CULTURE. Présentée à Paris avant de parcourir la France, une installation retrace le travail passionnant des lauréats des Albums des jeunes architectes et paysagistes 2023. Engagés, ils esquissent à travers leurs réalisations un futur durable et citoyen.
La nouvelle génération d'architectes et de paysagistes est mise à l'honneur dans une nouvelle exposition itinérante. D'abord présentée à Paris jusqu'au 18 novembre 2025, à la Cite de l'architecture et du patrimoine, puis visible dans plusieurs villes de France, l'exposition "Traverser les marges : Albums des jeunes architectes et paysagistes 2023 (AJAP)" met à l'honneur les lauréats de ce prix largement reconnu dans le secteur.
Créée en 1980, cette récompense "est le reflet des préoccupations qui traversent les milieux professionnels et universitaires", explique Cyrille Véran, commissaire de l'exposition, qui note, chez la nouvelle génération, une urgence à répondre aux enjeux climatiques et environnementaux. "Les lauréats s'attachent à inscrire leurs réalisations dans un ancrage local. Ils veulent connaître les ressources, acteurs et milieux des territoires dans lesquels ils interviennent, et travaillent sur le déjà-là et le patrimoine, en promouvant des pratiques artisanales. Frugalité, sobriété, adaptation… Ils possèdent un vocabulaire commun."
Réparer le territoire
Implantée en Saône-et-Loire, Ejo, coopérative d'architecture et de paysage, collabore sur une multitude de projets, de la construction neuve à la revitalisation de centre-bourg. Elle "agit dans deux départements dans le but de connaître parfaitement ces territoires, acteurs et ressources", poursuit Cyrille Véran. Annabelle Adroit et Clémentine Pujol-Soulet, de l'Atelier Apa, agissent également à réparer le territoire, en créant une place de village et un pôle culturel et commercial à Saint-Hillaire (Aude).
Beaucoup mettent en œuvre des matériaux géosourcés et biosourcés dans les opérations qu'ils conçoivent, comme Déchelette architecture qui utilise la terre crue dans des immeubles de logements. Le collectif d'architectes Léopold Canté (Calc), mené par Marine Canté, porte haut la question du réemploi.
André Guiraud, dont le champ d'action est la rénovation et transformation du patrimoine bâti dans la métropole bordelaise, porte une attention particulière à soigner des détails mais surtout à s'inscrire dans une économie de moyens et de matières. Il a suivi des formations à la terre, au bois et au béton de chanvre, et a livré, au Cap-Ferret, une maison en ossature et revêtement bois.
Un mélange de disciplines
Certains se forment à d'autres disciplines, comme l'agriculture, l'agroforesterie ou l'anthropologie, pour compléter leurs connaissances en architecture. Une manière "de répondre au mieux à la complexité des sujets abordés", souligne la commissaire. Charlotte Allard est architecte et agricultrice. Basée à Bordeaux et Bazas (Gironde), son agence répond à une grande diversité de programmes, notamment des bâtiments agricoles. "Dans chacun de ses projets, elle cherche à créer des interactions sociales", indique Cyrille Véran.
À Nice, Maxime Bergeret, Marion Sebbane et Gaël Sellier, fondateurs de Bancau architectes, prônent l'harmonie entre ancrage territorial et matérialité brute, mais aussi "les pratiques artisanales", souligne la commissaire.
Participer à la transition écologique est également dans le viseur des gagnants des Ajap 2023. La paysagiste Iris Chervet propose des solutions "qui réparent les métabolismes des territoires", décrit Cyrille Véran. A Saint-Omer (Pas-de-Calais), agglomération impactée par deux récents épisodes de crue hivernale, la professionnelle propose d'aménager deux parcs hydroactifs capables de pallier les risques de submersion marine et de contenir l'étalement urbain.

Valoriser d'autres parcours
En 2023, une nouvelle catégorie, baptisée "Autres voies de l'architecture", a été créée aux Albums des jeunes architectes et paysagistes. Elle salue le travail de diplômés exerçant dans différents métiers de l'architecture. "Elle valorise d'autres facettes du métier qui enrichissent la pratique, la questionnent, accompagnent des commanditaires à des missions d'assistance à maîtrise d'ouvrage. Cette catégorie est une ouverture bienvenue", raconte la commissaire.
À Fort-de-France, en Martinique, Asso Abité (conduite par les architectes associés David Fontcuberta, Rafael José Salcedo et Ana van der Hofstadt) "a créé un lieu de débat pour réfléchir à la question du vivre-ensemble, sur une île où les espaces publics étaient impraticables et les transports publics inexistants." Ils ont mené un projet de réhabilitation et de transformation de la rue Garnier Pages, en permettant la participation citoyenne et celle des commerçants. Les façades ont été rénovées et préservées, et l'espace public est devenu piéton.
Inclure les citoyens en les encourageant à s'engager, c'est aussi ce que souhaite Roberta Ghelli, directrice de la maison d'architecte d'Isère. "Elle considère que l'architecture doit être l'affaire de tous et travaille à la démocratiser en organisant notamment des ateliers", ajoute Cyrille Véran. Powa, un atelier d'architecture et d'urbanisme collaboratif fondé par Lisa Poletti-Clavet et Marguerite Wable, "embarquent également les habitants et usagers dans chaque projet".
L'ensemble de l'exposition, fait de jeu de paravents assemblés, est présenté de manière amusante et ludique. L'installation "montre que la jeunesse trace une voie en architecture et en paysage. Il faut écouter ce qu'a à dire cette nouvelle génération", estime Julien Bargeton, président de la Cité d'architecture et du patrimoine. Leurs projets "valorisent les sols, préservent le patrimoine, font le lien avec les ressources locales, et portent l'innovation et l'expérimentation, en lien avec le contexte." Des démarches à saluer et dont on pourrait s'inspirer.
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Entrée gratuite
Cité de l'architecture et du patrimoine
7 Av. Albert de Mun, 75016 Paris