RÉCOMPENSE. Un architecte reconnu pour ses expérimentations dans l'habitat a été couronné par l'Académie d'architecture. Au total, 27 lauréats ont été mis à l'honneur, lors d'une cérémonie de remise des prix à Paris.

La médaille d'or de l'Académie d'architecture est revenue cette année à un "précurseur", a annoncé Catherine Jacquot, présidente de l'Académie d'architecture, à Paris le 17 septembre 2025. L'architecte Pierre Lajus, 95 ans, a reçu la prestigieuse récompense célébrant l'ensemble de sa carrière, dix ans après s'être vu décerner la médaille d'honneur par la même institution.

 

L'œuvre de Pierre Lajus "a traversé le temps et a nourri de nombreux architectes", a affirmé Sophie Berthelier, présidente de la commission des prix et récompenses à l'Académie d'architecture, qui a salué son "humilité et son engagement à défendre" la discipline. Ce "visionnaire qui réfléchissait déjà, il y a un peu plus d'un demi-siècle, à la juste technique adaptée au lieu, au climat" porte une "approche juste", a complété Salima Naji, architecte franco-marocaine et lauréate de la médaille d'or 2024. "Son matériau de prédilection est le bois, son architecture inspire le respect qu'elle avait elle-même pour le milieu dans lequel elle s'insérait", a souligné Catherine Jacquot.

 

L'habitat comme fil rouge

 

Pierre Lajus fait partie des grandes figures de l'innovation architecturale de ces dernières décennies. Il a réinventé l'habitat sous plusieurs formes, et a imaginé des maisons modernes individuelles, baignées de lumière naturelle et ouvertes sur le paysage. Il a pensé sa propre maison mais aussi, dans les années 1960 et avec les architectes Yves Salier, Adrien Courtois et Michel Sadirac, le modèle de la maison Girolle (ensuite déclinée par centaines), une résidence préassemblée, à ossature bois et toit de tuiles, peu coûteuse, d'environ 80 m².

 

"Nous avons un peu évolué en concevant la 'Girolle', une maison industrialisée préfabriquée que nous avons accepté de couvrir d'un toit de tuiles à deux pentes, avec deux murs pignons en maçonnerie : une 'vraie' maison pour nos clients. Nous étions passés d'un modernisme intransigeant, plaisant surtout à nos pareils, à une modernité 'négociée', suivant la belle formule d'Ariella Masboungi, a déclaré Pierre Lajus.. 'L'architecture est un service', écrit Renzo Piano dans son 'Carnet de travail' (1997). J'en ai fait ma devise personnelle. C'est peut-être cette valeur que certains, parmi vous, ont voulu souligner en m'honorant aujourd'hu."

 

Dans les années 1980, Pierre Lajus a participé aux "réalisations expérimentales", une initiative pour favoriser le logement collectif social soutenue par l'Etat, et inscrit dans le "plan construction". Une fois encore, il a mis en œuvre du bois dans les habitations qu'il concevait. En choisissant ce matériau en ossature bois pour ses réalisations, il a fait le choix de la rationalisation constructive. On lui doit également le centre permanent d'initiation à l'environnement du Tech, un équipement situé au sein du parc naturel régional des Landes de Gascogne.

 

"Un engagement militant dans la modernité"

 

Son agence co-menée avec Salier, Courtois et Sadirac, et qui comptait une dizaine de collaborateurs, prônait une pratique "du projet et du chantier étroitement liés, que permettait le volume modeste de notre carnet de commandes", a-t-il expliqué. Les collaborations entre les clients, les entreprises et le cabinet se déroulaient "dans une ambiance décontractée", permettant "une grande créativité".

 

"L'attitude commune de notre équipe, c'était certainement un engagement militant dans la modernité, une exigence de qualité qui pouvait atteindre le jusqu'au-boutisme, au risque de perdre quelques clients. C'était aussi l'intérêt privilégié pour trois registres de la création architecturale qui nous paraissaient essentiels : le rapport au site, la qualité de l'espace architectural et la mise en évidence du système constructif."

 

Pierre Lajus a également été directeur adjoint au service architecture du ministère de l'Équipement, entre 1984 et 1987, et a participé à l'écriture de la loi Mop (relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'œuvre privée) et à la réforme de l'enseignement de l'architecture. Il a cessé son activité professionnelle en 1995 et a co-publié, deux ans plus tard, l'ouvrage "L'architecture absente de la maison individuelle".

 

Des lauréats inspirant un monde "plus juste"

 

L'Académie d'architecture a également remis de nombreux prix à des architectes et acteurs liés à la discipline, dans plusieurs catégories. Les lauréats sont "des personnalités combattantes […] qui œuvrent pour que l'architecture puisse réunir les ingrédients de beauté, de paix et de préservation de notre patrimoine, a indiqué Sophie Berthelier. Cette année encore les récipiendaires œuvrent pour un monde plus juste et plus qualitatif."

 

Au total, 27 prix ont été décernés. La haut fonctionnaire, femme politique et actuelle directrice générale de l'Unesco, Audrey Azoulay, a décroché la grande médaille. Ancienne conseillère culturelle du président François Hollande, puis ministre de la Culture et de la Communication, elle a, au sein de l'Unesco, "profondément renouvelé l'approche de l'organisation en matière de patrimoine mondial, d'architecture et de lien avec les sociétés."

 

L'Atelier Laurent Niget a, lui, obtenu le prix de l'habitat, et Maxime Ferrari a remporté le prix d'urbanisme, pour son étude de cas d'un territoire rural de production textile en pleine mutation.

 

 

 

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