création de zones (de moins de 10.000 mètres carrés de surface de vente), à cinq conditions : l'insertion du projet dans le secteur d'une ORT (opération de revitalisation du territoire) ou un quartier en politique de la ville, la continuité avec le tissu urbain, la démonstration des qualités urbanistiques et environnementales du projet, notamment en termes de mixité fonctionnelle, la qualité du dispositif de compensation de l'artificialisation si celui-ci doit s'appliquer, et les besoins du territoire, "eu égard notamment à la vacance commerciale constatée".

 

Un inventaire et des moyens d'action pour les zones d'activités

 

Le texte du projet de loi mis à la consultation crée, enfin, l'obligation pour les collectivités compétentes de procéder à un inventaire des zones d'activités économiques, rendant compte de l'état parcellaire et des occupants, du taux de vacances, etc. Ce nouvel outil vise à lutter contre la création de nouvelles friches, en permettant à la collectivité de mettre en demeure les propriétaires de réhabiliter les locaux ou terrains puis d'engager une procédure d'expropriation au bout d'un an.

 

Trois semaines de débats sont prévues à l'Assemblée, courant avril. Le marathon ne fait que commencer pour un texte jugé fondamental par l'exécutif, à quinze mois des prochaines élections présidentielles.

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