ENTRETIEN. Ancien directeur général de l'office HLM de Toulouse et sous-directeur de l'immobilier du Quai d'Orsay, José Cohen Aknine plaide pour une massification de la mixité dans l'habitat, et d'un brouillage des frontières qui séparent le logement social du privé. Une feuille de route qu'il déroule dans "Instaurer la mixité dans l'habitat" paru aux éditions L'Harmattan.

Batiactu : Vous indiquez en titre de votre ouvrage qu'il s'agit de votre contribution au grand débat, pourquoi avoir choisi le sujet de la mixité ?

 

José Cohen Aknine: Je souhaitais faire connaître le secteur du logement social, mal connu de la population. Ce sont des acteurs à la fois puissants et dotés d'une conscience de l'intérêt général. J'avais également envie de présenter leurs faiblesses tout en anoblissant leur mission, notamment celle de l'attribution des logements, considérée comme marginale, mal payée, mais qui est pourtant fondamentale. L'habitat doit être le lieu de mixité, le lien républicain qui n'est pas contre la préservation de la culture, car il n'y a aucune raison que l'habitat soit communautariste. Je prends cette mixité de l'habitat comme garante de la cohésion nationale, qui permet de se retrouver, d'échanger.

Batiactu : Comment faire évoluer les modes d'habitat actuels vers plus de mixité ?

J.C.A : Par le maintien du volume d'accueil des personnes en difficulté mais en modifiant cette proportion, ce qui impliquerait de revoir la loi SRU. Si l'on augmente très fortement la production de logements, on pourrait réduire cette proportion et faire revenir les classes moyennes qui ne savent pas nécessairement qu'elles ont accès à un logement social, ou qui tombent dans les préconçus liés au logement social. Pour cela, il faudrait également simplifier les règles d'attribution, en mettant en place un profil national, établi en fonction des critères socio-économiques, de l'âge, de la composition familiale et de la catégorie socio-professionnelles. Dans ce cadre, les bailleurs sociaux pourraient devenir des syndics, des ingénieurs de la mixité qui feront en sorte que les logements sociaux se fondent totalement dans la masse.

 

Batiactu : Parmi d'autres préconisations, vous plaidez pour la vente de logements sociaux pour construire davantage. Mais compte tenu du contexte économique qui touche les bailleurs, ne craignez-vous pas que ces ressources soient utilisées pour maintenir leur équilibre financier ?

J.C.A : Il faut vendre, afin d'assurer un minimum de propriétaires-occupants dans les HLM. Cela constitue à la fois une ressource et un gage de mixité pour les bailleurs sociaux. Certaines erreurs ne devront pas être reproduites car la vente a été mal utilisée par le passé, on voyait cela comme un moyen de se débarrasser d'un patrimoine en mauvais état, auprès de propriétaires qui étaient dans l'incapacité d'assumer leur logement. Néanmoins, le patrimoine doit être vendu avec parcimonie, dans la mesure où les logements vendus ne doivent constituer plus de 2% du parc locatif social. Il ne faut pas vendre les bijoux de famille, et se concentrer sur les quartiers en cours de requalification ou ceux qui ont déjà été réhabilités.

Batiactu : Vous imaginez les bailleurs sociaux comme de futurs syndics et "ingénieurs de la mixité", pensez-vous que c'est leur métier ?

J.C.A : Ces acteurs ont souvent su faire preuve d'innovation dans les services qu'ils proposaient, ils pourraient jouer un rôle d'assistant auprès des accédants, et apporteraient les facteurs d'équilibre de la mixité. Il est plus difficile certes, de devenir syndic, mais les bailleurs le sont de fait dans les opérations immobilières qui mixent logements sociaux et en accession. Cela est un premier pas positif, afin que l'on ne reconnaisse plus les frontières entre les logements.

Batiactu : Vous considérez la mixité dans l'habitat comme garante de la cohésion nationale, cela suffit-il dans des quartiers isolés des mobilités ou de l'emploi ?

J.C.A: Il faut aussi donner aux habitants des occasions d'échanger, à travers "les échangeurs" que j'évoque dans mon livre. Je crois énormément au café du commerce et aux services de proximité qui ont disparu de certains quartiers. Aujourd'hui, la lutte contre le changement climatique me semble être un point fédérateur auprès des habitants, qui se discute localement et qui peut véritablement flouter les frontières car cela relève de l'intérêt général.

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