Le marché des prisons a toujours été l'objet de convoitises pour les majors du BTP, mais l'annonce par le gouvernement de la création de 11.000 places d'ici 2007 et l'ouverture de ce secteur au financement privé devrait bouleverser la donne.

Jeudi 10 octobre 2002, le groupe Eiffage inaugure la prison de Seysses, aux portes de Toulouse. Dessiné par l'architecte Guy Autran, ce bâtiment de 605 places se présente comme un établissement modèle.
Sur quatre hectares, cette prison est divisée en quartiers, secteurs et unités d'hébergements, séparant les populations pénales par catégories. Les cellules individuelles ou doubles, "de surface suffisante" sont toutes équipées de douches, ce qui permet de permet de respecter les droits des prisonnier, tout en "permettant un emploi plus rationnel des surveillants ".

Cette double volonté résume bien le concept de l'architecte qui s'appuie sur "la réduction des circulations, l'auto-surveillance, la limitation des déplacements" avec une utilisation massive de l'électronique et de la vidéosurveillance.

Malgré tout, contrairement à certains établissements modernes, d'outre-Manche notamment, qui misent à 100% sur les caméras, la prison de Seysses n'a pas renoncé aux fameux miradors. "Le mirador revient en vogue car il permet de surveiller les façades, les toits, le mur d'enceinte et surtout l'extérieur de la prison, ce qui est impossible avec un véhicule circulant sur le chemin de ronde" explique au quotidien Les Echos Didier Bourgeois, directeur des constructions pénitentiaires chez Eiffage Construction.

Après l'inauguration de Seysses, Didier Bourgeois va enchaîner sur celle l'Avignon le Pontet qui conjugue une maison d'arrêt de 360 places (divisée en deux quartiers pour hommes), un quartier pour mineur de 20 places et un centre de détention de 210 places.

Toutes deux conçues par Guy Autran - le spécialiste français de ce type d'établissement qui a signé celles d'Epinal, Villefranche, Saint-Quentin Falladire, Rémiré-Montjoly, Seysses et la future prison de Séquélin près de Lille - ces prisons sont les premières du "programme 4.000" lancé par Pierre Méhaignerie en 1994 et dont les livraisons s'étalent jusqu'en 2004.

A l'époque deux majors se sont partagées ce programme avec trois contrats pour le team Eiffage-Autran (montant total : 125 millions d'euros) et trois autres pour Bouygues Construction associé à Architecture Studio (montant total : 105 millions d'euros).

Aujourd'hui, le gouvernement a annoncé la création de 11.000 places de prison d'ici 2007. Ce "programme 11.000" lancé par le nouveau secrétaire d'Etat aux programmes immobiliers de la justice devrait s'affranchir de plusieurs dispositions inscrites dans la loi MOP ou le Code des marchés publics en adaptant, à la française, le fameux PFI (private finance initiative). En clair, en raison du caractère "urgent" de la situation, ces nouvelles prisons devraient être construites sous le régime de l'autorisation d'occupation temporaire.

Cette formule a été testée pour la première fois à Strasbourg pour un hôtel de police de 11.000 m2 conçu et construit par le groupe Eiffage et les architectes Macary et Larivière, et exploité par Eurogem (société commune à la SCIC et à Spie). Pour le ministère de l'Intérieur, cette opération, "lancée en septembre 1999 et livré moins de 3 ans plus tard en janvier 2002 à la plus grande satisfaction des élus et des utilisateurs" est un succès.

Selon Claude Guéant, le directeur du cabinet de Nicolas Sarkozy qui répondait à un sénateur de l'Yonne, lui même interpellé par l'UNSFA, la loi MOP "oblige à tenir deux jury" et "explique en partie pourquoi la construction des commissariats requiert actuellement en moyenne de 6 à 8 ans", alors que "le dispositif de l'article 3 permet de réduire de 12 à 36 mois les délais de livraison des bâtiments". Aucun mot en revanche sur les risques d'une étude limitée et surtout sur les risques de dérapages des règles de concurrence induits par un tel système.

Par ailleurs, toujours afin de gagner du temps, Pierre Bédier souhaite utiliser la formule du bail à construction qui permet d'associer conception, construction et maintenance au sein d'un même contrat. Le gouvernement, qui a inscrit cette formule dans la loi de programmation pour la justice du 9 septembre 2002, n'attend plus que le feu vert du Conseil d'Etat.

Une fois le cadre juridique réglé, le gouvernement devra s'attaquer au problème du foncier. Une vingtaine de terrains aurait toutefois déjà été présélectionnés, ce qui permettrait aux services de Pierre Bédier de lancer les premiers appels d'offres au début de l'année prochaine.
La plupart des majors qu BTP - qui surveillent de très près ce marché - devraient répondre présent.

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