Batiactu : Au-delà du seul logement, quelles sont les structures essentielles aux villes et quartiers pour que les locataires du parc social puissent vivre plus confortablement ?
T.R. :
Les études régulières que nous menons sur le taux de satisfaction des ménages du parc HLM dépasse globalement les 80%. Cependant, on s'aperçoit que leurs attentes les plus marquées ne sont pas sur le logement lui-même, mais sur l'environnement du logement : ils attendent la présence de services du quotidien tels que le désenclavement, la qualité de l'enseignement, ou encore les commerces de proximité. Aujourd'hui, notre vraie difficulté réside dans notre sentiment que la politique de la ville met énormément l'accent sur le bâti, en oubliant l'importance de la présence de services autour.

 

La présence des services publics, particulièrement de l'Etat, s'est évaporée par rapport à ce qu'il y avait par le passé, et dans certaines villes, les maires se sont un peu retirés de ces quartiers. Or, je crains que si l'on n'inverse pas la tendance, nous ayons à connaître très prochainement dans certains quartiers de grosses difficultés, similaires à ce que notre pays a connu il y a 5 ans. Nous sommes dans une situation de tension telle que le logement HLM ne pourra pas être le seul à apporter la solution.

 

Batiactu : La réquisition de logements vacants est-elle une solution viable ?
T.R. :
Je ne suis pas le premier supporter de la réquisition. Ce sont des procédures assez lourdes, assez autoritaires, et avant de réquisitionner, il faut déjà avoir identifié un bien utilisable rapidement et sans travaux démesurés. Ceci étant dit, la réquisition a un caractère symbolique fort, elle permet d'interpeller les consciences sur la situation du logement dans notre pays. Il faut profiter de cette interpellation pour élargir le débat et aller vers des solutions opérationnelles.

 

Au-delà de la production massive que j'appelle de mes vœux, il y a plusieurs outils efficaces : la majoration des aides de l'Anah dans un parc vacant peut inciter des propriétaires privés à remettre leurs biens sur le marché ; on peut aussi conforter les produits qui diminuent le risque des impayés de loyers (GRL), et pourquoi pas imaginer une intermédiation du parc HLM. Je pense qu'il faut développer aussi la taxe sur les logements vacants. Mise en place en 2000 sur les 8 plus grandes agglomérations, elle a permis en dix ans de faire baisser le taux de logements vacants de 50% dans ces territoires. On peut aussi penser à un assujettissement à la taxe d'habitation pour les locaux vacants dans les communes SRU qui manquent de logements. Et renforcer l'article 55 de cette loi SRU, car la contribution de solidarité n'est pas assez forte, elle n'est pas donc pas incitative. Grâce aux Scot et aux PLU créés par la loi SRU, on constate des effets positifs après dix ans : car des élus ont dû déterminer quelle serait la destination de leur territoire, notamment en termes de logements. Aujourd'hui, ce sont sur ces documents, qui ont un véritable effet déclencheur, que nous nous appuyons pour faire sortir les 125.000 logements sociaux financés l'an dernier. On se focalise toujours sur l'aspect financier, mais il existe des outils urbains très forts. Ce sont ceux-là qu'il faut connaître et mettre en place.

 

 



Le profil des locataires HLM évolue

 

Les études menées sur les populations locataires du parc HLM montrent trois grandes tendances (source USH) :

 

- Une très grande variété des situations familiales : en 2009, les familles avec enfants représentaient 44% des ménages dans le parc social, contre 35% pour l'ensemble du parc. Cette proportion des familles est cependant en léger repli (47% en 1997).
- L'âge : les locataires de HLM sont moins âgés que dans le parc traditionnel, mais en phase de vieillissement. Les 50-64 ans, qui représentaient 19% du parc en 2000, sont passés à 27% en 2009 et vieillissent en restant dans le parc. A contrario, les moins de 30 ans ont décru de 15 à 10% entre 2000 et 2009. Deux phénomènes peuvent expliquer cela, d'une part le temps d'attente pour obtenir un logement, mais aussi le fait que les jeunes ont de plus en plus de difficultés à s'autonomiser en raison de leur pouvoir d'achat. Mais en 2009, les jeunes ménages ont représenté 28% des attributions nouvelles. En revanche, les plus âgés sont sous-représentés, avec seulement 21% de plus de 65 ans dans le parc HLM, contre 26% au total dans la société. Cela peut s'expliquer par l'espérance de vie moins grande des catégories moyennes, mais aussi par le départ vers des structures médicalisées, inévitable dans certains cas.
- Les revenus : les ménages du parc sont de plus en plus modestes. La catégorie des employés-ouvriers, qui représente un tiers des actifs en France, constitue 49% du parc social. Les ménages s'appauvrissent, et en 2006 le revenu moyen d'un ménage locataire HLM était de ménage 1670 euros mensuels, soit 30% de moins que la moyenne nationale. Globalement, l'USH constate que les nouveaux entrants dans le parc HLM sont plus pauvres que ceux qui résident déjà.

 

Ces constatations aiguillent le mouvement HLM dans le type de logement à construire : «Il faut bâtir plus de PLAI», indique Thierry Repentin. Le PLAI (prêt locatif aidé d'intégration) est le logement social le plus accessible en termes de loyer, sur lequel les subventions permettant de baisser les loyers sont plus importantes. Mais ce type de logement nécessite forcément plus de fonds propres de la part des organismes, plus de subventions de l'Etat et des collectivités locales.

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