ARCHITECTURE. Lancé en novembre dernier, le Nouveau Bauhaus européen veut faire de la rénovation des bâtiments un "projet culturel". Pour Emmanuel Grégoire, premier adjoint à la maire de Paris, la beauté est centrale à tout projet urbain ; il est donc indispensable d'embarquer le public dans les choix stratégiques.

Le collectif du Nouveau Bauhaus européen auquel participe le Conseil des Architectes d'Europe, dont le Cnoa est membre, a organisé le 29 avril une conférence en ligne intitulée "Cadre commun : faire de la vague de rénovations un projet culturel". Ce collectif, issu de la volonté de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, de lancer un mouvement en référence à cette école de pensée fondatrice de l'architecture et du design européen du 20e siècle, veut "débattre de la manière dont une approche holistique, prenant en compte et cherchant à optimiser les facteurs de durabilité, de beauté et d'inclusion, peut contribuer à la conception et à la réalisation de meilleurs espaces de vie, pour le bien commun". La "vague de rénovation" évoquée fait référence, elle, aux investissements dans la rénovation énergétique des bâtiments, dont le Pacte vert européen se fait le promoteur.

 

Parmi les thématiques abordées pendant cette journée d'échanges à l'échelle du continent, figurent notamment l'éducation, la qualité, les matériaux biosourcés, la durabilité, la recherche, la mobilité, le patrimoine. Mais c'est aussi de beauté dont ont parlé les intervenant de la table-ronde (virtuelle) introductive, à laquelle participaient plusieurs élus ou représentants de collectivités locales, petites ou grandes.

 

Le Bauhaus, la durabilité en plus

 

Le Bauhaus a été créé, après la Première guerre mondiale, à une époque de transformations profondes, a rappelé en introduction la présidente de la Commission, où l'Europe faisait face au défi de l'industrialisation. Le mouvement a su apporter des "solutions fonctionnelles, abordables et belles". "Il faut ajouter pour ce nouveau Bauhaus, le défi de la durabilité", a fait martelé Ursula von der Leyen : "là où le Bauhaus a consacré des matériaux comme l'acier et le ciment, aujourd'hui il faut nous pencher sur des matériaux anciens et nouveaux, mais surtout respectueux de l'environnement. Le Nouveau Bauhaus Européen reflète une ambition partagée par de nombreux citoyens et décideurs : rendre nos environnements bâtis et nos espaces de vie plus durables, plus beaux et plus inclusifs".

 

Emmanuelle Grégoire, premier adjoint d'Anne Hidalgo à la mairie de Paris, juge "cette inspiration très stimulante" et promet de s'impliquer dans cette approche "qui préoccupe beaucoup des enjeux auxquels les villes doivent faire face : enjeux environnementaux, d'attractivité et d'emploi, sociaux". Trois projets menés par l'équipe municipale "s'inspirent", selon lui, de cette démarche : le nouveau PLU bioclimatique, récemment mis à la concertation, le pacte pour la construction, qui vise à "embarquer les constructeurs dans les choix collectifs", et "une initiative plus philosophique", le Manifeste pour une nouvelle esthétique parisienne.

 

Protéger le beau sans enfermer les villes dans leur histoire

 

Ces trois initiatives procèdent d'un "urbanisme de transformation", affirme Emmanuel Grégoire. Car le premier adjoint souhaite qu'il n'y ait aucune ambiguïté : "il n'est pas question d'enfermer les villes patrimoniales dans leur histoire, sauf à en faire des lieux uniquement à touristes". Le danger, selon lui, serait de "tomber dans des villes figées". Le sujet de la beauté est alors central : comment la préserver tout en se projetant dans l'innovation architecturale et sociale ? "En étant très déterminés et en agissant avec subtilité".

 

Pour l'élu, cela rejoint le thème de la participation citoyenne. "Le beau est un consensus, il évolue. Embarquer le public est essentiel". Pour faire face, par exemple, aux contraintes posées par la rénovation énergétique des bâtiments patrimoniaux très anciens, "le rôle des architectes est essentiel", et "le dialogue avec les citoyens est très important".

 

La "beauté d'usage" au service de la ville du quart d'heure

 

Autre exemple : celui de la ville du quart d'heure, "extrêmement importante sur un plan stratégique" pour l'équipe menée par Anne Hidalgo. Cette ville de la proximité "n'a de sens que dans son interconnexion avec la ville au sens large et avec les autres villes entre elles. Il ne peut pas y avoir tout dans la ville du quart d'heure", rappelle l'élu pour dissiper tout doute. Il s'agit donc de "développer des micro-écosystèmes urbains de proximité dans lequel les citoyens vont trouver ce qui concourt à la qualité de vie au quotidien". Pour la Ville de Paris, l'école est la centralité de cette ville du quart d'heure. Mais cette dernière ne se réalisera qu'en développant ou préservant une certaine "beauté d'usage".

 

L'une des missions du Nouveau Bauhaus est "d'articuler la vision partagée et la mise en œuvre, en expliquant que si l'objectif de neutralité carbone est le nôtre, le remplir est difficile", a affirmé Emmanuel Grégoire à ses homologues européens. Il faudra être "méthodiques, progressifs". Et "en parler collectivement est déjà essentiel".

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